Photo Marcel Mussen
Nora,
marche avec nonchalance, son esprit de petite fille n'est pas libre.
Elle
tient un petit objet en main et elle sent que si elle ne le tient pas
très fort, quelque chose va à nouveau se perdre, alors elle
maintient l'objet et se donne les moyens d'exister.
Le
veut-elle encore ?
Sait-elle seulement que son désir de vivre est paradoxal, quand on
songe à la nonchalance avec laquelle elle traverse le monde ?
Elle
regarde les enceintes de ce château qui fige son existence dans
l'absence des siens.
Tout
est ancré dans sa mémoire, son corps est un éternel aller-retour
entre aujourd'hui et hier. Le présent, le futur, ont-ils un sens ?
La douleur, le manque, l'absence, l’incompréhension, ces
sentiments sont mitigés et doivent cohabiter au sein de son cœur ,
de son esprit, de son corps. Tout cela laisse une empreinte à vie.
Si, et si seulement, on pouvait éviter les drames que cela
engendrera, si, et seulement si, nous pouvions refaire le passé,
celui qui détermine comment Nora aime aujourd'hui ?
Elle
sait qu'elle souffre de ne pas se libérer, mais elle comprends sa
vie de femme, elle reconnaît ce fonctionnement auquel son âme tout
entière est attachée, elle sait que pour aimer elle est dans la
souffrance, l'autre pour elle ne doit pas l'aider à s'accomplir,
non, elle le veut pour se punir et elle l'a compris ce processus
destructeur, elle cherche l'amour là ou il n'est pas possible d’être
aimée et elle insiste dans sa blessure, elle se fait saigner et
quand il n'y a plus qu'elle à tout tenter, elle se sent enfin libre
et se répète : voilà il a aussi été lâche.
Elle
a vécu sa vie de femme mariée en se laissant aimer et mépriser.
Elle
sentait que c’était la seule façon qu'on lui avait donné
d'exister : dans la souffrance.
Nora
regarde cet objet, ses mains moites l'y oblige, elle s'arrête et
constate que les autres enfants s'amusent, personne n'a cette
attitude équivoque, ce bout de métal qu'elle tient n'a aucune
valeur, aucune représentation dans la forme.
Elle
l'a trouvé et l'a tenu.
Comme
cela et soudain, elle décide de s'en séparer, de rejoindre les
enfants qui partagent avec elle une période de leur existence.
Ils
ne sont rien les uns pour les autres.
Ils
ne sont rien pour leur famille durant cette période puisque les
voilà livrés à des étrangers.
Un
système qui écorche l'âme à vif.
Un
sentiment d'abandon ravage tout sur son passage.
Il
creusera tout au long de la vie de Nora.
Il
forgera son caractère, il anéantira ses relations.
Les
sœurs sont les entités essentielles dans ce château. Se sont elles
qui sont institutrices, infirmières, gardiennes, etc.
Quelques
monitrices travaillent aussi au sein de cet établissement.
Les
garçons et les filles sont séparés. Frères ou sœurs, aucun
avantage : on ne se côtoie pas.
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