mercredi 30 décembre 2020

“Les frites du naturiste” par Marcus, 20 janvier 2018

Prison de Dinant. 

Après un repas douteux, Jean décide que ce sera le dernier qu'il prendra dans cet établissement. Deux années effectuées sur vingt ans à faire, laisse peu de perspective pour la jeunesse. Pour les amitiés particulières dans ce lieu sordide, on repassera. Le lendemain , venu aux greffes du palais de justice pour y lire une nouvelle affaire, les coups se perdent , jean saute par une fenêtre et oublie de dire au revoir à l'escorte. " L'aventure " commence, d'abord je lui fournis de vrais papiers obtenus au hasard d'une rencontre, ensuite nous quittons le pays au plus vite, car, les photos diffusées au journal télévisé font froid dans le dos, même le bouledogue du voisin est plus sympa ! 

Je vous passe les étapes qui nous mènent à Sète , patrie de Brassens. Nous devons trouver un logement et c'est là, qu'à quelques kilomètres du village, nous découvrons un centre naturiste. Des gens se baladent à poil, on se croirait dans une publicité pour " Tefal " . Mon attention est alors attirée par un naturiste fermant sa caravane à clé. De loin, je le suis du regard, il se dirige vers une friture bondée, à voir son ventre, je me doute qu'il aime les boulets. La chance est avec nous, nous ne serons pas SDF . " J'en connais un qui va mal digérer ses boulets-frites. 

Après quelques jours, la fraîche (argent) commence à manquer. Je trouve quelqu'un qui, en Belgique est preneur pour la caravane. Sortant de l'autoroute, à Boire, pour " livrer ",je trouve malin de me garer sous un pont. Erreur fatale, les pandores sont là pour nous accueillir car, en contrôlant ma plaque, un signalement était rédigé à mon encontre pour effectuer une peine de trois mois de prison . 
Jean, qui lui n'est pas attaché, se dit prêt à mettre de l'ambiance dans ce commissariat de pacotille pour me libérer. Je le calme en lui disant que je n'en ai que pour quelques mois, que l'on se reverra. Je signale ensuite au commissaire que Jean doit reprendre son fils à la sortie de l'école, à quatre heures. 
Il me répond " ce n'est pas lui qui nous intéresse, c'est vous, lui peut repartir avec votre véhicule ". Le bluff a marché, il est tombé dans le panneau. Quelques semaines plus tard, j'ai droit à une visite à la prison, une visite dont je me serais bien passée ; le commissaire de Bassenge (il n'y a pas de commissariat à Boire) . Jean s'est fait épingler à Paris. 
L'heure des comptes a sonné. 

A+ Marcus 
PS; L'évasion du palais de justice de Dinant (Belgique), se situe dans les années 80. Quant à l'évadé, il s'agissait de Jean Pini (toujours à ce jour vivant). 

samedi 26 décembre 2020

Abdelkader Belliraj, définitivement innocenté en Belgique, le Maroc cassera-t-il sa condamnation à perpétuité ?

par Luk Vervaet

Le jeudi 24 décembre 2020 la Chambre de mise en accusation de Bruxelles a définitivement innocenté Abdelkader Belliraj. 

Il y a douze ans, la nouvelle venant du Maroc avait fait l'effet d'une bombe : selon le Maroc, lors de son arrestation dans ce pays en 2008, Abdelkader Belliraj avait avoué six meurtres politiques commis en Belgique dans les années 1980, et jamais résolus ici jusqu'à ce jour. Ce que ni la justice ni la police belges n'avaient réussi à résoudre, les autorités marocaines s'en étaient montrées capables : à la consternation de tous, vingt ans après les faits, elles offraient sur un plateau la tête d'un coupable à la Belgique. 

Pendant près de douze ans des recherches ont été poursuives par les services de la police belge pour trouver des preuves de cette accusation marocaine contre Belliraj. 

Jeudi dernier, le tribunal belge y a mis un point final. En jugeant (1) qu'il n'y a aucune preuve, ni le moindre fait qui démontrent l'implication de Belliraj dans ces meurtres (2) que ces affaires qui datent des années 1980 sont prescrites (3) qu'il existe des indications selon lesquelles Abdelkader Belliraj a été torturé pour obtenir ses aveux.

Maintenant que les tribunaux belges ont définitivement rejetté la culpabilité de Belliraj dans ces affaires, le Maroc fera-t-il de même ? Organisera-t-il un nouveau procès ? Annulera-t-il la condamnation à perpétuité de Belliraj suite à un procès inique au Maroc ? Affaire à suivre.




Pour rappel. Le procès du « réseau Belliraj » au Maroc.

Un article  de Luk Vervaet 2013

Pendant ces dernières cinq années, beaucoup a été écrit sur l'affaire Belliraj, sur sa personne, sa vie. Il y a même un livre en néerlandais qui est sorti en 2011 qui reprend presque mot pour mot l'accusation de la BNPJ (la réputée Brigade nationale de la Police Judiciaire) à son encontre. En d'autres occasions, certaines personnes impliquées dans ce procès ont été présentées comme des terroristes ou des criminels de droit commun pour justifier leur condamnation et leur détention.
Quant au Comité des familles des détenus européens au Maroc, nous demandons l'annulation pure et simple de la condamnation du « réseau Belliraj » et la libération immédiate de tous les détenus sans exception. 

Notre choix est celui de la protection des inculpés, des détenus et de leur famille contre la violence et le terrorisme d'état, devenu systémique. La lutte contre le terrorisme au Maroc est en effet devenu le moyen pour réduire une certaine opposition politique ou sociale au silence, pour se débarrasser des opposants, pour s'assurer du soutien de l'Occident, pour régler des comptes entre différentes fractions du régime sur le dos des accusés. Quelles que soient les inculpations, tant qu'un état ne garantit pas les droits les plus élémentaires des accusés, tant qu'on assiste à des enlèvements au nom de la lutte antiterroriste, à leur torture systématique par les services secrets lorsqu'il s'agit de la sûreté nationale, à la pratique d'une justice basée sur « les aveux » et sur rien d'autre, aux menaces des familles, aux procès iniques, à leur isolement et à leur maltraitance en prison.., il ne peut y avoir justice.

Un procès monstre
Le procès monstre contre 35 personnes accusées d'appartenir à « la cellule terroriste la plus dangereuse qu'ait connue l'histoire du Maroc », le dit « réseau terroriste de Belliraj », a eu lieu en 2008-2009 devant la Cour antiterroriste à Rabat.
En tout, ce procès impliquait une cinquantaine de personnes, dont 17 personnes résidant à l'étranger pour lesquelles le Maroc a demandé l'arrestation et l'extradition, sans l'obtenir pour la plupart d'entre elles.
Entre le 18 et le 30 janvier 2008, plus de 20 personnes ont été enlevées dans plusieurs villes du Maroc et enfermées pour une durée de deux semaines à deux mois dans le centre secret de Temara pour leur extorquer des aveux, obtenus sous la torture ou sous la menace de viol, de coups de bâton, de gifles, sans que leur famille ne soit informée de leur «arrestation» ou lieu de détention. Quant à la famille et les enfants d'Abdelkader Belliraj, ils resteront pendant huit mois sans aucune nouvelle.
Le procès ne commencera qu'en septembre 2008, mais le 20 février 2008, le ministre de l'intérieur et le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement donnent déjà une conférence de presse condamnant les prévenus et mettant en garde ceux qui oseraient mettre en doute la version officielle du complot terroriste. Ils violent ainsi le principe de la présomption d'innocence et le secret de l'enquête préliminaire. Le sort des prévenus est scellé. Le 16 septembre 2008, le procès commence avec 35 personnes dans le banc des accusés. L'accusation: «atteinte à la sécurité intérieure du pays, formation d'un groupe criminel visant à préparer et à commettre des actes terroristes, transport et détention d'armes à feu, falsification de documents officiels, don et collecte de fonds dans l'exécution de projets terroristes, vols multiples et blanchiment d'argent. » A l'issue du procès, le 28 juillet 2009, les 35 sont condamnés à des peines allant de un an de prison à la perpétuité pour Abdelkader Belliraj. Six condamnés (un membre du Parti Socialiste Unifié, un dirigeant du Parti de la Justice et du Développement, un correspondant d'Al Manar TV, dirigeant du Parti de la Nation et deux dirigeants du parti Al Badil Al Hadari), désignés comme les responsables politiques du complot terroriste, écopent jusqu'à 25 ans de prison ferme.
Coup de théâtre, deux ans plus tard, quand, le 14 avril 2011, le Roi gracie « l'aile politique » du réseau terroriste et fait libérer les six politiques, rendant ainsi ridicule les peines prononcées à ce procès (jusqu'à 25 ans de prison ferme pour les personnes concernées !) et rendant absurde toute accusation d'entreprise terroriste (par définition politique !) pour les autres détenus. Mais rien n'y fait. Les autres condamnés resteront en prison et seront à plusieurs reprises victime de transferts arbitraires, d'isolement, de maltraitance ou de privation de visite de leur famille.

« Une mascarade, un show politique, un procès inéquitable »
Les audiences du procès ont été suivies par nombre de représentants des organisations de défense des droits de l'homme, dont 17 personnes représentant 8 organisations arabes des droits humains. Le déroulement de ce procès a été condamné de façon unanime, qu'il s'agisse de l'ambassade américaine ou belge à Rabat, des organisations de droit de l'homme ou de la sûreté de l’État belge. C'était une mascarade, un show politique et un procès inéquitable.
Quelques jours après la conférence de presse des deux ministres marocains, le journaliste de La Libre, Roland Planchar, titrant « Les faits belges incertains », écrit : « Les éléments fournis par le Maroc ne permettent pas à ce stade d'ouvrir ou de rouvrir des dossiers belges. Il faut attendre des renseignements bien plus explicites. Il y a du doute et de l'embarras dans l'air. Il est par exemple troublant de constater que, en quelques semaines, sans demander ni donc obtenir le moindre renseignement à la police fédérale ou à la Sûreté de l’État, les services marocains sont parvenus à résoudre autant de mystères d'un coup. Là où les Belges ont abouti à d'autres conclusions ou n'ont pu résoudre l'énigme pendant tant d'années. Bizarre, pensent des observateurs proches du milieu d'enquête ». (La Libre, 22 février 2008).
Le 6 août 2009, Wikileaks dévoile que Robert P. Jackson, diplomate américain en poste à Rabat, a adressé à cette époque un télégramme inquiétant à Washington sur la situation des droits de l’homme au Maroc dans le cadre de la lutte antiterroriste et sur un procès en cours, celui d’Abdelkader Belliraj. Dans ce câble, l'ambassade américaine cite un des magistrats belges sur place, Daniel Bernard, haut magistrat, ancien membre du parquet fédéral, et le consul belge, Johan Jacobs, qui ont, tous les deux, dénoncé ce procès. Monsieur Jacobs a déclaré que les condamnations avaient tout simplement été « décidées à l’avance ».
Violette Daguerre de la Commission arabe des Droits Humains, qui a assisté au procès, écrit dans son rapport : « La Cour n'est pas parvenue, malgré un an et demi d'audiences successives, à prouver une quelconque accusation à l'encontre de ces prisonniers, dont M. Abdelkader Belliraj. Certains des prévenus ont fait l'objet de poursuites pour le simple fait d'avoir eu des relations avec lui... Les prévenus ont insisté devant la Cour sur le fait qu'ils ont été soumis à des interrogatoires musclés et que des aveux ont été obtenus sous la torture au centre secret de la police politique de Temara ». (Voir texte intégral de son rapport d’observation sur http://www.achr.nu/news.fr247.htm et le rapport de Human Rights Watch du 29 décembre 2009 en anglais www.hrw. org/en/news/2009/12/29/morocco-address-unfair-convictions-mass-terror-trial, et en arabe à www.hrw.org/ar/news/2009/12/29 )
Même la sûreté de l’État belge parle d’un procès non basé sur des faits : « Bien qu’elle ait eu vent de liens entre certains de ces individus, la sûreté de l’État n’a cependant jamais été en possession d’éléments attestant leur implication commune dans une quelconque activité liée au terrorisme ou permettant d’établir un lien entre l’un d’eux et les six meurtres “belges” reprochés à ce réseau. Les éléments avancés par le Maroc n’ont donc pas permis de démontrer de manière indiscutable l’existence d’un réseau et l’implication de celui-ci dans six meurtres en Belgique ».
(Rapport annuel de la Sûreté de l’État belge 2008 ). Violette Daguerre écrit : « A la question « pourquoi Belliraj n'a-t-il pas été poursuivi en Belgique ? », la réponse est tout simplement parce qu'il n' avait pas commis les crimes pour lesquels il a été accusé. Il a été tout de même condamné à perpétuité par un tribunal marocain qui manque d'intégrité et de crédibilité. »

La collaboration belge
Et pourtant, la Belgique a activement collaboré à ce procès monstre en fournissant des dossiers et des documents à la justice marocaine légalisant ainsi l’inculpation et la condamnation des accusés. Fait déjà dénoncé par le sénateur CD&V et professeur en droit Hugo Vandenberghe, lors de la session plénière du Sénat le 4 mars 2010 : « Si l’État belge transfère des dossiers à des États dont il n’a pas la garantie qu’un procès puisse s’y dérouler de manière équitable et impartiale, il est complice de violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette disposition trouve son origine dans l’affaire Söring et donc dans le débat relatif à l’extradition vers des États appliquant encore la peine capitale. La jurisprudence a encore évolué depuis lors ». Concrètement ce transfert de documents belges s'est passé comme suit : « Après la fin de l'interrogatoire de deuxième comparution, le juge d'instruction de son côté a versé secrètement et illégalement au dossier, des documents envoyés aux autorités marocaines dans le cadre de la commission rogatoire internationale, par les instances belges (documents en français). La défense a également insisté sur la nécessité de traduire les documents rédigés en français vers l'arabe, étant donné qu'elle est la langue de plaidoirie devant les juridictions au Maroc, et que cela relève de la souveraineté du Maroc et de sa constitution. Demande qui est restée lettre morte..La traduction s'est limitée à une lecture orale de certains paragraphes». (Rapport Violette Daguerre).
La Belgique a non seulement transféré des dossiers mais aussi des personnes.
Le 29 novembre 2010, le ministre Van Ackere se vante devant la Chambre que la Belgique, par l’intermédiaire du ministre de la justice De Clerck a extradé « un ressortissant algérien vers le Maroc dans le cadre du procès Belliraj début 2010 ». Il s'agit de Bin Rabeh Benjettou, qui sera sauvagement torturé et condamné à dix ans de prison. Récemment, les autorités marocaines lui ont fait savoir qu'il est sur la liste de personnes à extrader vers l'Algérie.
La complicité ne s'arrête pas là. Elle fut aussi indirecte. Parmi les personnes résidant en Europe, dont le Maroc demande l'arrestation et l'extradition dans le cadre du procès, se trouve le Belgo-marocain Ali Aarrass. Arrêté par l'Espagne le 1 avril 2008, innocenté par la justice espagnole par manque de preuve, il restera pendant deux ans en prison en Espagne, en attendant son extradition. Celle-ci aura lieu le 14 décembre 2010, allant à l'encontre de la demande du Comité des droits de l'homme des Nations Unies de ne pas l'extrader. Pendant ses deux ans de détention en Espagne, la Belgique n'a pas voulu lever le petit doigt pour protéger son ressortissant. Dans la Revue belge de droit international (numéro 2012/2, pages 634-659), Leila Lahssaini, écrit : « La Belgique refusa, durant les deux années de détention d'Ali Aarrass en Espagne, de s'adresser aux autorités espagnoles afin d'empêcher l'extradition, tant en exerçant la protection diplomatique de ce ressortissant belge ayant vécu la majorité de sa vie en Belgique, qu'en proposant des visites consulaires.... Depuis son extradition vers le Maroc, la Belgique déclare également ne pouvoir intervenir auprès des autorités marocaines afin de s'assurer du respect de ses droits fondamentaux... Cette position est maintenue jusqu'à ce jour, malgré les allégations de tortures subies par Ali aarrass depuis son arrivée au Maroc, tant durant les interrogatoires précédant les procès qu'aujourd'hui, alors qu'il purge sa peine de 12 ans de prison à Salé.. »

Juin 2013, Human Rights Watch demande la libération de tous les détenus restants dans le procès Belliraj.
En 2012 Juan Mendez, le rapporteur spécial de l'ONU contre la torture, avait fait son rapport sur la torture au Maroc et sur le cas d'Ali Aarrass en particulier. Juan Mendez prouve que des traces physiques et psychologiques liées à la torture ont bien été constatées chez Ali Aarrass. En avril 2013, l'organisation Alkarama adressait le même message au Comité contre la torture de l'ONU.
En juin 2013, un nouveau rapport de Human Rights Watch (HRW) met en cause les tortionnaires au Maroc. Depuis 30 ans, Human Rights Watch (HRW) est parmi les organisations mondialement reconnues pour sa défense des droits de l'homme. Sous le titre « Tu signes ici, c'est tout  : Procès injustes au Maroc fondés sur des aveux à la police » (un rapport de 137 pages), HRW demande au gouvernement marocain la libération immédiate des 17 prisonniers (des 35 condamnés) toujours en prison dans l'affaire Belliraj ou leur libération en attendant un procès équitable.
Le rapport dit ceci (passages mis en gras par nous) :
« En ce qui concerne l’affaire de Gdeim Izik, dans laquelle 21 des 25 accusés sont en prison, et l’affaire Belliraj, où 17 des 35 accusés sont en prison (liste en bas) les autorités marocaines devraient:
• Libérer les accusés encore emprisonnés ou bien leur accorder un nouveau procès qui soit équitable...
• Si les affaires sont rejugées, la présomption devra être que tous les accusés soient libres jusqu’à leur procès..
• Quand les accusés seront rejugés, le tribunal devra étudier leurs allégations de torture et garantir, conformément au droit international et marocain, qu’aucune déclaration obtenue par la violence ou sous la contrainte ne soit admise comme preuve..
• Si le tribunal décide d’admettre comme preuve une déposition de police dont l’accusé affirme qu’elle a été extorquée sous la torture, il devrait expliquer dans son jugement écrit pourquoi il a décidé que ces allégations de torture ou de contrainte abusive n’étaient pas crédibles. »
(page 10 du résumé du rapport en français). 

HRW dénonce que 84 personnes inculpées dans six affaires ont été condamnées sur base d' aveux «extorqués sous la torture ou par d'autres méthodes illégales» ou sur base de «témoignages, sans que les témoins aient à témoigner au tribunal ». HRW constate que nombre d'inculpés dans l'affaire Belliraj ont été enlevés et ont disparu pendant une période qui a été beaucoup plus longue que la période légale de garde à vue prévue par la loi, ainsi que sans aucun contact avec un avocat ou un membre de leur famille. HRW constate que les tribunaux « n'ont pas fait d'effort significatif pour vérifier les plaintes sur la torture » et ne se basent que sur « les déclarations à la police qui les incriminent », et ce malgré le fait que les accusés ont affirmé que « ces déclarations leur avaient été extorquées ».

Le rapport de HRW recommande « Aux gouvernements et institutions qui fournissent une aide au Maroc, d'encourager le Maroc à mettre en œuvre les recommandations énumérées ci-dessus, surtout celles qui veulent pousser les juges à :
• examiner de façon plus critique la valeur, comme preuve, des procès-verbaux préparés par la police, quand les accusés récusent leur contenu;
• concevoir et suivre des méthodes pour explorer plus en détail les allégations de torture ou de mauvais traitements, quelle que soit l’étape des procédures où elles ont été émises;
• imposer des limites légales à la durée de la détention provisoire, non seulement pendant la phase de l’enquête judiciaire mais aussi quand un procès ne parvient pas à démarrer ou à être mené à bien dans un délai raisonnable, et garantir un réexamen judiciaire régulier et approfondi des ordres de détention provisoire. »
(page 10/11 du résumé du rapport en français).

Le ministère de la Justice de Madame Turtelboom, qui s'est vantée à la Chambre de ce que la Belgique était le partenaire judiciaire numéro deux au Maroc, réagira-t-elle à cette nouvelle demande qui la met directement en cause ?
Le ministère des affaires étrangères de Monsieur Reynders, qui continue à justifier son inaction vis-à-vis du sort des torturés belgo-marocains au Maroc, réalise-t-il que la Belgique se rend ainsi complice des pratiques d'extradition illégale, d'enlèvements, de torture et de procès iniques au Maroc, qui constituent d'ores et déjà des faits indéniables.


Appendix II: Human Rights Watch : List of Defendants in "Belliraj" Case and the Sentences They Received )

1. Abdelkader Belliraj, life in prison
2. Abdellatif al-Bekhti, 30 years
3. Abdessamed Bennouh, 30 years
4. Jamal al-Bey, 30 years
5. Lahoussine Brigache, 30 years
6. Redouane al-Khalidi, 30 years
7. Abdallah ar-Rammache, 30 years
8. Mohamed Yousfi, 30 years
9. Mohamed Merouani, 25 years, reduced to 10 years on appeal, then pardoned April 12, 2012
10.Mustapha Mouâtassim, 25 years, reduced to 10 years on appeal, then pardoned April 12, 2012
11. Mohamed Lamine Regala, 25 years, reduced to 10 years on appeal, then pardoned April 12, 2012
12. Abadila Maelainin, 20 years, reduced to 10 years on appeal, then pardoned April 12, 2012
13. Abdelhafidh Sriti, 20 years, reduced to 10 years on appeal, then pardoned April 12, 2012
14. Abd al-Ghali Chighanou, 15 years
15. Mokhtar Lokman, 15 years
16. Abderrahim Nadhi, 10 years
17. Abderrahim Abu ar-Rakha, 10 years
18. Hassan Kalam, 8 years
19. Slah Belliraj, 8 years, reduced to 5 years on appeal, then pardoned 2012
20. Ahmed Khouchiâ, 8 years
21. Samir Lihi, 8 years
22. Mustapha at-Touhami, 8 years
23. Bouchâab Rachdi, 6 years
24. Mohamed Azzergui, 5 years (freed upon completion of sentence in February 2013)
25. Mansour Belaghdeche, 5 years (freed upon completion of sentence in February 2013)
26. Adel Benaïem, 5 years (freed upon completion of sentence in February 2013)
27. Mohamed Chaâbaoui, 5 years (freed upon completion of sentence in February 2013)
28. Jamaleddine Abdessamed, 3 years (freed, sentence completed)
29. Abdelazim at-Taqi al-Amrani, 3 years (freed, sentence completed, acquitted on re-trial after the Court of Cassation quashed his conviction)
30. Larbi Chine, 2 years (freed, sentence completed in early 2010)
31. Ibrahim Maya, 2 years (freed, sentence completed in early 2010)
32. Abdellatif Bouthrouaien, 2 years (freed, sentence completed in early 2010)
33. Hamid Najibi, 2 years (freed, sentence completed in early 2010)
34. Mohamed Abrouq, 1 year suspended sentence
35. Ali Saïdi, 1 year suspended sentence


Lire dans la presse sur le jugement du 24 décembre 2020: 

De Morgen Douglas De Coninck 

https://www.demorgen.be/nieuws/bekentenissen-topterrorist-belliraj-waren-nep~b18a1cf6/

Het Belang van Limburg 

https://m.hbvl.be/cnt/dmf20201224_94636641

Het Nieuwsblad 

https://m.nieuwsblad.be/cnt/dmf20201224_95911434

BXL1 

https://bx1.be/news/affaire-belliraj-la-chambre-de-mises-en-accusation-prononce-la-prescription-de-laction-publique/

De Standaard : https://www.standaard.be/cnt/dmf20201225_97442889

Autres articles sur le procès et les conditions de détention de Belliraj

WIKILEAKS ET L'AFFAIRE BELLIRAJ (ET ALI AARRASS) 

http://lukvervaet.blogspot.com/2010/12/wikileaks-et-laffaire-belliraj-et-ali.html 

18 janvier 2016 : Maroc: "Affaire Belliraj" − Alkarama appelle l'ONU à inviter les autorités marocaines à libérer Abdelkader Belliraj, condamné à vie sur la seule base d'aveux obtenus sous la torture 

http://prisonnierseuropeensaumaroc.blogspot.com/2016/01/18-janvier-2016-maroc-affaire-belliraj.html?view=timeslide 

MOROCCO: ABDELKADER BELLIRAJ, 3 YEARS IN ABUSIVE SOLITARY DETENTION, SENTENCED TO LIFE IN 2009 UNJUST MASS TRIAL 

http://supermax.be/morocco-abdelkader-belliraj-3-years-in-abusive-solitary-detention-sentenced-to-life-in-2009-unjust-mass-trial 

La famille Belliraj : la justice belge peine curieusement à statuer sur le cas Belliraj 

http://familiesfriendsassociation.blogspot.com/search?q=Belliraj

Lettre ouverte de madame Belliraj a monsieur le ministre de la justice 

http://familiesfriendsassociation.blogspot.com/search?q=Belliraj 

Abdelkader Belliraj, l’enfermement à double tour à Toulal 2, Meknes, Maroc 

http://familiesfriendsassociation.blogspot.com/2020/11/abdelkader-belliraj-lenfermement-double.html 

Coronavirus ! Les Familles des détenus du dossier Belliraj lancent un appel urgent au Roi Mohammed VI (français/arabe)

http://familiesfriendsassociation.blogspot.com/2020/03/coronavirus-les-familles-des-detenus-du.html

« CIRCULEZ, IL N’Y A RIEN À VOIR » : LA RÉPONSE DE LA DIRECTION DES PRISONS AU MAROC À HUMAN RIGHTS WATCH CONCERNANT L’ISOLEMENT DE ABDELKADER BELLIRAJ. SON ÉPOUSE RÉAGIT. 

http://supermax.be/circulez-il-ny-a-rien-a-voir-la-reponse-de-la-direction-des-prisons-au-maroc-a-human-rights-watch-concernant-lisolement-de-abdelkader-belliraj-son-epouse-reagit/ 





dimanche 29 novembre 2020

Devoir de mémoire : la violence carcérale en trois exemples, par Marcus

 Il y a des moments que l'on ne peut oublier.  Il m'est difficile à vous les décrire car je sais qu'inévitablement mes nuits seront courtes. 

Pourtant, c'est un devoir de mémoire qu'il faut à tout prix divulguer pour ne plus voir de pareils comportements. 

Le premier sujet démarre avec ce jeune mécontent parce qu'il est passé plus de seize heure et qu'il n'a pas reçu sa cantine, et nous sommes vendredi ! Il demande avec insistance à voir un chef de quartier. Pour toute réponse, on lui envoit l'équipe de choc !  Une dizaine d'hommes, matraque en main, débarquent sur le niveau, les autres gardiens des autres niveaux sont requis, non pas pour aider leurs collègues  mais, pour se placer devant les œilletons pour cacher la scène qui s'ensuit. 

Dans le deuxième exemple, c'est encore plus insignifiant. Il est sept heures, on amène le déjeuner. Deux gardiens ouvrent les portes, discutant entre eux. L'un dit à l'autre " aujourd'hui, on va saquer dedans! ". De fait, les fouilles de cellules commencent après le service déjeuner. Ce jour-là tous les cachots furent occupés, coïncidence me direz-vous. 

Dans le troisième exemple, nous sombrons dans l'absolu ; un détenu de la tour pique une crise de nerf dans sa cellule. Il s'y trouve seul ne menaçant personne puisqu'il y est enfermé. Les gardiens décident de le calmer en vidant un extincteur par l'orifice servant à servir le courrier. Le résultat escompté est pire, la lance d'incendie remplacera l'extincteur. L'équipe de choc fera le reste, à savoir, une entrée en force et à étouffer le détenu. Les gardiens diront qu'ils sont intervenus parce que Henry Charlet démolissait sa cellule! Henry est mort pour cela. Pour ceux qui ne savent ce qu'est une cellule de Lantin, je vous envoie une photo. 

Il me reste un fait à raconter. Ce fait se déroula au sein de la prison de Mons dans les années 2007. Des gardiens et une gardienne en proie d'ennui sans- doute, ne trouvèrent rien de mieux qu'à mettre des détenus attachés en laisse et à poil au milieu de l'aile puis à les obliger à manger  des morceaux de sucres jetés au sol sans l'aide des mains. La scène fut filmée puis diffusée sur les réseaux sociaux, ce qui leurs valurent une comparution devant le tribunal de Mons le 26 juin 2008. L'indifférence aurait été d'ignorer toutes ces choses mais ma mémoire ressurgit avec mon enfance tumultueuse où personne ne voyait rien et laissait faire. 

Ce 26 juin 2008, je me suis donc rendu devant le palais de justice traînant un mannequin ressemblant à un prisonnier pour ainsi montrer au peuple bienveillant, les dérives du système et ma désapprobation. La RTBF retransmit mon passage au journal du treize heures. 

 Contre la mort d'Evrard Chavez , dans le documentaire " Qui prier pour oublier ", vous  verrez quatre "anciens "devant le palais de justice de Liège, face à quatre-vingt gardiens, afin que pareilles choses ne se reproduisent. 

Ma nuit va être longue encore.

A+ Marcus

Post scriptum

Le temps fait son oeuvre des blessures passées. Ainsi, je ne suis pas rentré dans l'histoire de Sofie T ; une mère de deux enfants originaire de Quaregnon, décédée dans un des cachots de Lantin. Tout comme je n'ai abordé la mort par pendaison en 2001 d'un gamin de seize ans à la prison de Verviers.

J'ai évidemment tort d'écrire que le temps fait son oeuvre . Si j' y pense encore, avec vingt années écoulées, c'est une contradiction impardonnable. En t'écrivant ce vécu sur ces absurdités humaines, mes mains tremblent. 

Je te disais dernièrement que jamais, jamais je ne me rendrais à Auschwitz. Parce que je sais que ses murs, après plus de quatre-vingts ans parlent encore et je n'en reviendrais vivant. Nous sommes dans ' l'insoutenable ", je m'arrête .









lundi 23 novembre 2020

Abdelkader Belliraj, l’enfermement à double tour à Toulal 2, Meknes, Maroc

(photo prison de Toulal 2, Meknes, photo le360.ma )

Les nouvelles arrivent l‘une après l’autre des prisons de la monarchie. Il y a quelques semaines un garde a été mortellement attaqué par un détenu. La semaine dernière et selon la version officielle un autre détenu a succombé à une tentative de suicide. 


Pour ma part je ne peux témoigner que de la situation que vit mon mari en ces temps de pandémie. 
Depuis février 2020, il n‘a reçu aucune visite familiale en plus de son enfermement de 23h par jour. 
Son seul contact possible se fait par téléphone. 
Ce dernier lien avec sa famille est devenu très problématique. Il représente un stress supplémentaire à l’enfermement que vit Belliraj. 

Après des années de téléphonie quasi normale un nouveau système a été mis en place. Il était supposé améliorer le contact du détenu avec ses proches. Le prix de l’appel a flambé du jour au lendemain. 
Les appels qui coûtaient avant 33 centimes sont actuellement à 2dh50 la minute. Les appels vers l’étranger sont encore plus chers. Ce coût exorbitant des appels n‘en garantit aucunement la qualité. À cause des coupures répétées de la ligne téléphonique, mon mari doit maintes fois essayé avant d‘avoir l‘appel. Les coupures pendant la conversation sont aussi très nombreuses. 

Bref, l’appel en soi et qui représente la seule bouffée d‘air pour Belliraj est devenu le seul sujet de conversation. 
Une tension de plus qui s’ajoute à l’isolement et à l’enfermement de 23 heures par jour. 
Je tiens à souligner que les communications téléphoniques d‘avant la mise en place de ce nouveau système étaient fluides, sans aucune coupure et surtout très bon marché. Ceci arrangeait parfaitement le détenu qui n‘a aucun revenu sinon l‘aide financière de ses proches. 

Rachida Belliraj

dimanche 15 novembre 2020

La nuit de Noël en prison, je voudrais l'effacer de ma mémoire, par Marcus


Avec vingt années de prison derrière moi, la chose la plus troublante restera sans nul doute, les réveillons de Noël. Je voudrais effacer de ma mémoire cette nuit de fête. 

Si pour vous, le réveillon commence dans la soirée, il en est tout autre à cet endroit. Je me souviens qu'à cette occasion, le souper avait été servi aux environs de dix-huit heures, dans le large couloir des cellules, sur les quatre tables servant à jouer aux cartes, sans nappe ni déco évidemment. 

Toute l'aile pouvait, jusqu'à neuf heures, se distraire calmement. Une personne apporta sa radiocassette pour cette unique occasion. Pour seules boissons, nous n'avions que celles fournies par la cantine. Ambiance très froide me direz-vous ? C'est la prison et tout vous le rappelle. 

La chose qui me troubla fut de voir des hommes danser seuls, ce qui réveilla chez moi le spectre d'un dictateur Chilien auquel Sting consacra une chanson" She dances alone ". 


A huit heures quarante-cinq , les gardiens réapparurent, un gamin court vers moi avec une tasse vide; son trio n'a même pas du café en cette nuit. Ils sont nombreux à chercher dans cette dernière minute, une aide matérielle si infime soit-elle. Un autre me demande si je n'ai pas un peu de tabac car le service social débordé, il n'a pu fournir que des demis paquets.  

La nuit la plus longue de l'année peut maintenant commencer, loin de tous ceux que l'on aime, accroché aux programmes TV de celui qui en a payé la location.

A minuit pile, il se passe quelque chose qui n'arrive nulle part ailleurs : le concert des exclus de notre société peut commencer.  Chacun prend son plateau ou sa cafetière métallique et attend derrière sa porte le coup d'envois, on frappe alors de toutes ses forces et le plus longtemps possible sur cette porte fermée ou sur les barreaux pour rappeler à ceux qui nous auraient oublié, que nous sommes encore là, encore vivant. C'est un délire de quelques minutes auquel évidemment je ne déroge. Ce rituel, je l'ai vécu à maintes reprises sauf une fois ; c'était à la prison de Tournai, j'étais parvenu à soudoyer un gardien qui m'apporta un litre de vodka. Je me rappelle surtout du réveil, au cachot, et à poil, le lendemain du 25 décembre. 


 Noël, c'est aussi le colis que l'on peut recevoir. Comme dans les champs de batailles ou encore dans les camps sauf que l'administration y met son nez. Pas de parfum, pas de boîtes, pas de pralines, pas de plats préparés, pas de gâteaux! Que reste t-il me demanderez-vous? Demandez-leurs, je ne suis pas devin. 

De toute façon, pour avoir un colis, il faut avoir de la visite. 

Pour avoir un colis , il faut d'abord exister pour quelqu'un ! " 

vendredi 6 novembre 2020

"Pourquoi, Madame la directrice, plus de quarante détenus se sont suicidés ou morts par overdose au long de ces dix années ?", par Marcus

Je pense, pour situer l'époque que l'événement à dû se produire en 2008 car j'habitais comme Jean-Marc à Liège. 

Celui-ci me demande si je ne pourrais le conduire à Huy pour assister à un congrès de directeurs de prisons ainsi qu'une rencontre avec les hautes personnalités locales pour les dix ans de la prison de Seille ( Andenne ). Des ateliers puis un sandwich étaient prévus à cette occasion . Je n'avais pas trop envie d'y aller, n'aimant guère ces rencontres. Devant son insistance, je finis par céder; ce n'est pas pour rien si un jour, un journaliste a écrit un article sur moi ayant pour titre " L'homme qui ne savait pas dire NON ". 

Nous nous trouvons dans une salle jouxtant la piscine de Huy. Cette salle est bondée, il y a une grosse caméra devant la scène pour rediffuser cette mémorable rencontre. 

Pour la matinée, c'est une directrice de la prison qui présente les projets élaborés au cours de ces dix années. Elle n'est pas " peu fière  " de ce qui a été amené au sein de son établissement et le prouve d'une vidéo où l'on ressent une harmonie entre le personnel pénitentiaire et ses locataires. 


 Lorsque le reportage se termine, toute la salle applaudit. La directrice quitte son siège, signale que Monsieur Delchevalerie ne viendra pas parce que tenu par d'autres impératifs. " Le public peut poser les questions qu'il souhaite sur le sujet, je me ferais une joie d'y répondre ", lance t-elle. Quelques intervenants lancent le débat, puis vint le moment où " Personne n'a plus de question ? ".  

Je ne sais le pourquoi Luk, je me lève et on m'apporte immédiatement un micro, je vois la caméra sur pied s'orienter sur moi, ainsi que tout le public présent dans la salle. Je sens Jean-Marc inquiet sur ce que je vais dire, il me faut assurer. 

Je prends la parole et signale à Madame la directrice que c'est un très beau reportage  qu'elle nous a offert à tous, on y découvre une relation complice entre le personnel et les détenus. " Puis-je vous poser une question à mon tour ? Pourriez-vous nous dire, Madame la Directrice, pourquoi au long de ces dix années, plus de quarante, je dis bien, plus de quarante détenus se sont suicidés ou morts par overdose au sein de votre établissement pénitentiaire ?" 

Un grondement se fait entendre dans la salle, moi, je regarde la réaction de l'interpelée déstabilisée par cette question inattendue, dans ce lieu où évidemment elle attendait la consécration. Elle reste sans voix, je découvre à ce moment-là, la signification de l'éternité. La suite ne m'intéresse plus car elle bégaie une réponse qui n'a plus rien à voir avec ma question, puisqu'elle me répond que c'est à Monsieur Delchevalrie, directeur principal à y répondre. 

Voilà pour l'histoire, il y eut une suite car lors du lunch, un homme vint à ma rencontre se présenta comme étant un des directeur de Lantin et me demanda si j'avais quelque chose à dire sur sa personne ? 

Le fait qu'il me pose cette question est déjà un signe qu'il a quelque chose à se reprocher. Je le regarde droit dans les yeux et lui dit de me laisser manger, que l'on verra dans l'après-midi. 

J'aurais dû me taire, car il disparut.


samedi 31 octobre 2020

Mon carnet de libération conditionnelle, par Marcus

 

Je me souviens très bien de ma première demande de conditionnelle. 

Elle se situe dans les années quatre-vingt et n'a plus rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd'hui, sauf évidemment pour la longueur de la procédure. A cette époque, avant d'introduire cette requête, il fallait au préalable, passer par les congés pénitentiaires. 

Avec mon caractère trempé et l'absence de famille où me rendre, je crus bon de signaler que je ne regrettais rien de mes délits, sinon je ne les aurais pas commis. Que donc, si on me donnait un congé, je ne reviendrais pas ! Mais que j'étais preneur pour une conditionnelle ! L'art de se mettre dans le pétrin. Les mois puis les années s'écoulèrent sans que rien ne bougea. 

Je pris donc la décision de mentir pour sortir de ce trou pourri qu'était la prison de Tournai. 

On m'octroya un congé et évidemment, je pris la tangente en allant passer des vacances aux Canaries. Quelques semaines plus tard ; retour à la case départ ! Cette prison était à l'époque considérée comme le dépotoir de la Belgique, on y mettait tous les " gros problèmes " des autres prisons, les conditionnelles se faisant rares il arriva ce qu'il devait arriver " une mutinerie ". On a tout fait péter, mis le feu, jeter tout par-dessus les galeries, les seaux de merdes suivirent le même chemin puis, nous sommes allés sur les toits de la prison ! Quelle nuit euphorique nous avons  vécu, quelle délivrance aussi ! A l'aube, la brigade spéciale d'intervention débarque, les meneurs sont immédiatement transférés, on me renvoie à Lantin, la prison qui ne voulait plus de ma présence suite à une tentative d'évasion.

Les semaines passent, je n'ai plus rien à attendre sauf que l'assistante sociale m'appelle. " C'est la procédure " me dit-elle.  Je la regarde en train de compulser mon dossier tout en buvant sa tasse de café. Elle finit par me demander si j'ai quelqu'un qui serait prêt à m'engager si j'étais libéré ? " Pour lui répondre, il faudrait d'abord savoir " quand je serais libéré ? " . La veille de mon passage devant " la commission ", on me signale que l'on ne retrouve plus mon dossier !! Deux mois se passent, sans doute plus, la bonne femme me rappelle et me demande si j'ai d'autres perspectives d'avenir ?  Je lui répond que j'ai un frère qui est directeur à l'académie des beaux-arts, que celui pourrait se rendre répondant. La comédie a assez duré. Elle ne me croit pas, se met à rire et décroche le téléphone et joint l'intéressé qui lui dit ne pas me connaître. Elle raccroche et jubile car elle croit qu'elle a raison, termine à retranscrire ces éléments dans le dossier ; je suis remis aux calendriers Grecques alors qu'il n'y a pas une goutte de sang sur mes mains. " Comment les autres parviennent-ils à obtenir une condi alors ? "

Il me reste six mois à faire sur une peine de sept ans. Leur conditionnelle, ils peuvent se la carrer, je vais à fond de peine. Eh bien non ! Une circulaire oblige les moins de six mois à prendre une conditionnelle immédiatement ! On me fout dehors tout en m'obligeant à me rendre tous les mois pendant quatre ans au commissariat du quartier et ensuite chez l'assistante de probation. J'accepte évidemment ce marché.  Il faudrait être fou pour refuser. Je pense que j'aurais pris ces mêmes conditions pour huit jours, pour ne plus rester huit jours dans cet univers sordide. Ne jugez pas, il faut y passer pour savoir. Le pire allait arriver. A part les agences intérim, pour nettoyer les fours ou charger les camions, il y a très peu de bras ouverts dans l'industrie. Mon assistante de probation, voyant que je n'ai pas de travail régulier, me menace de retour à la case prison. La tension est telle que je finis par lui dire qu'elle peut me révoquer et elle me fixe un rendez-vous devant la commission, à la prison de Lantin.  Sachant que j'allais être révoqué je prends quelques affaires. Devant la commission, je parle des difficultés à trouver un emplois stable à notre époque, quand à prendre une formation en langues étrangères demandée par mon assistante de probation, cela m'est impossible car il faut pour moi, être bien dans sa tête ou avoir une famille. Ce  sont les arguments que j'expose en sachant que je parle à un mur, que toute bataille est inutile, parce que je les connais ces juges, en fait, je ne connais qu'eux. Tu sais quoi Luk, ils m'ont LIBERÉ !!!  Sur la photo, la photocopie de mon carnet de conditionnelle avec les cachets du commissariat et les attestations de passage chez l'assistante de probation.


 


Réflexions sur un gâchis 

En réfléchissant un peu sur ce texte , on se rend vite compte que l'on se trouve devant l'absurdité de l'administration. Dans un premier temps, on me refuse à cette commission parce que je dois  obligatoirement passer par des congés. Pour prendre ces congés , c'est facile lorsqu'il y a la famille ou de l'argent. Avec le nombre d'années effectuées , je t'affirme que neuf détenus sur dix n'ont pas cinquante euros pour prendre ce congé. Voir venir l'incitation au délit n'est pas du domaine du visionnaire mais un fait inéluctable, au grand dam de ces fonctionnaires moralisateurs ! 

Nous venons ensuite à cette fameuse conditionnelle où l'assistante te demande un certificat d'embauche alors qu'il n'y a pas de date de sortie. L'administration te répondra que les congés ont été créés pour cela. Comme si l'employeur t'attendait depuis toujours ! 

Tu as ensuite remarqué qu'à quelques mois de ta libération, cette administration se rend compte que si elle ne fait rien, tu leur échappes et, en quelques jours, voire quelques heures elle trouve des solutions. 

Dernier élément, l'assistante de probation qui doit fournir des résultats ou du moins justifier sa présence et son salaire, je regrette de revenir à mon cas mais, je te pose la question: " Est-il possible d'apprendre une langue et de suivre un cours de langue alors que l'on se trouve sans travail, sans famille, chez des amis qui vous ont tendu la main ? " Je t'ai écrit que, lors de la révocation, la commission avait remanié mes obligations, ce que je n'ai pas abordé, c'est que cela c'est déroulé des années après cette sortie et toutes ces contraintes pour une peine de sept mois sur sept ans ! 

Aujourd'hui , tu sais ce que je fais. Je ne pense pas un seul instant que toute cette administration m'a amené à cette place. Je suis cependant certain qu'elle aurait pu le faire si elle s'était prise tout autrement, avec un peu d'humanité. C'est là, qu'il doit y avoir du changement, tu le sais. J'arrête car je m'énerve devant tout ce gâchis et ces années perdues. 


dimanche 25 octobre 2020

"Garde à vue", par Marcus

 Vous vous souvenez sans doute de la prise d'otages de Tilff dans les années 1989, selon Wikipedia  "La prise d'otages de Tilff est une des plus spectaculaires affaires judiciaires belges du XX siècle" ? 

Pendant cette prise d'otages, j'étais emprisonné et un beau jour, la gendarmerie débarque à Lantin. Motif ; on vient me chercher sur ordre du procureur du Roi (Léon Giet) pour convaincre Philippe et consort d'en finir avec cette prise d'otage !  


Je n'ai évidemment aucune compétence en ce domaine et , malgré les menaces , renvois mes pandores à leurs fonctions . J'ai en mémoire  leur avoir signifié qu'ils auraient quelques difficultés à me tenir les bras et les jambes devant les dizaines de caméras plantées sur le site ! " On t'aura " m'ont-ils dit pour toute conclusion . Et c'est vrai, ils m'ont eu. Je dois avoir à cette époque écopé une peine de trois ans pour le recel de Philippe après son évasion . 

Dix ans plus tard, ces mêmes pandores reviennent ; un évadé de la prison de Jamioulx sème le trouble dans tout le pays, les braquages se multiplient, pendant des semaines puis des mois, son visage fait la une de la presse puis au journal télévisé. Je n'ai évidemment rien à voir ni à dire sur cet homme. Les interrogatoires se suivent tout comme les menaces, c'est devenu une habitude en cet endroit. Ce que mes pandores oublient, c'est que je suis né en prison, ce que mes pandores ignorent, c'est la force de caractère que j'ai accumulé tout au long de ces années de solitude. Par contre, ce qu'ils savent, c'est que je les emmerde. Je suis donc conduit au cachot en attente du passage chez le juge d'instruction. Il n'y a rien d'anormal dans tout cela me diras-tu.  

Le lendemain matin, après la tartine de confiture et le gobelet de café, les interrogatoires reprennent puis, dans l'après-midi on me conduit à Eupen au palais de justice. Devant la chambre du juge se trouve une salle garnie de bancs. Les gendarmes me disent qu'ils vont d'abord rencontrer le juge et que dans cette attente ils sont obligés de m'attacher à un anneau devant son bureau. Ils entrent dans ce bureau me laissant seul au clou, sans doute pour réfléchir au sort qui m'attend, le temps passe. Je suis assis sur ce banc dans une position inconfortable puisque je suis attaché.  Mon bras s'ankylose et je finis par peser de tout mon poids sur cet anneau qui cède. Merde ! me voilà avec une infraction en plus ! Et si je prenais la tangente pour leur apprendre, après tout ce qu'ils m'ont fait subir ? Il se fait tard, j'aurais vite disparu dans cette nuit noire.  Je descends l'escalier, sors du porche et me retrouve dans la rue. " Je suis libre, je suis libre ". Il faut être dans cette situation pour connaître la valeur de ce mot  LIBRE . A peine avoir fait quelques pas dans cette rue  et par reflex de survie sans doute, je tâte les portières des voitures et, à la troisième, la porte s'ouvre, "C'est mon  jour ". Bingo, les clés sont sur le tableau de bord, j'exulte, c'est incroyable, quelle baraka ! Et puis je réfléchis enfin ; tout cela est anormal, seul dans la salle des pas perdus, l'anneau, la voiture et maintenant les clés. Je prends peur, oui j'ai peur . Qu'est-ce que ces flics m'ont fait comme travail, que va-t-il m'arriver ? Je les imagine en nombre caché derrière les voitures ou m'attendant sûrement plus loin.


 Il n'y a qu'une solution à prendre en pareil cas, c'est de revenir au point de départ, à la salle des pas perdu, devant chez le juge et au plus vite pour pouvoir à nouveau maitriser mon destin. Je retourne et vais me rassoir sur ce banc en m'imaginant ce qu'aurait été cette cavale improvisée et du pourquoi de cette mise en scène. Avec le retrait, on comprend le pourquoi, sur le moment, c'est autre chose. Après quelques minutes, la porte s'ouvre, on me fait passer devant madame la juge qui  comme si de rien était me menace aussi si je ne suis coopérant. Devant mon mutisme elle se sent forcée de passer aux actes et rédige le mandat d'arrêt sous ma désapprobation évidemment. 
Conduit à la prison de Verviers, j'y passe un mois lorsque me vint l'idée de contacter la DH pour parler de l'arbitraire dont je me sentais victime. J'ai téléphoné à ce journal à 11 heures du matin. C'est le seul coup de fil que j'ai donné pendant ce séjour. A treize heure quarante-cinq , la porte s'ouvre , le gardien lance la phrase " Monsieur Sluse, préparez vos affaires , vous êtes LIBERÉ ".


lundi 19 octobre 2020

Le vendredi 27 mars 2020, un incident s’est produit à la prison de Lantin, par Marcus



Le message de Belga : « Le front commun syndical des gardiens de la prison de Lantin (Juprelle) a déposé, ce vendredi soir, un préavis de grève à la suite des incidents qui se sont déroulés à la prison dans la soirée. Trois membres du personnel pénitentiaire ont été transportés en ambulance vendredi en fin de journée, après avoir été molestés par plusieurs détenus. Ils ont pu quitter l’hôpital dans la soirée. De vendredi 22 heures à samedi 22 heures, la prison tournera donc avec un service minimum. Vendredi, à la sortie du préau, plusieurs détenus ont tenté d’escalader un mur. L’un d’eux est tombé et s’est blessé. Lorsque les membres du personnel pénitentiaire sont venus lui porter secours, plusieurs détenus s’en sont pris à eux et les ont molestés. Trois de ces agents ont été transportés en ambulance à l’hôpital, a expliqué le délégué syndical. Ils ont pu rentrer chez eux dans la soirée. Six autres détenus se sont retranchés sur le toit de la prison. À 19h30, les détenus étaient toujours présents sur le toit. Un renfort policier était attendu sur place. Avec l’épidémie de Coronavirus, la prison de Lantin, comme d’autres, fait face à une tension grandissante ces derniers jours. Les détenus sont confinés 23 heures sur 24 en cellule, les visites ont été supprimées ainsi que toutes activités proposées au sein de la prison ».

Pour l'administration pénitentiaire, il s'agit d'une mutinerie. 

Je sais qu'à cet endroit, c'est la seule solution pour rester en vie, pour ne pas crever comme des rats. Ce qui va se passer maintenant nul ne le sait ! Ayant vécu pareil cas, je me souviens d'avoir été mis dans un des cachots se trouvant au sous-sol de la tour pour une période de neuf jours, ensuite une peine de trois mois au huitième étage de cette tour pour ensuite être transféré dans une autre prison au fin fond de la Belgique (Tournai).

 L'administration pénitentiaire est débordante d'idées pour les sanctions ! Toute cette mise en scène était effectuée à mon insu, sans avocat, sans PV, sur ordre d'un seul homme au mépris des lois qui régissent notre pays. Je pense que les cachots sous la tour n'existent plus, car cette même tour se serait enfoncée dans le sol. Je ne vous ai pas décrit ces cachots, tout comme je ne vous ai pas expliqué comment se déroulait la mise en scène. Si je ne l'ai pas fait, c'est parce que je sais que des enfants lisent mes commentaires. Il est trop tôt pour certains de connaître ce côté sordide de l'être humain. Dans un article du Soir, je raconte y avoir un jour découvert le bonheur dans ce sous-sol de la prison de Lantin. Vous n'allez évidemment pas le croire parce que dans ce contexte" absolu ", il est impossible d'y trouver de l'Humanité. Si vous tenez à revivre cet instant unique, l'article se trouve dans Le Soir du 10 octobre 2003. A lire ICI

Mes écrits m'amènent à penser que je sombre dans le péché d'orgueil. Que vous soyez d'accord ou pas, sachez qu'un jour tous ces murs de prison finiront par tomber, c'est une certitude. Des sceptiques vous diront qu'il est impossible de vivre sans prison ! A ceux-là je répondrai qu'avant 1844 , elles n'existaient pas sur notre territoire ! 

A+ Marcus

Un article dans Le Soir du 10 octobre 2003 : 






samedi 3 octobre 2020

Zoom sur "Face au juge": l'émission qui cartonne sur RTL, par Marcus


(photo RTL play) Durant six semaines, chaque dimanche, Julie Denayer s'est invitée sur nos petits écrans pour nous présenter la troisième saison de "Face au juge" sur RTL, nous plongeant au coeur des tribunaux de Bruxelles, Charleroi et Visé. Cette nouvelle saison, qui s'est terminée dimanche dernier, a battu tous les records ..

L'émission que vous animiez  est maintenant bien loin, ce qui me permet ce soir de donner mon avis .

Je ne vous cacherai pas que souvent, je me sentais mal à l'aise au vu des protagonistes mis sur la sellette . Mal à l'aise, par l'inculture qu'ils affichaient face aux juges érudits appelés à les condamner. Le spectacle était omniprésent, l'affaire était dans la boîte ou plutôt emprisonné, le public peut maintenant dormir sur ses deux oreilles.  

Je suppose, compte tenu du succès, qu'on recommencera l'année prochaine !

Je pense qu'avant d'être présentatrice, vous êtes avant tout une journaliste et je me dis que ce petit bout de femme va aller plus loin, beaucoup plus loin pour voir les choses enfin changées. 

Je me dois de vous dire que j'ai fait plus de vingt ans de prison, mes délits n'intéresseront personne et ce n'est donc pas le sujet. 

Non, le sujet, se sont les personnages que j'y ai rencontrés; je me souviens du patron d'Interagri, du directeur de la SMAP, des deux patrons du recyclage d'Herstal, du patron des thermes de Chaudfontaine ... La liste est évidemment très, très longue. Ces personnages n'ont fait que quelques mois, voire quelques jours de prison. Il y en eut d'autres, beaucoup plus nombreux, qui, grâce à des procédures et de bon avocats évitèrent ce passage. 

A côté de chez moi vivait une personne qui détourna plus d'un milliard aux handicapés. Vivait, car aujourd'hui parti, laissant à ses héritiers les sommes colossales détournées. Dans les gros œuvres on n'oubliera pas le milliardaire qui dévalisa la sidérurgie Wallonne et qui fit des ravages jusqu'en Amazonie, également parti vers l'enfer j'espère. 

Vous avez développé la partie de l'iceberg ou siégeaient les pingouins et les otaries ; les ours auraient-ils droit au repos éternel ? Serait-il possible pour vous de demander aux juges que vous avez rencontrés, les motivations qui les poussent vers ces hommes perdus et souvent incultes plutôt qu'à ces monstres adulés de notre société ? 

Sur le site " écrire à Christophe Barratier " se trouve une nouvelle qui s'intitule " Le monstre de la cathédrale ". Il y a d'autres nouvelles que je vous invite à lire sur ce site car, on est ardemment occupé à construire de nouvelles prisons , " qui ira " ne fait pas de doute  . 

Avec abnégation je vais devoir continuer à témoigner dans vos écoles et vos universités, des congrès, je sais qu'un jour les choses changeront . 

A+ Marcus



lundi 7 septembre 2020

L' ostracisme dans toute sa splendeur, par Marcus

(photo, Marcus à la manifestation à Tongres pour une prison musée, contre une prison pour jeunes)

" Ostracisme ", ce mot figure en bonne place au " Larousse " mais, est-il possible que cela puisse encore exister de nos jours ?

Pour avoir vécu cette aventure, je vous répondrais que c'est possible et vais vous donner quelques exemples qui demeurent encore vérifiables aujourd'hui.

Dans le premier exemple, je vous dirais que je n'avais pas imaginé l'ampleur que l'affaire allait prendre, mais abordons d'abord l'histoire ; elle se déroule dans les années quatre-vingt, je suis sous mandat d'arrêt pour avoir fourni de l'aide à des personnes en cavales. Rien d'étonnant dès lors, qu'un détenu vienne me voir à la promenade sauf peut-être qu'il me demande à s'évader de la prison de Lantin où nous nous trouvons tous les deux.

Je vous passe les détails, toujours est-il qu'un dimanche matin, je le frappe dans l'escalier du préau, les gardiens l'emmènent à l'hôpital, cependant que je suis pris à parti des autres détenus ainsi que des gardiens pour cet acte odieux perpétré. Je sens que ma vie à ce moment est en grave danger, les insultes viennent de toutes parts. Je reste muet devant toute cette haine à mon encontre, ne pensant qu'à une chose " A-t-il réussi, a-t-il réussi ", car vous l'aurez deviné, il s'agissait d'un plan.... Une heure plus tard, je suis sous bonne garde dans le bureau du directeur. L'homme a été repris et, après quelques gifles, s'est mis à table et m'accuse !!! Dans sa déclaration, c'est tout juste si ce n'est pas moi qui l'ai obligé à s'évader.

Après quelques années, mon dossier vient sur la table en vue d'une libération sous conditions. Devant cette commission je déclare ne rien regretté et prêt à recommencer car, avec toutes ces années (orphelinat, prison...) ma vie a pris un sens. Le dossier est mis de côté, j'apprends aussi qu'il a disparu, puis vient une rencontre mémorable avec une assistante sociale à qui je confie que mon frère m'aidera à ma sortie car il est directeur à l'académie des beaux-arts de Liège. L'assistante sociale ne croit pas du tout à cette version et téléphone devant moi à mon frère.

Celui-ci lui rétorque qu'il ne me connaît pas. Je suis encore remis à six mois !

L' " ostracisme " s'est aussi invité dans une salle d'audience de Liège. Cette fois-là je comparaissais pour avoir aidé des personnes évadées des Beaumettes ( Delaire, Lacotte, ). Je me suis présenté seul devant la cour, je ne voulais pas d'avocat car je pensais que personne ne me comprendrais et puis, à quoi bon se défendre tout en sachant que cela allait continuer ? 

Vous ne voyez pas de l'ostracisme dans tout cela. Je puis même vous certifier que le juge s'est montré compréhensif. Non, l'ostracisme vint le lendemain, car en lisant la dépêche de la ville, j'y étais décrit par des mots que l'ont emplois pour des bêtes. La phase qui me reste marquée à jamais sera " Marcus toujours prêt à mordre quand on lui pose une question ". Il va de soi que cela détermina le verdict.

Bonsoir et peut-être à + ( Si Dieu me prête vie )


Auteur: Marc Sluse, dimanche 30 août 2020, publié dans Lettres à Christophe Barratier https://acteurs.publi-contact.net/p5736-christophe-barratier/lettre-38