mercredi 29 août 2012

Le Journal de Souad : "Passe muraille"


Photo : Marcel Mussen


Je me revois assise, peut-être que j'avais 11 ans, 12 tout au plus : j'écoutais « passe muraille ».
C'était une radio qui permettait de faire passer des messages entre les détenus et leur famille et même de dédicacer une chanson.
C'était il y a une trentaine d'années.
Il n'y avait pas tous les moyens de contact d'aujourd'hui.
Il fallait écrire à la radio et toutes sortes de messages passaient.
Je m'isolais pour écouter ; cela m'affectait, je ressentais leur tristesse, leur panique.
Parfois, j'avais l'impression de me murer avec eux. Car ce monde, c'était déjà celui des miens, mon père, puis mon frère, puis mon autre frère.
Les années s'écouleront, puis ce sera mon plus grand frère...
J'écoutais, même si je ne maîtrisais pas tout le vocabulaire de ce monde.
Mon poste de radio défaillant, je tenais parfois l'antenne du bout des doigts.
L'émission passait le dimanche soir je pense. Difficile d'être formel, mais quelques heures en soirée.
Parfois, des copains de mes frères faisaient une dédicace, écrivaient ou citaient simplement leur nom et cela me touchait : je pleurais.

Souvent les animateurs de la radio, se disaient désolés de ne pouvoir lire tout le courrier ; c'était dur pour celui qui espérait un petit message, une pensée qui l'aiderait à tenir le coup, encore, jusqu'à la prochaine dédicace : l'attente où tout est attente...
Quand on est enfermé, tout est lent, et cela accentue la souffrance.
Un jour, je me suis sentie tellement envahie par ce monde tragique que, si gamine, j'ai voulu créer une association qui permettrait aux prisonniers de nous écrire, et nous, à partir de notre petit local, nous pourrions leur répondre et les consoler.
J'avais tout imaginé.
Je me suis rendue chez une dame qui tenait la maison des enfants ; elle s’appelait Fernande.
J'y ai passé quelques années dans ce local : "la maison des enfants".
Enthousiaste, je lui ai expliqué mon projet et elle, très attentive mais réaliste, m'a expliqué la réalité quant à un tel projet.
Moi je voulais de l'aide pour le local, les enveloppes et les timbres et j'étais sûre de trouver des bénévoles ; elle m'a expliqué que cette aide passait par des subsides et que vu mon jeune âge et surtout le sujet des prisons, c'était trop compliqué.
Anéantie, je me suis sentie seule avec ma tristesse et mon incapacité à aider les prisonniers.
Des années durant, ce projet m'a tenu à cœur mais j'étais si jeune et surtout seule, autour de moi, aucune des filles ne comprenait...jusqu'à beaucoup plus tard, beaucoup trop tard.

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