Communiqué de presse 14
septembre 2017
Haren : « 3 multinationales
pour une mégaprison »
Alors que les promoteurs de la
mégaprison n’ont toujours donné aucune information précise sur la manière dont
devrait être financé ce projet démesuré, une nouvelle étape est franchie. La
Régie des bâtiments et trois multinationales interviennent dans les recours au
Conseil d’Etat introduits par les citoyens, contre eux.
Les 3 multinationales ont des
pratiques douteuses à plus d’un titre. Les signataires demandent aux députés de
faire la lumière sur Cafasso et le financement de la mégaprison. L’Etat peut-il
s’engager avec des multinationales qui ont prouvé leurs défaillances régulières
comme Macquarie ? Quel contrôle parlementaire existe-t-il des activités de
Denys NV qui dispose de larges contrats avec l’Arabie Saoudite alors que l’ONU
a condamné ce pays pour ses exactions dans la guerre du Yémen ? Denys NV
a-t-elle encore des activités commerciales avec les autorités du Yémen sur le
pipeline LNG qui est au cœur de cette sale guerre ? Les députés
peuvent-ils accepter qu’une structure comme PPP infrastructure Investment soit
mise en place par Cafasso à Amsterdam alors que tout indique qu’il s’agit d’un
dispositif d’évasion fiscale ?
*
* *
Mégaprison :
le règne de l’opacité et du déséquilibre des forces
Les recours introduits par les opposants à la
mégaprison de Bruxelles/Haren arrivent au Conseil d’Etat. Quatre parties se
sont jointes à la cause, CONTRE les citoyens : la Régie des Bâtiments, et
trois multinationales qui font partie du consortium Cafasso, soumissionnaire
préférentiel pour le projet toxique de mégaprison.
Cafasso n’a toujours pas de personnalité
juridique, au motif que le marché de la mégaprison n’a pas encore été
définitivement attribué. Ce sont donc trois multinationales qui le constituent
qui se joignent à la cause :
·
Macquarie
Corporate Holdings Pty Limited, Société de droit australien ayant son siège à
Level 6 50 Martin Place Sydney, NSW 2000 Australie,
·
PPP Infrastructure
Investment B.V. Société de droit néerlandais, ayant son siège Claude
Debussylaan 24, 1082MD Amsterdam,
·
Denys NV,
ayant son siège Industrieweg 124 à 9032 GENT.
L’implication de ces multinationales dans les
recours introduits par les opposants rappelle encore le déséquilibre des forces
en faveur des entreprises qui veulent privatiser la détention.
La mégaprison n’est pas un projet d’intérêt
public, mais une opération de spéculation privée
La presse a abondamment souligné il y a
quelques mois que ces multinationales ont fait inscrire une clause d’indemnité
dans le cas où la mégaprison serait heureusement annulée. Elle atteindrait 20
millions d’euros. La hauteur exacte de cette indemnité reste inconnue, y
compris des députés de la Chambre, y compris des députés de la Commission de la
Justice, puisque Cafasso, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la
Justice refusent tous trois de transmettre ces informations. Un déni de
démocratie et de transparence déjà observé ces derniers mois, dans ce dossier
comme dans de trop nombreux autres.
Ces multinationales n’ont donc littéralement
rien à perdre dans ce dossier, puisqu’elles seront de toute manière
indemnisées. Quel intérêt vont-elle
défendre auprès du Conseil d’Etat, si ce n’est leur intérêt à tirer profit de
l’enfermement des détenus de Bruxelles, profits qui sont garantis par l’Etat
belge et son système de Justice employé ici comme une vache à lait ?
Des multinationales aux pratiques douteuses
Nous
déplorons de constater que ces multinationales ont en outre des pratiques
douteuses (informations plus détaillées ci-dessous) :
·
Macquarie,
est épinglé dans plusieurs affaires d’évasion fiscale. Elle est connue pour sa
gestion calamiteuse de l’eau en Angleterre. Elle est également confrontée à ses
pratiques inacceptables aux USA dans des PPPs que Donald Trump veut étendre.
·
PPP
Infrastructure Investment B.V., partage toutes les caractéristiques d’un point
d’ingénierie fiscale qui permettra à Cafasso d’éluder les impôts belges et
européens.
·
Denys NV,
dispose de contrats importants avec l’Arabie Saoudite, qui viole allègrement
les droits de l’homme dans son pays, mais également au Yémen. L’Arabie Saoudite
a été condamnée par l’ONU pour le bombardement de civils au Yémen, où Denys a
été réparer un pipeline au cœur du conflit.
Les opposants à la mégaprison de Bruxelles
défendent une politique carcérale respectueuse des droits fondamentaux et publique,
la sauvegarde d’un environnement vivable et une démocratie digne de ce nom. Ils
se trouvent face à des institutions qui représentent l’Etat belge, accompagné
désormais de trois multinationales aux pratiques douteuses.
Ø Quelles
justifications les partis politiques des exécutifs fédéraux et régionaux
donnent-ils au choix de ces partenaires privés pour une mission qui
incombe par essence à l’Etat ? Comment justifient-ils d’engager l’Etat dans un
contrat, dont les détails ne sont toujours pas connus, pour un coût estimé à 3
milliards d’euros, avec des entreprises aux pratiques douteuses, et alors que
tout indique qu’un système d’évasion fiscale est mis en place ?
Ø Dans
ces conditions, comment les députés justifient-ils le choix d’un PPP qui sera in fine payé par les contribuables et le
budget de la Justice pourtant déjà trop maigre ?
Ø Peut-on
sacrifier au libéralisme économique la question fondamentale du sort de ceux
que notre société enferme ?
Ø Quel
contrôle les députés réalisent-ils des activités de Denys n.v. qui dispose de
contrats importants avec l’Arabie Saoudite, condamnée par l’ONU pour avoir
bombardé des civils au Yémen ?
Ø Les
députés considèrent-ils qu’une entreprise basée en Belgique peut réaliser du
commerce avec le régime contesté du Yémen, soutenu par l’Arabie Saoudite, sur
le pipeline LNG qui est au cœur du conflit, et alors que l’Arabie Saoudite
bombarde des civils yéménites ?
Les associations signataires demandent des
réponses à ces questions urgentes.
Signataires et contacts :
Comité de Haren – Laurent Moulin – 0499 03 09
01
La Ligue des Droits de l’Homme – Damien Scalia
– 0487 76 82 66
Observatoire International des
Prisons – Section belge – Nicolas Cohen – 0470 02 65 41
Respire asbl – Jean-Baptiste Godinot – 0488 20 01 75
François Licoppe – économiste – 0496 90 70 49
Luk Vervaet – ancien enseignant à la prison de Saint-Gilles – 0478 65 33 78
Respire asbl – Jean-Baptiste Godinot – 0488 20 01 75
François Licoppe – économiste – 0496 90 70 49
Luk Vervaet – ancien enseignant à la prison de Saint-Gilles – 0478 65 33 78
*
* *
Sur les pratiques douteuses de trois
multinationales de Cafasso :
·
Denys N.V., réalise plus de 60% de ses profits ailleurs dans le monde. Elle est notamment
solidement implantée en Arabie Saoudite, où elle a ouvert une antenne[1] pour y engager plus de 1.000 personnes fin
2016.[2]
Ce pays viole
allègrement et de manière récurrente si pas constante les droits de l’homme sur
son territoire[3]. L’été dernier a vu la majorité fédérale
accepter une résolution demandant de faire plus de lumière sur le commerce
entre la Belgique et ce pays, après que Didier Reynders, MR, ait créé scandale
en acceptant que ce pays dispose de la présidence de la commission des femmes à
l’ONU.[4] Denys aurait été concerné par cette
résolution. L’Arabie Saoudite est aussi ce pays qui a enfreint toutes les
règles de droits et d’éthique en bombardant les civils au Yémen[5],[6],[7],[8],[9],[10]. Le Yémen fait face à une situation
humanitaire catastrophique, et connait actuellement une épidémie de choléra de
très grande ampleur avec plus de 600.000 cas depuis avril[11]. L’ONU demande une enquête indépendante sur ce
conflit qui s’éternise, alors que Denys N.V. continue de faire du commerce avec
l’Arabie Saoudite qui écrase la population Yéménite[12]. Denys n.v. réalise aussi des profits en
allant réparer un pipeline au cœur de la guerre du Yémen[13],[14]
sous protection armée du gouvernement, lequel est soutenu par l’Arabie
Saoudite, précédemment citée. Est-il acceptable de faire du profit dans de
telles conditions ?
·
Macquarie Corporate Holding PTY Limited, de droit australien. Macquarie Group est un
géant mondial, actif dans de nombreux secteurs qui vont de l’industrie minière
au conseil et à la banque, en passant par la construction de prisons. Macquarie
a en ce moment le projet de construire la plus grosse prison de Belgique donc,
mais également celle d’Australie, près de Grafton (1.700 places)[15].
Dominique Lorrain,
directeur de recherche à l’EHESS, a dressé un portrait de cette entreprise
monstre. Si elle évolue au fil du temps, son ADN qui lie les infrastructures,
les risques bas et l’ingénierie financière reste constante : « Le « modèle » Macquarie peut se définir en
termes simples comme l’application de la technique du financement par la dette
à des infrastructures. (…)Les dirigeants recherchent un équilibre subtil
entre l’exigence de marchés ouverts (pour pouvoir y entrer) mais protégés par
un monopole (pour garantir le résultat). (…) Dans ce modèle, l’infrastructure
ne représente pas la substance du métier de la banque mais le support le mieux
adapté au développement de son ingénierie financière ; c’est à la fois sa
compétence principale et le moyen de produire de la valeur. »[16].
Macquarie est connue pour
avoir tiré d’énormes bénéfices de la privatisation de certains services publics
en Angleterre et les avoir profondément affaiblis et abimés. Le secrétaire
général d'Unison, le plus grand syndicat d’Angleterre, Dave Prentis, déclare ainsi
en décembre 2016 : «Macquarie a une
mauvaise réputation - pour avoir accumulé une énorme dette d'entreprise, pour
avoir rapatrié massivement des dividendes vers l'hémisphère du sud et nous
avoir obligé de payer plus pour un service plus pauvre. L'entreprise qui a prouvé
qu'on ne peut pas lui faire confiance pour l'approvisionnement de la nation en
eau, va maintenant être responsable pour les conduites de gaz à des millions de
maisons et d'entreprises. »[17]
Cette entreprise, qui a
donc été choisie par la Régie des Bâtiments pour le projet de mégaprison, a en
outre été épinglée dans un scandale bancaire en Australie[18],[19], accusée d’avoir manipulé la monnaie en
Malaisie[20], elle est citée dans les luxleaks[21], les Offshore leaks[22]. La banque Macquarie est actuellement au cœur
d’un scandale de harcèlement parmi ses employés[23]. Macquarie s’est également illustrée aux USA
dans des PPPs qui posent de nombreuses questions[24].
Rappelons que Macquarie
est aussi propriétaire de l’aéroport de Zaventem (25% des parts)[25], à un bruit de réacteur du site retenu pour la
mégaprison. Comme de mauvaise habitude, les riverains qui ont essayé d’obtenir
la copie du contrat de vente de l’état belge à Macquarie ne l’ont pas obtenu[26]. L’aéroport n’étant plus assez rentable,
Macquarie chercherait à revendre ses parts[27].
·
PPP Infrastructure Investment B.V., de droit néerlandais, localisé à l’adresse
Claude Debussylaan 24, 1082MD Amsterdam, où des dizaines d’autres sociétés ont
leur siège. Plutôt que d’une société, il faudrait parler d’une nébuleuse
puisqu’elle ne s’est dotée d’un site internet, qu’il est donc quasi impossible
d’en connaître les actionnaires, ni le portefeuille d’investissement… et que
pour pouvoir accéder aux noms de ses administrateurs il faut payer.
Comme son nom l’indique,
cette nébuleuse est active dans les PPP (Partenariats Publics Privés).
Par ailleurs, toujours
comme son nom l’indique, cette nébuleuse est un BV c-à-d une société de droit
néerlandais[28] dont la structure
juridique est bien souvent utilisée aux fins d’éluder l’impôt, y compris par
les plus grandes entreprises du monde[29],[30],[31].
Cela signifie que les
bénéfices tirés de ce projet ne seront vraisemblablement pas imposés en
Belgique. Pourquoi Denys fait-il sinon appel à un BV néerlandaise ? On
s’étonne de n’avoir pas reçu d’information sur ce sujet malgré nos demandes
répétées de faire la lumière sur le financement de ce projet. Les députés de la
Chambre, qui ont déposé une proposition de résolution à cet égard, auront-ils
plus de chance que les citoyens ? On l’espère car sinon, leur mission
constitutionnelle de contrôle du gouvernement serait réduite à néant.
Ce qui est vrai pour la
Belgique l’est pour les autres pays : même à l’étranger les mécanismes
d’optimisation fiscale mis en place permettront plus que probablement que les
bénéfices générés par la mégaprison ne seront que très peu imposés.
L’Etat belge est
parfaitement au courant de ces législations « favorables » mais
n’hésite pourtant pas à y faire appel dans un projet d’ « utilité nationale » à
de tels intervenants étrangers, abandonnant ainsi un autre pan de sa
souveraineté dans une logique du tout marché.
[1]http://denysarabia.com/
[2]http://studioweb.lesoir.be/mini04/fiche/denys
[3]https://www.amnesty.be/mot/arabie-saoudite
[4]http://www.levif.be/actualite/belgique/droits-des-femmes-et-arabie-saoudite-reynders-se-tortille-mais-ne-plie-pas/article-normal-655055.html
[5]27 octobre 2015 : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35949#.WbFjIq27qmQ
[8]10 octobre 2016 : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=38274#.WbFjHa27qmQ
[24]
https://www.nytimes.com/2017/06/06/business/dealbook/trump-infrastructure-plan-privatized-taxpayers.html?mcubz=1
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