Il y a dix ans, en juin 2014, je publiais deux articles sur la condamnation à la prison à vie des trois personnes que vous voyez sur cette photo. À ce moment, ces condamnés se trouvaient depuis vingt ans en prison. Vous pouvez lire ces articles sur ce qu'on a appelé "le groupe de Fès" ICI et ICI.
Aujourd'hui, dix ans plus tard, ils sont toujours derrière les barreaux. Leurs familles lancent un appel à l'aide pour que leurs proches soient enfin libérés. Soutenons-les ! Partageons leur lettre !
Luk Vervaet
Lettre Ouverte
Dénonciation de l’injustice subie par M. Boujedli Abderrahmane, M. Kamel Benakcha, et M. Abdeslam Garoise, détenus politiques condamnés à la perpétuité (1994)
Mesdames et Messieurs les journalistes, les membres d’associations humanitaires, l'opinion publique nationale, arabe et internationale,
Nous vous adressons à vous aujourd’hui pour attirer votre attention sur une injustice flagrante qui perdure depuis trois décennies : l’incarcération de M. Boujedli Abderrahmane, M. Kamel Benakcha, et M. Abdeslam Garoise. Ces trois hommes, membres du groupe de Fès, ont été condamnés à la réclusion à perpétuité dans le cadre de l’affaire de l’hôtel Hasni de 1994.
Il est essentiel de rappeler qu’aucun d’entre eux n’a été directement impliqué dans un crime de sang.
Ces hommes, des détenus politiques emprisonnés dans un contexte de répression politique, ont subi une condamnation extrêmement lourde, tandis que le véritable commanditaire de l’attentat, M. Abdelilah Ziyad, vit aujourd’hui en liberté au Maroc. Ce dernier, pourtant extradé par la France vers le Maroc en 2021, n’a pas été maintenu en détention malgré son rôle central dans l’affaire.
Cette situation est d’autant plus injuste que M. Boujedli Abderrahmane, M. Kamel Benakcha, et M. Abdeslam Garoise ont été systématiquement exclus des grâces royales accordées en 1998, 2004, 2008 et 2011. Ces grâces, qui ont permis à de nombreux autres détenus de retrouver leur liberté, leur ont été refusées sans explication, malgré leur bonne conduite en détention.
En 2021, un autre événement perturbant est venu aggraver leur situation déjà précaire : M. Boujedli Abderrahmane, M. Kamel Benakcha, et M. Abdeslam Garoise ont été transférés de manière soudaine et sans aucune raison particulière apparente dans différentes prisons du pays. Ce transfert inattendu a non seulement brisé la routine à laquelle ils s’étaient tant bien que mal adaptés, mais a aussi coupé leurs rares liens avec leurs proches, qui se sont retrouvés dans l’incapacité de leur rendre visite régulièrement en raison de l’éloignement géographique.
Ce transfert, sans motif clair, a exacerbé l’isolement de ces hommes et ajouté une nouvelle couche d’injustice à leur longue détention. Il apparaît comme une mesure punitive supplémentaire, appliquée sans justification légitime, et visant à les maintenir dans une situation de précarité et de souffrance.
M. Boujedli Abderrahmane, M. Kamel Benakcha, et M. Abdeslam Garoise ont tous trois vécus très difficilement leur enfermement durant ces 30 ans d’incarcération. Ils ont enduré des épreuves personnelles et familiales dévastatrices, notamment la perte des parents de M. Boujedli Abderrahmane, auxquelles il n’a pas été autorisé à assister. Cette situation inhumaine et injuste doit être mise en lumière.
Leurs états de santé se dégradent par un manque flagrant de soins médicaux appropriés, ce qui rend leur maintien en détention particulièrement inhumain. Malgré de nombreuses demandes effectuées, ces détenus n’ont pas reçu les traitements médicaux indispensables à leur état de santé. Cette situation va à l’encontre des principes fondamentaux des droits de l’homme et du respect de la dignité humaine.
Le contexte politique de l’époque de leur condamnation, marqué par de fortes tensions, soulève de sérieuses questions sur l’équité de leur procès. Il est inacceptable qu’après trois décennies, ces hommes continuent de payer pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, tandis que ceux qui ont orchestré les événements restent libres.
Par cette lettre ouverte, nous en appellons à la conscience des médias et à leur responsabilité pour mettre en lumière cette affaire. Il est impératif que le cas de M. Boujedli Abderrahmane, de M. Kamel Benakcha, et de M. Abdeslam Garoise soit réexaminé avec toute l’attention nécessaire. Ces hommes ont été privés de leur liberté et de leur dignité pendant trop longtemps.
Les faits pour lesquels ils ont été condamnés, ont certes été considérés comme graves à l'époque, un contexte marqué par la fermeture des frontières avec l'Algérie. Cependant, il est essentiel de réévaluer ces condamnations à la lumière des évolutions de la société, de la justice et des nouvelles informations qui pourraient avoir émergé depuis lors. L'absence de crime de sang, la durée exceptionnelle de leur incarcération et l'évolution du Maroc rendent ces condamnations d'autant plus disproportionnées.
Trente années ont indéniablement marqué la vie de ces hommes. L’incarcération prolongée, loin d’être une fin en soi, doit permettre la réinsertion sociale. Or, les conditions de détention, la perte des repères sociaux et l’absence de perspectives d’avenir rendent cette réinsertion extrêmement difficile.
Nous vous invitons à enquêter sur les circonstances de leur condamnation, à donner une voix à ceux qui ont été réduits au silence, et à contribuer à faire avancer la justice.
Leur histoire mérite d’être entendue, et il est de notre devoir collectif de ne pas les oublier.
Il est urgent de comparer les peines infligées aux exécutants et aux commanditaires, afin de garantir une application équitable de la loi. Nous demandons donc aux autorités compétentes une libération sans délai de M. Boujedli Abderrahmane, M. Kamel Benakcha, et M. Abdeslam Garoise.
Nous appelons l’ensemble de la société civile, les organisations de défense des droits de l’homme et la communauté internationale à se mobiliser en faveur de cette cause.
Il est temps de tourner la page et de permettre à ces hommes de reconstruire leur vie dans un contexte régional nouveau.
Je vous remercie par avance pour l’attention que vous porterez à cette cause, en espérant que votre engagement contribuera à réparer cette injustice.
Familles M. Boujedli, M. Benakcha, et M. Garoise.