Cela fait maintenant plusieurs mois que les visites en prison ont été, d’abord complètement interdites, ensuite strictement limitées, en raison de la crise sanitaire du COVID-19. La souffrance de ne pas pouvoir avoir de contact physique avec les proches est chaque jour plus insupportable.
Alors que les visites ont recommencé à être permises dans d’autres lieux, comme les maisons de retraite, les visites en prison et notamment les VHS (visites hors surveillance) tardent à reprendre normalement, sans qu’aucune explication ne soit donnée quant à cette différence de traitement. Les détenus et leurs proches se voient donc infliger un traitement discriminatoire par rapport au reste de la société quant au respect de leur droit à la vie privée et familiale.
Pourtant, dans les multiples discours de la Première ministre depuis le début de la crise sanitaire, pas un mot sur la situation des détenus, pas une phrase de compassion envers les personnes enfermées et leurs proches. Suite au lancement la semaine dernière de la ligne téléphonique Info-prison - qui vise à récolter des témoignages depuis l’intérieur des murs, partant du constat que les voix des détenus n’étaient pas du tout écoutées –, les autorités ont à nouveau brillé par leur absence de réaction.
Privées de contact physique, en souffrance et confrontées à ce silence des autorités, plusieurs familles de détenus, soutenues par le Collectif de luttes anti-carcérales (CLAC), se sont rassemblées, afin de s’organiser collectivement pour porter plainte contre l’Etat belge, pour violation des droits humains des personnes détenues et de leurs proches. Des contacts ont été pris avec des avocats, qui sont en train d’examiner le dossier.
Parmi elles, il y a Iris Greeven, dont le mari est en prison, qui appelle toutes les personnes concernées à se joindre à cette plainte et livre le témoignage suivant :
« Bonjour, mon nom est Iris Greeven et je prends la parole pour tous les détenus de la Belgique et leurs familles.
Avec plusieurs familles de détenus, nous avons décidé de se rassembler et de s'organiser pour porter plainte contre l'Etat belge pour violation des droits humains.
La situation est devenue insupportable ! Les droits humains n'existent plus. Pendant les semaines durant lesquelles les restrictions étaient allégées presque dans tous les secteurs (le contact physique dans les maisons de retraite était redevenu permis, les lieux de prostitution étaient ouverts à nouveau, on pouvait partir en vacances même vers des endroits en zone rouge…) Pendant tout ce temps-là, on nous a pris tous nos droits humains – depuis le 13 mars, on ne peut plus toucher notre proche !
Nous exigeons de recevoir une compensation pour toute l’inhumanité qu'on a dû supporter ces dernières semaines.
Je suis consciente qu’à cause des nouveaux chiffres concernant le coronavirus, notre situation ne peut pas être changée immédiatement. Mais la situation aurait pu être modifiée depuis des semaines !
Nous exigeons que dès que la situation sanitaire sera un peu plus stable, nos droits seront respectés et qu’on nous rende tous nos droits humains dès ce moment !
Qu’on arrête de nous ignorer et de nous oublier !
De plus, l’exclusion des détenus et des familles dans les processus de décision concernant la gestion quotidienne de la prison, la gestion des visites, le fait que les premiers et premières concernées ne sont pas représentées lors des réunions a pour conséquence que
1) toutes les faveurs sont toujours seulement au profit des agents et des autorités et
2) les familles des détenus se sentent méprisées. Il faut nous écouter aussi et on doit être représentés.
Les personnes qui veulent nous suivre dans cette plainte peuvent trouver mes coordonnées sur la page Facebook « La Clac – No Prison » et « les familles de détenus – families gedetineerden »
Si elles veulent, ces personnes peuvent rester anonyme. Pour les frais d'avocats, on organisera des récoltes.
Comme je l'ai déjà dit, depuis le 13 mars on n’a plus de contact physique avec nos proches.
Dans certaines prisons, il est permis de voir son proche 3 fois par semaine, dans autres seulement 1 fois par semaine – selon décision des directeurs des prisons. Cette visite se fait en devant respecter une distance de 2 mètres, séparés par un plexiglas! Impossible de se parler, il faut crier pour pouvoir s’entendre. Une conversation personnelle et privée est donc impossible.
On a eu la possibilité de se parler 1 fois par semaine par vidéoconférence pendant 20 minutes. On est reconnaissant d'avoir eu cette possibilité mais franchement ? Pendant 20 minutes par semaine on ne peut pas dire grand-chose !
A part ça, on a seulement la possibilité de téléphoner – au tarif de presque 0,12 euro par minute, Mais pour beaucoup de familles, c’est un grand problème. Souvent il manque déjà un salaire entier (le salaire de la personne en prison) et à cause de la crise actuelle beaucoup de familles ont perdu leur travail ou reçoivent un salaire énormément diminué. Beaucoup de familles se trouvent pour l'instant dans une situation financière qui est loin en dessous du minimum d'existence.
Quand nous on se sent mal, quand on tombe en dépression, quand on ne peut plus supporter cette tristesse et qu'on a besoin de parler avec notre proche pour pouvoir partager les sentiments, les peurs, pour se soutenir moralement – on doit souvent attendre des jours, attendre pour la vidéoconférence de 20 minutes ou la visite derrière le plexiglas sans intimité... ou avec beaucoup de chance jusqu’au moment où l’on a à nouveau un peu d'argent à envoyer à notre proche pour acheter du crédit d'appel.
Les rumeurs disent que c'est à cause des agents pénitentiaires qu'on nous torture de cette manière. On a entendu que les agents pénitentiaires refusent d’accepter un changement des mesures. Il parait qu’ils ont peur d’être contaminés si on nous rend notre droit de visite. Ils recommenceraient à faire grève (comme toujours)
Mais ce sont les agents pénitentiaires qui ne portent pas de masque. D’après les témoignages, seulement 2 sur 10 en portent, on a des photos qui le prouvent. Ce sont pourtant ces agents pénitentiaires qui fouillent plusieurs fois par jour nos proches, qui les touchent même devant nos yeux pour nous provoquer. C'est eux qui peuvent faire ce qu'ils veulent après leur travail. Ils peuvent rendre visite à n'importe qui, même aller dans des lieux de prostitution – parce que dans ce secteur on peut se toucher !!! Et le lendemain nos proches doivent se laisser toucher par eux ?!?!?
Quand moi je vais dans un supermarché je suis obligée de mettre un masque – sinon je risque une amende de 250 €. Je vous garantis que moi je respecte la distance de 1,5 mètres et que moi je ne touche personne !
On a des témoignages racontant que les détenus qui reviennent d'une sortie ou d'un week-end ne vont pas en quarantaine. Le lendemain ils peuvent se promener avec nos proches.
Beaucoup de personnes dont mon mari ont même proposé d'aller volontairement en quarantaine, si on leur permet d’avoir à nouveau des contact physiques avec leurs proches. Tous les proches de détenus, dont moi-même, sommes prêts à présenter une attestation pour prouver qu'on est en bonne santé. Personne ne réagit sur cette proposition, alors que cela diminuerait encore plus le travail des agents pénitentiaires. Car oui, ils ne devraient plus ouvrir la porte du détenu s’il est en quarantaine.
Soyons clairs : nous ne voulons pas du tout restreindre les permissions de sortie ni la liberté retrouvée dans d’autres lieux que la prison. Nous voulons simplement démontrer l’incohérence et l’injustice des mesures prises.
Je me demande quelle est la différence entre notre ministre de la justice et n'importe quel détenu de Belgique. Chaque détenu a malheureusement fait une ou plusieurs victimes. Il a dû passer devant un tribunal et a eu une peine. De temps en temps trop élevée, et de temps en temps trop peu.
Notre ministre de justice, lui, a fait ces dernières semaines des milliers de victimes – mais il ne doit pas justifier ce crime et ne serai pas jugé dans un tribunal ! Il fait ce qu'il veut et ne donne même pas une explication quant à la raison pour laquelle il nous soumet à une pareille torture. Toutes les lettres qui lui sont adressées sont ignorées. Beaucoup de proches se trouvent dans une dépression énorme, j'entends même parler de tentative de suicide.
On nous a oubliés !!! »
Contact presse pour plus d’information ou pour des interviews :
Iris Greeven : 0468 47 53 30
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimer���������� bravo madame pour ce que vous faites , j'espère que les choses vont changer , c'est vraiment dur ce que nous subissons en ce moment , nous familles et enfants de detenus ainsi qu'à tous les détenus et proche.
RépondreSupprimerThaanks for writing this
RépondreSupprimer