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lundi 29 mars 2021

L'enfant du parloir, par Marcus

 

                      

Ce matin-là, elle était venue me rendre visite à Lantin. Pour ces rencontres, l'administration pénitentiaire avait prévu un long couloir avec une vingtaine de petites salles, chacune divisée en deux, un carreau faisant office de mur de séparation. 

                  Pour accéder à ce lieu sinistre, il vous faut évidemment montrer patte blanche et se fournir de tous les documents nécessaires demandés par les autorités.  Ceux qui sont passés par là savent à quoi je fais allusion. Il n'est pas rare que des personnes jettent l'éponge devant tant de formalités. Je pense surtout aux personnes âgées, ayant emprunté de nombreux transports avant d'arriver à la prison où ils se voient refouler parce qu'ils ont oublié un papier. Le système est redoutable et surtout intransigeant ; malheur à qui ne s'y conforme, il sera rejeté sans autre forme de procès. Certains pourtant s'accrochent, car ils savent que cette visite est importante, qu'ils ne pourront peut-être plus revenir, parce que le temps fait son œuvre, parce que la condamnation est disproportionnée au peu qu’il leur reste à vivre.  Cette première visite, comme vous pouvez le constater, peut prendre des semaines avant d'aboutir. « Il faut aimer cette personne pour arriver au couloir des visites, c'est une certitude ».

                 La femme qui partage ma vie se trouve devant moi, elle me signale qu'un de ses enfants a souhaité l'accompagner. Je lui demande où se trouve cet enfant.

                  « Il est dans le couloir, il nous entend ». Elle me fait signe qu'il pleure, qu'il est traumatisé par cette rencontre et cet endroit. Face à cette situation, c'est à mon tour d'être traumatisé et je sens que je vais défaillir. Je regarde le plafond en espérant que Dieu me vienne en aide. Il me faut réagir au plus vite pour sortir de ce drame. Heureusement, vous pensez bien que j'ai aussi appris la maîtrise. Cette maitrise peut servir lors d'un interrogatoire, la conduite d'un véhicule volé, dans bien de faits mais ici, c'est du jamais vu, on ne trompe pas un enfant d'un claquement de doigts, surtout celui dont on a tenu la main, ou encore avec qui on a joué et qu’on a serré dans les bras.

                 La porte du parloir finira par s'entrouvrir avant qu’on ait trouvé les mots pour le tranquilliser. L'enfant apparaît devant moi, les yeux rougis, des larmes qu'il ne cache même plus, ensuite, le silence de nos regrets devant cette innocence. 

                 Pendant toute cette visite, l'enfant est resté accroché au cou de sa maman sans dire un mot, me regardant intensément.

                 Vous avez des juges qui condamnent, le code pénal en main, le silence de cet enfant était bien plus redoutable que tous mes juges réunis.     

A+ Marcus 






samedi 30 janvier 2021

Stéphane à Lantin , par Marcus


De tout temps il y eut des hommes dont la richesse et le pouvoir étaient le sens de leur vie. 

Il me faut vous raconter l'histoire de Stéphane, citoyen du beau pays de Liège, à sa dégringolade. 

Après avoir réussi brillamment ses études, Stéphane se lance dans la politique. IL eut pour père un certain Daerden, bourgmestre d'Ans, un ministre bon vivant, aimant évidemment la bonne chair et surtout œnologue hors-pair.

 Comme je vous le disais, Stéphane avait tout pour être heureux mais, comme blanchette, il briguait le sommet de la montagne. Arrivé à l'âge adulte, la première chose qu'il fit fut de détrôner celui qui, confiant, l'avait emmené sur les premières marches du pouvoir. Il prit le trône, laissant un tabouret à Papa.  

L'appétit vient en mangeant. Stéphane se changea en ogre en s'accaparant des affaires douteuses, aux côtés d'hommes peu scrupuleux, aidé d'avocats champions de toutes procédures. Comme le semeur, il passait d'un champ à l'autre, ignorant souvent que cette terre n'était pas la sienne et recueillant ensuite au centuple le fruit de son travail dans un mépris total aux propriétaires des terres spoliées. 

Les choses allèrent à bien de son pas diligent (La Fontaine).

Obscurs témoins, devant la passivité de la justice, les journaux finirent par prendre l'affaire en main. Nul ne s'étonna de ces investigations apportées par les journalistes alors qu'elles auraient dû venir du palais de justice. Derrière ses œillères, Stéphane et sa garde d'avocats ne virent arriver le danger ; la calèche d'or se transforma en fourgon cellulaire d'où Stéphane et ses acolytes traversèrent le village de sa gloire passée pour se rendre à Lantin. Nul ne vous dira s'ils firent cette longue route en pleurant.


Lantin ! Ce nom sonne comme le chant des morts, là où finit l'histoire. 

J'imagine Stéphane et sa horde arpentant ce long couloir où se trouvent les salles d'attentes pouvant contenir chacune, plusieurs dizaines d'individus. Nos pandores lui enlèvent les menottes et il entre dans cette grande pièce où des bancs solidement fixés aux murs sont des meubles.

A cette heure tardive, le préposé aux fouilles met des heures à venir car, ici, le temps s'arrête. Stéphane est ensuite conduit à la pièce des fouilles. Un détenu s'empare d'une pile de linge préparé et met cette pile sur le comptoir, il y a des draps, des essuis et puis ces vêtements d'une autre époque qui surgissent comme d'un livre d'histoire. Le cauchemar commence, 

" Déshabillez-vous complètement et prenez cette douche, profitez-en, la suivante sera dans trois jours" crie le préposé. On lui saisit ses bijoux ainsi que son argent pour mettre le tout dans une enveloppe qui rejoindra le coffre du greffe. Stéphane suit le déroulement de la scène complètement résigné ; les interrogatoires l'ont complètement anéanti. 


Ce n'est pas tous les jours qu'un gardien peut conduire un homme d'"affaires" en cellule, d'ailleurs, c'est un gradé qui prendra cette fonction exceptionnelle.  Stéphane aura une cellule propre au niveau 1. Il ne sait pas que pour les autres entrants, faute de place, le cachot est souvent réquisitionné en attente qu'un nouveau duo ou un trio puisse être constitué. Il entre dans son nouvel univers où, sur deux sur trois se trouvent une table, une chaise, une armoire, un WC, un paravent, un lit. Il se demande comment il va évoluer dans un espace aussi restreint ! Ce qu'il ignore, c'est qu'il dispose de privilèges. Il est seul dans une cellule propre. D'autres, dont souvent de très jeunes, croupissent à deux voir plus sur cette surface identique et sale. Quand j'écris identique, je fais une énorme erreur puis qu'il n'y a plus de meubles dans la plupart des cellules, les affiches ont remplacé la couleur des murs, des matelas jonchent le sol parce qu'il n'y a plus de chaises, ...

Il ne saura sans doute jamais ce qu'est une vie à deux ou à trois dans moins de neuf mètres carrés, avec un autre détenu fumeur ou malade, avec un drogué se réveillant au milieu de la nuit en hurlant ou d'une autre personne accrochée au téléviseur à regarder des dessins animés jour et nuit ou mettant à fond le son pour mieux entendre une musique débile. Non, il ne connaîtra l'odeur repoussante de certaines personnes imposées contre son gré, il ne connaîtra non plus la gêne de se laver ou de déféquer à quelques centimètres de "l'autre".

Après vingt-quatre heures passées à cet endroit, il demande déjà son transfert vers une autre prison plus soutenable. L'homme le plus riche de la prison impose et en impose déjà alors qu'il dispose pourtant d'un tout autre régime. 

Je crois qu'il a raison de se battre pour sortir de là. Mais je pense avant tous à ces femmes, ces hommes, à ces jeunes qu'il laisse derrière lui sans réagir et qui eux devront continuer à croupir dans cet enfer. 

Eux n'auront part d'un peu d'humanité de cet homme complètement bouleversé et là, je le maudis. 


      A+ Marcus

dimanche 10 janvier 2021

La liberté d'expression et les vingt-huit morts à Lantin, par Marcus

 

En quittant la prison de Lantin en 2003, je savais que je devais faire quelque chose pour toutes ces femmes, ces hommes, ces jeunes que je laissais derrière moi.

           En lisant ces écrits, vous pensez évidemment à ceux qui sont restés vivants ? Et bien non, du moins pas exactement, parce que pendant mon séjour de trois ans, il y eut énormément de morts. Je me souviens d'en avoir répertorié 28, les chiffres devaient être supérieurs, l'administration pénitentiaire se gardera bien de vous les fournir et heureusement car c'est une honte. Un gardien me disait qu'il n'était pas rare, pour ne pas que ces chiffres apparaissent, que ces morts soient repris sur le compte de l'hôpital de la citadelle. Un autre gardien me dit que ces morts étaient comptabilisés sur le territoire de Juprelle car il n'y a pas d'administration au village de Lantin. Pour me confirmer cela, il me dit qu'au "greffe" se trouve un carnet noir et que tout y est noté.

       Vingt-huit morts, c'est énorme me direz-vous ! Même pour un hospice, cela poserait des questions. Ici, ce n'est pas un hospice, la population qui s'y trouve est même plutôt jeune. A cette période, sentant cette indifférence devant cette hécatombe, je me suis posé énormément de questions.

 Devant réagir, j'ai écrit à trois personnes ; deux magistrats, un sénateur. Seul le sénateur m'a répondu en m'exprimant toute sa tristesse pour ces personnes disparues, que je me devais d'être courageux en ces circonstances ! Si même cette personne m'avait répondu, je trouvais sa lettre déstabilisante. 

La mort de Sofie au cachot marqua un nouveau pas. Il fallait frapper fort. A cette époque, la Belgique était en conflit avec Israël pour les massacres de Sabra et Chatila. La Belgique c'était arrogé le droit de " Compétence Universelle " pour poursuivre ce pays devant le tribunal de la Haye. J'ai envoyé une lettre à l'ambassade d'Israël avenue de l'Astronomie à Bruxelles avec la liste des suicidés et des overdoses de Lantin en demandant à l'ambassadeur de réagir ; de demander aux belges de balayer devant leur porte.

En 2003, libéré, j'ai continué le combat. Je ne sais trop comment ce journaliste est tombé sur le fameux carnet car, je sais, compte tenu des informations secrètes qu'il détient, ce carnet devait obligatoirement se trouver dans un coffre-fort. Il disparut mystérieusement un jour ou une nuit, un journaliste averti fit la une du scandale de cette administration en développant le système des sanctions délivrées "au pif". 

Ce scandale mit en évidence les dérives dans cette prison. Le directeur déposa plainte du vol du carnet, ainsi qu'une autre contre le courageux journaliste et de sa rédaction. 

Ces plaintes évidemment n'aboutirent, la super puissance a montré ses limites. Mais, avec le temps, je pense qu'elles eurent le mérite de cacher le fond de l'affaire, à savoir, la mort de toutes ces personnes, dont certaines au cachot. L'enquête partit dans une toute autre direction.

A lire aussi : " Le monstre de la Cathédrale" dans "écrire à Christophe Barratier"par Marcus

PS. Sur cette triste période, je n''ai pas encore raconté le pire ! En allant au couloir des vestiaires, j'ai un jour eu la curiosité de regarder à l'œilleton, pour voir si je n'avais pas un ami qui attendais la venue du gardien des fouilles. J'ai senti mon cœur lâcher en voyant un cadavre nu attendant la reprise de la dépouille par la famille. L'administration avait repris son dû. Imagine la famille devant ce spectacle !




lundi 4 janvier 2021

L’avocat du diable, par Marcus

Peu de gens connaissent cette histoire singulière, vous me voyez venir avec mes " nouvelles " absurdes, vous n'allez pas être déçu.  Mon problème aujourd'hui demeure au fait que personne ne vérifie mes écrits et l'on finit par croire, être plongé dans les délires d'un quidam par qui on se détend. Il est important pour moi de conter cette étrange aventure et je me demande encore aujourd'hui si elle s'est bien déroulée tant elle est énorme

A six heures du matin, on frappe à ma porte. Ce réveil est unique pour ceux qui vécurent ce moment. Il est impossible de se tromper ; ce sont nos pandores. Les autres personnes viennent plus tard et surtout, elles sonnent. Mon cerveau va dans tous les sens car je sais aussi que s'ils sont là, c'est après m'avoir longuement suivi.

Je ne me suis malheureusement pas trompé, c'est bien la famille poule à gars. En deux mots, ils viennent parce qu'un ancien home d'enfants a flambé du côté de Comblain-au-Pont. Un témoin m'aurait vu rôdant dans le coin, a relevé mon n° de plaque et spontanément témoigné.

Des homes, il y en a plein dans la région. Il y en a beaucoup sur Liège aussi. En fait, il y en a des dizaines et des dizaines à se demander si, à cette époque, tous les enfants n'étaient pas placés !  J'ai connu celui de Rivage mais, cela fait plus de quarante ans que je l'ai quitté ! C'est justement celui-là qui a cramé ! Pourquoi serais-je aller mettre le feu après autant d'années ? 

 Les mois passent, je reçois une convocation devant un tribunal pour cette affaire. S'ils n'ont personne d'autre à se mettre sous la dent, c'est moi qui passerait à la caisse. Au palais se trouve non seulement la presse mais aussi la télévision, les débats sont lancés. A la question " que faisiez-vous dans les parages à cette date ?" Je réponds qu'il m'arrive d'aller à la pèche avec des enfants. J'ai passé une partie de mon enfance au bord de l'Ourthe. Un de ces enfants se trouve d'ailleurs devant votre salle d'audience. Le juge le fait venir, il confirme. 

Le juge me demande si je ne serais pas allé à cet endroit mettre le feu parce que j'y aurais été battu ? C'est la question " flash", bien sentie, vous ramenant au tréfond de votre enfance. Elle est cependant posée d'une façon inquisitrice qui me met sur la défensive. Je pense avoir répondu que j'étais doté d'un esprit serein où la vengeance n'avait sa place, que quarante années s'étaient écoulées. Je vois l'avocat de la partie adverse se frotter les mains. Il trépigne d'impatience du moment où il pourra me confondre, m'envoyer pour quelques années au trou et sentant la jubilation de cet homme, me trouve quelque peu inquiet. Que tient-il dans sa manche pour être si nerveux ? 

Vint le moment où le parquet donne la parole à la défense, jamais je n'oublierais la question :  «  Monsieur Sluse qui nie les faits, pourrait-il nous expliquer pourquoi, ce jour-là, entre onze heures et quatorze heures, son GSM était coupé ? » 

A ce moment-là, je comprends le pourquoi de son comportement. 

Tous les regards sont focalisés sur moi pris dans les tenailles de ce maître du barreau. Le juge qui connaissait très bien ce dossier mais n'avait vu cette lacune dans ma téléphonie et sentant sans nul doute aussi son heure de gloire arriver, tous cela devant la télévision, en rajoute une couche en me posant la même question.

Maintenant tenez-vous bien. Voici ma réponse ; «  Lorsque vient l'heure de table, je ne tiens pas à être dérangé, ni à déranger quiconque.  Je suppose que comme moi, Monsieur le Juge, il vous arrive de couper le GSM, c'est une question d'éducation ». 

Un avocat du barreau de liège , Marc Neve prit ensuite la parole pour amener le juge à comprendre la présence de mon véhicule à cet endroit, à cette période. Il mit aussi en évidence le témoignage de l'enfant. Une  plaidoirie  où le doute n'avait plus sa place.

Verdict : Acquitté

PS: Quant à l'équipe du tournage, c'était la RTBF ( Isabelle Salesse ) . 


                   A+ Marcus


vendredi 1 janvier 2021

Abruti ! par Marcus


photo © Pixinoo

A travers le site " International prisoner's news ", je vous ai raconté des histoires invraisemblables. D'autres attendent le moment de l'actualité pour ressurgirent, mais celle-ci, vous devez absolument la connaître ou plutôt, la ressentir pour comprendre le mot " abruti ".

Il importe peu de connaître l'époque où cette histoire s'est déroulée car je pense qu'elle a dû se répéter dans le temps, mais venons-en plutôt aux faits.

Ayant commis un acte délictueux, je me retrouve deux années plus tard devant un tribunal. Le statut de récidiviste ne me donne plus le droit au sursis, il fallait réfléchir avant me direz-vous ! Je passe à la caisse et prend 8 mois au passage. Les mois passent puis les années. Je pense que l'on m'a oublié ou qu'une grâce collective est tombée jusqu'au jour où un courrier tombe dans ma boîte aux lettres. J'ai rendez-vous au commissariat de police où un billet d'écrou m'attend. Je dois me présenter à la prison pour effectuer la peine d'un délit datant de plus de quatre ans et dont je ne me souviens même plus. J'ai trois semaines pour me rendre à ce rendez-vous. D'ici-là, je dois quitter mon emploi, vider mon appartement de tout son contenu, trouver un nouveau locataire pour ne pas perdre la caution de trois mois, liquider ma voiture et le plus important, pour ne pas abandonner mon chat, lui trouver un nouveau maître. 

Le jour " j " arrive, je me rends à Lantin en regardant le ciel une dernière fois, je sais où je mets les pieds. La chose reste très complexe, c'est comme se jeter d'une falaise ; si l'on réfléchit de trop, on finit par faire demi-tour. Je prends mon courage à deux mains et fonce dans le sas de la prison. 

Là se trouve un aquarium où trois poissons noirs évoluent tristement. Le plus gradé des trois me demande pourquoi je suis là ? Je lui réponds que j'ai reçu une convocation et sort mes papiers. Il me dit alors qu'il manque le billet d'écrou !  Quel billet d'écrou ? (J'ai repensé à tout en me rendant ici, à mon patron, mon logement, mon véhicule, à l'abandon de mon chat mais le billet d'écrou ?? ). Je demande au préposé s'il n'y a rien dans son ordinateur ? Il cherche et ne trouve rien à mon sujet ! Pourquoi ne contactez-vous le greffe ?  Il me répond qu'il n'est pas là pour cela ! Que dois-je faire alors ? Il me dit d'aller au palais de justice pour un duplicata du billet d'écrou. " Monsieur, il est 15.30, nous sommes à dix kilomètres du palais et je suis à pied, ne pourriez-vous contacter un directeur, il y en dix ici ? " 

Je sens que je l'énerve, il finit par exploser en criant " Mais pour qui vous prenez-vous hein, pour qui vous prenez-vous ? "Ses deux collègues qui n'ont rien perdu de la scène, se rapprochent de lui, attentifs de la procédure entamée par leur chef et qu'ils vont aussi devoir affronter un jour.

Là-dessus, il jette mes papiers sur le comptoir et me dit de sortir immédiatement, que je n'ai plus rien à faire ici. 

Choqué par cet entretien auquel je ne m'attendais, je quitte les lieux.

Vous ne pouvez imaginer le ressenti en quittant cet univers et retrouvant le ciel sous lequel je me sentais à nouveau Libre. Un air de Liberté et de vie revenait et ce, grâce à cet abruti cloisonné dans sa fonction jusqu'au-boutisme. 

Voilà mon interprétation, mais la chose la plus évidente fut d'entrer involontairement dans une cavale où là, une autre aventure venait de commencer.

A+  Marcus 

mercredi 30 décembre 2020

“Les frites du naturiste” par Marcus, 20 janvier 2018

Prison de Dinant. 

Après un repas douteux, Jean décide que ce sera le dernier qu'il prendra dans cet établissement. Deux années effectuées sur vingt ans à faire, laisse peu de perspective pour la jeunesse. Pour les amitiés particulières dans ce lieu sordide, on repassera. Le lendemain , venu aux greffes du palais de justice pour y lire une nouvelle affaire, les coups se perdent , jean saute par une fenêtre et oublie de dire au revoir à l'escorte. " L'aventure " commence, d'abord je lui fournis de vrais papiers obtenus au hasard d'une rencontre, ensuite nous quittons le pays au plus vite, car, les photos diffusées au journal télévisé font froid dans le dos, même le bouledogue du voisin est plus sympa ! 

Je vous passe les étapes qui nous mènent à Sète , patrie de Brassens. Nous devons trouver un logement et c'est là, qu'à quelques kilomètres du village, nous découvrons un centre naturiste. Des gens se baladent à poil, on se croirait dans une publicité pour " Tefal " . Mon attention est alors attirée par un naturiste fermant sa caravane à clé. De loin, je le suis du regard, il se dirige vers une friture bondée, à voir son ventre, je me doute qu'il aime les boulets. La chance est avec nous, nous ne serons pas SDF . " J'en connais un qui va mal digérer ses boulets-frites. 

Après quelques jours, la fraîche (argent) commence à manquer. Je trouve quelqu'un qui, en Belgique est preneur pour la caravane. Sortant de l'autoroute, à Boire, pour " livrer ",je trouve malin de me garer sous un pont. Erreur fatale, les pandores sont là pour nous accueillir car, en contrôlant ma plaque, un signalement était rédigé à mon encontre pour effectuer une peine de trois mois de prison . 
Jean, qui lui n'est pas attaché, se dit prêt à mettre de l'ambiance dans ce commissariat de pacotille pour me libérer. Je le calme en lui disant que je n'en ai que pour quelques mois, que l'on se reverra. Je signale ensuite au commissaire que Jean doit reprendre son fils à la sortie de l'école, à quatre heures. 
Il me répond " ce n'est pas lui qui nous intéresse, c'est vous, lui peut repartir avec votre véhicule ". Le bluff a marché, il est tombé dans le panneau. Quelques semaines plus tard, j'ai droit à une visite à la prison, une visite dont je me serais bien passée ; le commissaire de Bassenge (il n'y a pas de commissariat à Boire) . Jean s'est fait épingler à Paris. 
L'heure des comptes a sonné. 

A+ Marcus 
PS; L'évasion du palais de justice de Dinant (Belgique), se situe dans les années 80. Quant à l'évadé, il s'agissait de Jean Pini (toujours à ce jour vivant). 

dimanche 29 novembre 2020

Devoir de mémoire : la violence carcérale en trois exemples, par Marcus

 Il y a des moments que l'on ne peut oublier.  Il m'est difficile à vous les décrire car je sais qu'inévitablement mes nuits seront courtes. 

Pourtant, c'est un devoir de mémoire qu'il faut à tout prix divulguer pour ne plus voir de pareils comportements. 

Le premier sujet démarre avec ce jeune mécontent parce qu'il est passé plus de seize heure et qu'il n'a pas reçu sa cantine, et nous sommes vendredi ! Il demande avec insistance à voir un chef de quartier. Pour toute réponse, on lui envoit l'équipe de choc !  Une dizaine d'hommes, matraque en main, débarquent sur le niveau, les autres gardiens des autres niveaux sont requis, non pas pour aider leurs collègues  mais, pour se placer devant les œilletons pour cacher la scène qui s'ensuit. 

Dans le deuxième exemple, c'est encore plus insignifiant. Il est sept heures, on amène le déjeuner. Deux gardiens ouvrent les portes, discutant entre eux. L'un dit à l'autre " aujourd'hui, on va saquer dedans! ". De fait, les fouilles de cellules commencent après le service déjeuner. Ce jour-là tous les cachots furent occupés, coïncidence me direz-vous. 

Dans le troisième exemple, nous sombrons dans l'absolu ; un détenu de la tour pique une crise de nerf dans sa cellule. Il s'y trouve seul ne menaçant personne puisqu'il y est enfermé. Les gardiens décident de le calmer en vidant un extincteur par l'orifice servant à servir le courrier. Le résultat escompté est pire, la lance d'incendie remplacera l'extincteur. L'équipe de choc fera le reste, à savoir, une entrée en force et à étouffer le détenu. Les gardiens diront qu'ils sont intervenus parce que Henry Charlet démolissait sa cellule! Henry est mort pour cela. Pour ceux qui ne savent ce qu'est une cellule de Lantin, je vous envoie une photo. 

Il me reste un fait à raconter. Ce fait se déroula au sein de la prison de Mons dans les années 2007. Des gardiens et une gardienne en proie d'ennui sans- doute, ne trouvèrent rien de mieux qu'à mettre des détenus attachés en laisse et à poil au milieu de l'aile puis à les obliger à manger  des morceaux de sucres jetés au sol sans l'aide des mains. La scène fut filmée puis diffusée sur les réseaux sociaux, ce qui leurs valurent une comparution devant le tribunal de Mons le 26 juin 2008. L'indifférence aurait été d'ignorer toutes ces choses mais ma mémoire ressurgit avec mon enfance tumultueuse où personne ne voyait rien et laissait faire. 

Ce 26 juin 2008, je me suis donc rendu devant le palais de justice traînant un mannequin ressemblant à un prisonnier pour ainsi montrer au peuple bienveillant, les dérives du système et ma désapprobation. La RTBF retransmit mon passage au journal du treize heures. 

 Contre la mort d'Evrard Chavez , dans le documentaire " Qui prier pour oublier ", vous  verrez quatre "anciens "devant le palais de justice de Liège, face à quatre-vingt gardiens, afin que pareilles choses ne se reproduisent. 

Ma nuit va être longue encore.

A+ Marcus

Post scriptum

Le temps fait son oeuvre des blessures passées. Ainsi, je ne suis pas rentré dans l'histoire de Sofie T ; une mère de deux enfants originaire de Quaregnon, décédée dans un des cachots de Lantin. Tout comme je n'ai abordé la mort par pendaison en 2001 d'un gamin de seize ans à la prison de Verviers.

J'ai évidemment tort d'écrire que le temps fait son oeuvre . Si j' y pense encore, avec vingt années écoulées, c'est une contradiction impardonnable. En t'écrivant ce vécu sur ces absurdités humaines, mes mains tremblent. 

Je te disais dernièrement que jamais, jamais je ne me rendrais à Auschwitz. Parce que je sais que ses murs, après plus de quatre-vingts ans parlent encore et je n'en reviendrais vivant. Nous sommes dans ' l'insoutenable ", je m'arrête .









dimanche 15 novembre 2020

La nuit de Noël en prison, je voudrais l'effacer de ma mémoire, par Marcus


Avec vingt années de prison derrière moi, la chose la plus troublante restera sans nul doute, les réveillons de Noël. Je voudrais effacer de ma mémoire cette nuit de fête. 

Si pour vous, le réveillon commence dans la soirée, il en est tout autre à cet endroit. Je me souviens qu'à cette occasion, le souper avait été servi aux environs de dix-huit heures, dans le large couloir des cellules, sur les quatre tables servant à jouer aux cartes, sans nappe ni déco évidemment. 

Toute l'aile pouvait, jusqu'à neuf heures, se distraire calmement. Une personne apporta sa radiocassette pour cette unique occasion. Pour seules boissons, nous n'avions que celles fournies par la cantine. Ambiance très froide me direz-vous ? C'est la prison et tout vous le rappelle. 

La chose qui me troubla fut de voir des hommes danser seuls, ce qui réveilla chez moi le spectre d'un dictateur Chilien auquel Sting consacra une chanson" She dances alone ". 


A huit heures quarante-cinq , les gardiens réapparurent, un gamin court vers moi avec une tasse vide; son trio n'a même pas du café en cette nuit. Ils sont nombreux à chercher dans cette dernière minute, une aide matérielle si infime soit-elle. Un autre me demande si je n'ai pas un peu de tabac car le service social débordé, il n'a pu fournir que des demis paquets.  

La nuit la plus longue de l'année peut maintenant commencer, loin de tous ceux que l'on aime, accroché aux programmes TV de celui qui en a payé la location.

A minuit pile, il se passe quelque chose qui n'arrive nulle part ailleurs : le concert des exclus de notre société peut commencer.  Chacun prend son plateau ou sa cafetière métallique et attend derrière sa porte le coup d'envois, on frappe alors de toutes ses forces et le plus longtemps possible sur cette porte fermée ou sur les barreaux pour rappeler à ceux qui nous auraient oublié, que nous sommes encore là, encore vivant. C'est un délire de quelques minutes auquel évidemment je ne déroge. Ce rituel, je l'ai vécu à maintes reprises sauf une fois ; c'était à la prison de Tournai, j'étais parvenu à soudoyer un gardien qui m'apporta un litre de vodka. Je me rappelle surtout du réveil, au cachot, et à poil, le lendemain du 25 décembre. 


 Noël, c'est aussi le colis que l'on peut recevoir. Comme dans les champs de batailles ou encore dans les camps sauf que l'administration y met son nez. Pas de parfum, pas de boîtes, pas de pralines, pas de plats préparés, pas de gâteaux! Que reste t-il me demanderez-vous? Demandez-leurs, je ne suis pas devin. 

De toute façon, pour avoir un colis, il faut avoir de la visite. 

Pour avoir un colis , il faut d'abord exister pour quelqu'un ! " 

vendredi 6 novembre 2020

"Pourquoi, Madame la directrice, plus de quarante détenus se sont suicidés ou morts par overdose au long de ces dix années ?", par Marcus

Je pense, pour situer l'époque que l'événement à dû se produire en 2008 car j'habitais comme Jean-Marc à Liège. 

Celui-ci me demande si je ne pourrais le conduire à Huy pour assister à un congrès de directeurs de prisons ainsi qu'une rencontre avec les hautes personnalités locales pour les dix ans de la prison de Seille ( Andenne ). Des ateliers puis un sandwich étaient prévus à cette occasion . Je n'avais pas trop envie d'y aller, n'aimant guère ces rencontres. Devant son insistance, je finis par céder; ce n'est pas pour rien si un jour, un journaliste a écrit un article sur moi ayant pour titre " L'homme qui ne savait pas dire NON ". 

Nous nous trouvons dans une salle jouxtant la piscine de Huy. Cette salle est bondée, il y a une grosse caméra devant la scène pour rediffuser cette mémorable rencontre. 

Pour la matinée, c'est une directrice de la prison qui présente les projets élaborés au cours de ces dix années. Elle n'est pas " peu fière  " de ce qui a été amené au sein de son établissement et le prouve d'une vidéo où l'on ressent une harmonie entre le personnel pénitentiaire et ses locataires. 


 Lorsque le reportage se termine, toute la salle applaudit. La directrice quitte son siège, signale que Monsieur Delchevalerie ne viendra pas parce que tenu par d'autres impératifs. " Le public peut poser les questions qu'il souhaite sur le sujet, je me ferais une joie d'y répondre ", lance t-elle. Quelques intervenants lancent le débat, puis vint le moment où " Personne n'a plus de question ? ".  

Je ne sais le pourquoi Luk, je me lève et on m'apporte immédiatement un micro, je vois la caméra sur pied s'orienter sur moi, ainsi que tout le public présent dans la salle. Je sens Jean-Marc inquiet sur ce que je vais dire, il me faut assurer. 

Je prends la parole et signale à Madame la directrice que c'est un très beau reportage  qu'elle nous a offert à tous, on y découvre une relation complice entre le personnel et les détenus. " Puis-je vous poser une question à mon tour ? Pourriez-vous nous dire, Madame la Directrice, pourquoi au long de ces dix années, plus de quarante, je dis bien, plus de quarante détenus se sont suicidés ou morts par overdose au sein de votre établissement pénitentiaire ?" 

Un grondement se fait entendre dans la salle, moi, je regarde la réaction de l'interpelée déstabilisée par cette question inattendue, dans ce lieu où évidemment elle attendait la consécration. Elle reste sans voix, je découvre à ce moment-là, la signification de l'éternité. La suite ne m'intéresse plus car elle bégaie une réponse qui n'a plus rien à voir avec ma question, puisqu'elle me répond que c'est à Monsieur Delchevalrie, directeur principal à y répondre. 

Voilà pour l'histoire, il y eut une suite car lors du lunch, un homme vint à ma rencontre se présenta comme étant un des directeur de Lantin et me demanda si j'avais quelque chose à dire sur sa personne ? 

Le fait qu'il me pose cette question est déjà un signe qu'il a quelque chose à se reprocher. Je le regarde droit dans les yeux et lui dit de me laisser manger, que l'on verra dans l'après-midi. 

J'aurais dû me taire, car il disparut.


samedi 31 octobre 2020

Mon carnet de libération conditionnelle, par Marcus

 

Je me souviens très bien de ma première demande de conditionnelle. 

Elle se situe dans les années quatre-vingt et n'a plus rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd'hui, sauf évidemment pour la longueur de la procédure. A cette époque, avant d'introduire cette requête, il fallait au préalable, passer par les congés pénitentiaires. 

Avec mon caractère trempé et l'absence de famille où me rendre, je crus bon de signaler que je ne regrettais rien de mes délits, sinon je ne les aurais pas commis. Que donc, si on me donnait un congé, je ne reviendrais pas ! Mais que j'étais preneur pour une conditionnelle ! L'art de se mettre dans le pétrin. Les mois puis les années s'écoulèrent sans que rien ne bougea. 

Je pris donc la décision de mentir pour sortir de ce trou pourri qu'était la prison de Tournai. 

On m'octroya un congé et évidemment, je pris la tangente en allant passer des vacances aux Canaries. Quelques semaines plus tard ; retour à la case départ ! Cette prison était à l'époque considérée comme le dépotoir de la Belgique, on y mettait tous les " gros problèmes " des autres prisons, les conditionnelles se faisant rares il arriva ce qu'il devait arriver " une mutinerie ". On a tout fait péter, mis le feu, jeter tout par-dessus les galeries, les seaux de merdes suivirent le même chemin puis, nous sommes allés sur les toits de la prison ! Quelle nuit euphorique nous avons  vécu, quelle délivrance aussi ! A l'aube, la brigade spéciale d'intervention débarque, les meneurs sont immédiatement transférés, on me renvoie à Lantin, la prison qui ne voulait plus de ma présence suite à une tentative d'évasion.

Les semaines passent, je n'ai plus rien à attendre sauf que l'assistante sociale m'appelle. " C'est la procédure " me dit-elle.  Je la regarde en train de compulser mon dossier tout en buvant sa tasse de café. Elle finit par me demander si j'ai quelqu'un qui serait prêt à m'engager si j'étais libéré ? " Pour lui répondre, il faudrait d'abord savoir " quand je serais libéré ? " . La veille de mon passage devant " la commission ", on me signale que l'on ne retrouve plus mon dossier !! Deux mois se passent, sans doute plus, la bonne femme me rappelle et me demande si j'ai d'autres perspectives d'avenir ?  Je lui répond que j'ai un frère qui est directeur à l'académie des beaux-arts, que celui pourrait se rendre répondant. La comédie a assez duré. Elle ne me croit pas, se met à rire et décroche le téléphone et joint l'intéressé qui lui dit ne pas me connaître. Elle raccroche et jubile car elle croit qu'elle a raison, termine à retranscrire ces éléments dans le dossier ; je suis remis aux calendriers Grecques alors qu'il n'y a pas une goutte de sang sur mes mains. " Comment les autres parviennent-ils à obtenir une condi alors ? "

Il me reste six mois à faire sur une peine de sept ans. Leur conditionnelle, ils peuvent se la carrer, je vais à fond de peine. Eh bien non ! Une circulaire oblige les moins de six mois à prendre une conditionnelle immédiatement ! On me fout dehors tout en m'obligeant à me rendre tous les mois pendant quatre ans au commissariat du quartier et ensuite chez l'assistante de probation. J'accepte évidemment ce marché.  Il faudrait être fou pour refuser. Je pense que j'aurais pris ces mêmes conditions pour huit jours, pour ne plus rester huit jours dans cet univers sordide. Ne jugez pas, il faut y passer pour savoir. Le pire allait arriver. A part les agences intérim, pour nettoyer les fours ou charger les camions, il y a très peu de bras ouverts dans l'industrie. Mon assistante de probation, voyant que je n'ai pas de travail régulier, me menace de retour à la case prison. La tension est telle que je finis par lui dire qu'elle peut me révoquer et elle me fixe un rendez-vous devant la commission, à la prison de Lantin.  Sachant que j'allais être révoqué je prends quelques affaires. Devant la commission, je parle des difficultés à trouver un emplois stable à notre époque, quand à prendre une formation en langues étrangères demandée par mon assistante de probation, cela m'est impossible car il faut pour moi, être bien dans sa tête ou avoir une famille. Ce  sont les arguments que j'expose en sachant que je parle à un mur, que toute bataille est inutile, parce que je les connais ces juges, en fait, je ne connais qu'eux. Tu sais quoi Luk, ils m'ont LIBERÉ !!!  Sur la photo, la photocopie de mon carnet de conditionnelle avec les cachets du commissariat et les attestations de passage chez l'assistante de probation.


 


Réflexions sur un gâchis 

En réfléchissant un peu sur ce texte , on se rend vite compte que l'on se trouve devant l'absurdité de l'administration. Dans un premier temps, on me refuse à cette commission parce que je dois  obligatoirement passer par des congés. Pour prendre ces congés , c'est facile lorsqu'il y a la famille ou de l'argent. Avec le nombre d'années effectuées , je t'affirme que neuf détenus sur dix n'ont pas cinquante euros pour prendre ce congé. Voir venir l'incitation au délit n'est pas du domaine du visionnaire mais un fait inéluctable, au grand dam de ces fonctionnaires moralisateurs ! 

Nous venons ensuite à cette fameuse conditionnelle où l'assistante te demande un certificat d'embauche alors qu'il n'y a pas de date de sortie. L'administration te répondra que les congés ont été créés pour cela. Comme si l'employeur t'attendait depuis toujours ! 

Tu as ensuite remarqué qu'à quelques mois de ta libération, cette administration se rend compte que si elle ne fait rien, tu leur échappes et, en quelques jours, voire quelques heures elle trouve des solutions. 

Dernier élément, l'assistante de probation qui doit fournir des résultats ou du moins justifier sa présence et son salaire, je regrette de revenir à mon cas mais, je te pose la question: " Est-il possible d'apprendre une langue et de suivre un cours de langue alors que l'on se trouve sans travail, sans famille, chez des amis qui vous ont tendu la main ? " Je t'ai écrit que, lors de la révocation, la commission avait remanié mes obligations, ce que je n'ai pas abordé, c'est que cela c'est déroulé des années après cette sortie et toutes ces contraintes pour une peine de sept mois sur sept ans ! 

Aujourd'hui , tu sais ce que je fais. Je ne pense pas un seul instant que toute cette administration m'a amené à cette place. Je suis cependant certain qu'elle aurait pu le faire si elle s'était prise tout autrement, avec un peu d'humanité. C'est là, qu'il doit y avoir du changement, tu le sais. J'arrête car je m'énerve devant tout ce gâchis et ces années perdues. 


dimanche 25 octobre 2020

"Garde à vue", par Marcus

 Vous vous souvenez sans doute de la prise d'otages de Tilff dans les années 1989, selon Wikipedia  "La prise d'otages de Tilff est une des plus spectaculaires affaires judiciaires belges du XX siècle" ? 

Pendant cette prise d'otages, j'étais emprisonné et un beau jour, la gendarmerie débarque à Lantin. Motif ; on vient me chercher sur ordre du procureur du Roi (Léon Giet) pour convaincre Philippe et consort d'en finir avec cette prise d'otage !  


Je n'ai évidemment aucune compétence en ce domaine et , malgré les menaces , renvois mes pandores à leurs fonctions . J'ai en mémoire  leur avoir signifié qu'ils auraient quelques difficultés à me tenir les bras et les jambes devant les dizaines de caméras plantées sur le site ! " On t'aura " m'ont-ils dit pour toute conclusion . Et c'est vrai, ils m'ont eu. Je dois avoir à cette époque écopé une peine de trois ans pour le recel de Philippe après son évasion . 

Dix ans plus tard, ces mêmes pandores reviennent ; un évadé de la prison de Jamioulx sème le trouble dans tout le pays, les braquages se multiplient, pendant des semaines puis des mois, son visage fait la une de la presse puis au journal télévisé. Je n'ai évidemment rien à voir ni à dire sur cet homme. Les interrogatoires se suivent tout comme les menaces, c'est devenu une habitude en cet endroit. Ce que mes pandores oublient, c'est que je suis né en prison, ce que mes pandores ignorent, c'est la force de caractère que j'ai accumulé tout au long de ces années de solitude. Par contre, ce qu'ils savent, c'est que je les emmerde. Je suis donc conduit au cachot en attente du passage chez le juge d'instruction. Il n'y a rien d'anormal dans tout cela me diras-tu.  

Le lendemain matin, après la tartine de confiture et le gobelet de café, les interrogatoires reprennent puis, dans l'après-midi on me conduit à Eupen au palais de justice. Devant la chambre du juge se trouve une salle garnie de bancs. Les gendarmes me disent qu'ils vont d'abord rencontrer le juge et que dans cette attente ils sont obligés de m'attacher à un anneau devant son bureau. Ils entrent dans ce bureau me laissant seul au clou, sans doute pour réfléchir au sort qui m'attend, le temps passe. Je suis assis sur ce banc dans une position inconfortable puisque je suis attaché.  Mon bras s'ankylose et je finis par peser de tout mon poids sur cet anneau qui cède. Merde ! me voilà avec une infraction en plus ! Et si je prenais la tangente pour leur apprendre, après tout ce qu'ils m'ont fait subir ? Il se fait tard, j'aurais vite disparu dans cette nuit noire.  Je descends l'escalier, sors du porche et me retrouve dans la rue. " Je suis libre, je suis libre ". Il faut être dans cette situation pour connaître la valeur de ce mot  LIBRE . A peine avoir fait quelques pas dans cette rue  et par reflex de survie sans doute, je tâte les portières des voitures et, à la troisième, la porte s'ouvre, "C'est mon  jour ". Bingo, les clés sont sur le tableau de bord, j'exulte, c'est incroyable, quelle baraka ! Et puis je réfléchis enfin ; tout cela est anormal, seul dans la salle des pas perdus, l'anneau, la voiture et maintenant les clés. Je prends peur, oui j'ai peur . Qu'est-ce que ces flics m'ont fait comme travail, que va-t-il m'arriver ? Je les imagine en nombre caché derrière les voitures ou m'attendant sûrement plus loin.


 Il n'y a qu'une solution à prendre en pareil cas, c'est de revenir au point de départ, à la salle des pas perdu, devant chez le juge et au plus vite pour pouvoir à nouveau maitriser mon destin. Je retourne et vais me rassoir sur ce banc en m'imaginant ce qu'aurait été cette cavale improvisée et du pourquoi de cette mise en scène. Avec le retrait, on comprend le pourquoi, sur le moment, c'est autre chose. Après quelques minutes, la porte s'ouvre, on me fait passer devant madame la juge qui  comme si de rien était me menace aussi si je ne suis coopérant. Devant mon mutisme elle se sent forcée de passer aux actes et rédige le mandat d'arrêt sous ma désapprobation évidemment. 
Conduit à la prison de Verviers, j'y passe un mois lorsque me vint l'idée de contacter la DH pour parler de l'arbitraire dont je me sentais victime. J'ai téléphoné à ce journal à 11 heures du matin. C'est le seul coup de fil que j'ai donné pendant ce séjour. A treize heure quarante-cinq , la porte s'ouvre , le gardien lance la phrase " Monsieur Sluse, préparez vos affaires , vous êtes LIBERÉ ".


lundi 19 octobre 2020

Le vendredi 27 mars 2020, un incident s’est produit à la prison de Lantin, par Marcus



Le message de Belga : « Le front commun syndical des gardiens de la prison de Lantin (Juprelle) a déposé, ce vendredi soir, un préavis de grève à la suite des incidents qui se sont déroulés à la prison dans la soirée. Trois membres du personnel pénitentiaire ont été transportés en ambulance vendredi en fin de journée, après avoir été molestés par plusieurs détenus. Ils ont pu quitter l’hôpital dans la soirée. De vendredi 22 heures à samedi 22 heures, la prison tournera donc avec un service minimum. Vendredi, à la sortie du préau, plusieurs détenus ont tenté d’escalader un mur. L’un d’eux est tombé et s’est blessé. Lorsque les membres du personnel pénitentiaire sont venus lui porter secours, plusieurs détenus s’en sont pris à eux et les ont molestés. Trois de ces agents ont été transportés en ambulance à l’hôpital, a expliqué le délégué syndical. Ils ont pu rentrer chez eux dans la soirée. Six autres détenus se sont retranchés sur le toit de la prison. À 19h30, les détenus étaient toujours présents sur le toit. Un renfort policier était attendu sur place. Avec l’épidémie de Coronavirus, la prison de Lantin, comme d’autres, fait face à une tension grandissante ces derniers jours. Les détenus sont confinés 23 heures sur 24 en cellule, les visites ont été supprimées ainsi que toutes activités proposées au sein de la prison ».

Pour l'administration pénitentiaire, il s'agit d'une mutinerie. 

Je sais qu'à cet endroit, c'est la seule solution pour rester en vie, pour ne pas crever comme des rats. Ce qui va se passer maintenant nul ne le sait ! Ayant vécu pareil cas, je me souviens d'avoir été mis dans un des cachots se trouvant au sous-sol de la tour pour une période de neuf jours, ensuite une peine de trois mois au huitième étage de cette tour pour ensuite être transféré dans une autre prison au fin fond de la Belgique (Tournai).

 L'administration pénitentiaire est débordante d'idées pour les sanctions ! Toute cette mise en scène était effectuée à mon insu, sans avocat, sans PV, sur ordre d'un seul homme au mépris des lois qui régissent notre pays. Je pense que les cachots sous la tour n'existent plus, car cette même tour se serait enfoncée dans le sol. Je ne vous ai pas décrit ces cachots, tout comme je ne vous ai pas expliqué comment se déroulait la mise en scène. Si je ne l'ai pas fait, c'est parce que je sais que des enfants lisent mes commentaires. Il est trop tôt pour certains de connaître ce côté sordide de l'être humain. Dans un article du Soir, je raconte y avoir un jour découvert le bonheur dans ce sous-sol de la prison de Lantin. Vous n'allez évidemment pas le croire parce que dans ce contexte" absolu ", il est impossible d'y trouver de l'Humanité. Si vous tenez à revivre cet instant unique, l'article se trouve dans Le Soir du 10 octobre 2003. A lire ICI

Mes écrits m'amènent à penser que je sombre dans le péché d'orgueil. Que vous soyez d'accord ou pas, sachez qu'un jour tous ces murs de prison finiront par tomber, c'est une certitude. Des sceptiques vous diront qu'il est impossible de vivre sans prison ! A ceux-là je répondrai qu'avant 1844 , elles n'existaient pas sur notre territoire ! 

A+ Marcus

Un article dans Le Soir du 10 octobre 2003 : 






samedi 3 octobre 2020

Zoom sur "Face au juge": l'émission qui cartonne sur RTL, par Marcus


(photo RTL play) Durant six semaines, chaque dimanche, Julie Denayer s'est invitée sur nos petits écrans pour nous présenter la troisième saison de "Face au juge" sur RTL, nous plongeant au coeur des tribunaux de Bruxelles, Charleroi et Visé. Cette nouvelle saison, qui s'est terminée dimanche dernier, a battu tous les records ..

L'émission que vous animiez  est maintenant bien loin, ce qui me permet ce soir de donner mon avis .

Je ne vous cacherai pas que souvent, je me sentais mal à l'aise au vu des protagonistes mis sur la sellette . Mal à l'aise, par l'inculture qu'ils affichaient face aux juges érudits appelés à les condamner. Le spectacle était omniprésent, l'affaire était dans la boîte ou plutôt emprisonné, le public peut maintenant dormir sur ses deux oreilles.  

Je suppose, compte tenu du succès, qu'on recommencera l'année prochaine !

Je pense qu'avant d'être présentatrice, vous êtes avant tout une journaliste et je me dis que ce petit bout de femme va aller plus loin, beaucoup plus loin pour voir les choses enfin changées. 

Je me dois de vous dire que j'ai fait plus de vingt ans de prison, mes délits n'intéresseront personne et ce n'est donc pas le sujet. 

Non, le sujet, se sont les personnages que j'y ai rencontrés; je me souviens du patron d'Interagri, du directeur de la SMAP, des deux patrons du recyclage d'Herstal, du patron des thermes de Chaudfontaine ... La liste est évidemment très, très longue. Ces personnages n'ont fait que quelques mois, voire quelques jours de prison. Il y en eut d'autres, beaucoup plus nombreux, qui, grâce à des procédures et de bon avocats évitèrent ce passage. 

A côté de chez moi vivait une personne qui détourna plus d'un milliard aux handicapés. Vivait, car aujourd'hui parti, laissant à ses héritiers les sommes colossales détournées. Dans les gros œuvres on n'oubliera pas le milliardaire qui dévalisa la sidérurgie Wallonne et qui fit des ravages jusqu'en Amazonie, également parti vers l'enfer j'espère. 

Vous avez développé la partie de l'iceberg ou siégeaient les pingouins et les otaries ; les ours auraient-ils droit au repos éternel ? Serait-il possible pour vous de demander aux juges que vous avez rencontrés, les motivations qui les poussent vers ces hommes perdus et souvent incultes plutôt qu'à ces monstres adulés de notre société ? 

Sur le site " écrire à Christophe Barratier " se trouve une nouvelle qui s'intitule " Le monstre de la cathédrale ". Il y a d'autres nouvelles que je vous invite à lire sur ce site car, on est ardemment occupé à construire de nouvelles prisons , " qui ira " ne fait pas de doute  . 

Avec abnégation je vais devoir continuer à témoigner dans vos écoles et vos universités, des congrès, je sais qu'un jour les choses changeront . 

A+ Marcus