Photo Marcel Mussen
Malines.
Après Arlon, Bruges, Merksplaats,
voilà la prison de Malines.
Le samedi, je m'y rends et de temps en
temps je résiste : je préviens mon frère le vendredi que je
ne viendrai pas.
J'ai 20 ans, je veux réussir, j'essaie
de me détacher car, après les peines de prison purgées, il y a
bien sûr le retour à la maison.
Avec le retour à la maison il y a,
après quelques semaines au grand maximum, le retour de la drogue.
Alors cela implique leur changement ou
leur isolement mais rien ne se passe comme on l'aurait souhaité,
rien n'a abouti, la déception est trop grande.
J'essaie de me durcir mais ma raison me
rattrape : je sais que la drogue nécessite un suivi et pas une
condamnation de 4 ou 5 ans purgés aux deux-tiers pour les
récidivistes. Mais dites-moi comment on ne récidive pas, dites-le
moi ?
Qui a réussi à nous apporter cette
solution entre 4 murs et l'éveil, l'horreur de se retrouver à
nouveau enfermé ?
Combien de fois j'ai vu mon frère
derrière le carreau dans un état piteux, sanglots ravalés pour ne
pas me heurter.
Qui libérera ma mémoire ? Lui,
chaque fois qu'il est libre il s'endort, mais moi je n'y arrive pas.
Cela veux dire que pour l'heure nous devons nous préparer à
l'éventualité de perdre 4 membres de la famille.
Je sais aussi qu'après une certaine
limite on est en danger, et nous en avons fait l'expérience.
Alors, combien de familles vivent ce
drame et surtout dans quelles circonstances prévoit-on la
réinsertion de ces enfants ?
La période où mon frère est à
Malines.
Ma sœur est décédée cet été,
c'est un drame qui nous désunit en apparence mais on souffre
tellement...
Lui, je le vois comme un zombie, il
tourne à vélo pour s'approvisionner, il se reproche tellement de
choses et on se reproche mutuellement des choses dans un silence qui
nous tue. C'est une arme à double tranchant : on s'aime mais on
s'aime mal.
Puis, un jour comme un autre, j'arrive
de mes cours : arrestation spectaculaire pour un gars qui ne
tient même pas debout.
Je m'en souviens comme si c'était
hier. Ma mère ne dit plus rien. Elle a perdu dans un accident, il
n'y a même pas trois mois, sa fille de 10 ans.
Elle nous aime et nous accuse, elle
nous blesse et nous, on culpabilise et on fini par l’éviter.
J'ai enfilé un costume qui ne me sied
guère, j’arrête pas de sortir ; le vide, ce vide m'habite de
plus en plus.
Je sors mais ne me sens bien nulle
part, je vais tout de même aller à Malines plus d'un an et demi.
Quand, à des moments de ma vie, je
suis heureuse, je suis rattrapée, encerclée. Comment vivre la joie
dans des circonstances pareilles. Pour l'heure, peu m'importe si on
me juge : c'est ma vie et c'est ainsi que je l'ai vécue.
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