dimanche 9 février 2014

Grande-Bretagne : Suicide à la Prison de Manchester


HMP Manchester - Grande-Bretagne

Suicides en détention. Il faudrait se préoccuper de tous les prisonniers,
déclare un ex-détenu...

Voici le témoignage d'un ancien détenu de la prison HMP Manchester (High Security Male Prison), paru dans The Guardian (07/02/14) : Deaths in custody review should look at all prisoners

Quand j'étais incarcéré, j'ai été témoin combien le désespoir conduit au suicide de détenus de tout âge, et pas seulement des jeunes...

« J'ai entendu un choc dans la cellule de Michael. Avant qu'ils viennent ouvrir, ça a pris une vingtaine de minutes.

Le gouvernement britannique a annoncé qu'il mettrait en place une commission d'enquête indépendante sur le décès des jeunes de 18 à 24 ans en détention. Je veux leur dire quelques petites choses sur les morts en détention, sur les décès des jeunes et des moins jeunes aussi.

Il y a deux semaines, je suis sorti de prison Manchester, après avoir purgé une peine de 10 mois pour vol de voiture. J'ai été détenu dans une aile réservée, une unité de désintoxication. Je n'ai pas de problème de désintoxication. On m'avait mis là parce que la prison était surpeuplée.

Je me suis lié d'amitié avec un gars, un type de 32 ans, un sans-abri. Il s'appelait Michael Delaney. Je l'avais vu mendier dans le centre-ville à quelques reprises, et je lui glissais quelque tune de temps en temps. Michael était sourd et muet. Il était en prison pour avoir contrevenu à une obligation lui interdisant d'entrer dans le centre-ville. Pourtant, c'était là qu'il avait toujours vécu.

Un vendredi de juin de l'année dernière, Michael a été placé dans une cellule juste à côté de la mienne. Il 22 heures passées. J'ai entendu un gros choc. Avant qu'ils viennent ouvrir ça a pris une vingtaine de minutes. J'ai entendu des appels, les gardes, et puis le verrou qu'on ouvrait. 

« Allez chercher le kit... » 
Je savais qu'ils voulaient parler du 'kit de première urgence', celui pour les suicidés. A présent, toute l'aile était réveillée et tous les taulards ont commencé à taper, à faire du bruit. Puis j'ai entendu un officier dire: « Il est trop tard, il est mort... »

Le lendemain, nous avons appris officiellement que Michael était décédé. J'ai été dégoûté d'entendre le personnel parler de sa mort. C'était comme s'ils avaient trouvé une souris dans une trappe de service. Parce que Michael était sans-abri et n'avait pas de famille, personne ne semblait s'en faire.

Le compagnon de cellule de Michael, Lee, m'a dit ce qui s'était passé. Il s'était endormi après l'extinction des feux. Vers 22 heures 15, il s'est réveillé et a vu Michael pendu à la barre supérieure de leur couchette double. Lee a appuyé sur la sonnette d'alarme et a essayé de soulever le corps de Michael, mais il m'a dit qu'il savait que déjà il était mort.

Manchester est une prison de catégorie A, les portes restent fermées pendant la nuit. Pour ouvrir, il faut qu'un maître-chien arrive. La porte de la cellule de Michael n'a pas été ouverte immédiatement.


Lee a remarqué qu'il était tombé un petit morceau de cannabis sur le sol. Il a pensé que Michael avait dû tirer un dernier pétard. Lee l'a remis aux surveillants, en disant que Michael l'avait laissé tomber. Lee a été laissé seul dans la cellule où Michael était mort. Le lendemain, il a été accusé et mis en examen pour possession de drogue.

J'ai travaillé dans cette prison : j'étais peintre, dans l'aile que j'occupais. Une semaine après la mort de Michael, ils m'ont demandé de passer un bon coup de blanc dans la cellule, en me disant que ça sera plus gai pour le suivant.

Selon une enquête, neuf hommes ont perdu la vie par suicide à la prison Manchester depuis 2010. Cela ne me surprends pas.

Même si je suis heureux que le gouvernement s'occupe des décès en détention des 18-24 ans, qu'en est-il des enfants de moins de 18, des vrais enfants ? Quand j'avais 16 ans, à la fin des années 80, j'ai fait 18 mois à Hindley, dans une institution carcérale pour mineurs. Je me souviens particulièrement d'un jeune garçon de Wigan qui s'est tué. Il devaut avoir 15 ans.


Je l'avais entendu dire que d'autres gars se moquaient de lui, je l'avais entendu pleurer dans sa cellule en arrivant. Sa nouvelle paire de baskets lui avait été 'taxée', comme on dit : il avait été assommé et ils lui avaient prise. C'était un endroit violent. Le personnel savait ce qui se passait, mais il fermait les yeux. Les gars les plus durs semblait toujours obtenir les bons jobs. Pendant que j'étais là, trois garçons se sont pendus.

Des Suicides se produisent encore dans des institutions comme Hindley. Il me semble que rien n'a vraiment changé. Mais le gouvernement ne cherche pas  à savoir plus loin. Différents organismes vont et viennent tout le temps, juste pour passer un coup de langue. Ils demandent aux gars s'ils sont susceptibles de s'automutiler. Presque tout le monde dit non. Aux yeux du système, nous sommes tous les mêmes, des perdants et les branches mortes.»
Marlon Hamer, ancien détenu de HMP Manchester - traduction Bruno des Baumettes

Source : The Guardian (07/02/14)
Lire aussi : PressTV (22/02/12) : Manchester prison suicide rate slammed
Mirror (09/05/11) : Inside Strangeways: Brutal reality of life inside notorious jail

SOURCE Bruno des Baumettes

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