vendredi 20 septembre 2013

L’État belge empêche le mariage de Nizar Trabelsi, prévu pour le 23 septembre



par Luk Vervaet 21 septembre 2013

Cette fois ci, tout était pourtant en ordre.
Malgré tous les efforts et pressions du parquet fédéral de présenter, sans aucune preuve, l'intention de Nizar Trabelsi de se marier comme une nouvelle « opération terroriste »1, la commune d'Ittre avait tenu bon.
Fin août 2013, après plus de deux ans de combat au niveau administratif en Belgique, en Allemagne et en Tunisie, les démarches pour pouvoir se marier légalement en Belgique, avaient enfin abouti. Tous les documents étaient en ordre. La commune d'Ittre, responsable pour les mariages dans la prison se trouvant sur son territoire, avait donné son accord pour que le détenu Nizar Trabelsi puisse se marier. L'officier de l'État civil avait accepté de célébrer le mariage à la prison et non à la maison communale. La commune s'était mise d'accord avec la prison pour la date de la cérémonie, fixée au 23 septembre à 10 heures.

En tant qu'un des deux futurs témoins à ce mariage, j'avais déjà préparé mon costume. J'avais fait une copie supplémentaire de ma carte d'identité et de mon certificat de bonne vie et mœurs, au cas où... On ne se sait jamais de quel document ils auraient encore besoin au moment où je me présenterais à la prison.

Transfert
Mais voilà que deux jours après cette heureuse annonce, tout espoir s'est à nouveau effondré. Nizar Trabelsi est pour la énième fois transféré. Cette fois-ci, à la prison de Bruges.

Ce nouveau transfert est choquant pour plusieurs raisons. Son transfert vers une prison néerlandophone a déjà été dénoncé dans le passé par Maître Nève, parce que M. Trabelsi est francophone. Tout comme les transferts en chaîne dont fait l'objet Nizar Trabelsi, qui ne sont qu'une peine supplémentaire pour ce détenu visant à le déstabiliser et l'isoler au maximum. Pour la seule période de 2011 à 2013, les transferts de Nizar Trabelsi sont les suivants : de la prison de Ittre à la prison de Bruges, de Bruges à Nivelles, de Nivelles à Bruges, de Bruges à Ittre, d’Ittre à Bruges, de Bruges à Hasselt, de Hasselt à Lantin, de Lantin à Ittre et enfin, depuis fin août 2013, d’Ittre à Bruges.

On peut imaginer l'état psychologique (et physique) d'un détenu qui subit ce régime, et les conséquences sur ses relations familiales. La plupart du temps, ces transferts sont suivis d’un régime de mise en observation pendant un certain temps, puis par l'imposition d'un régime d'isolement ou un régime spécial, limitant ses activités en prison ou ses contacts sociaux. Régime imposé, non à cause de son comportement en prison, mais uniquement sur base de sa catégorie administrative de terroriste.
Mais le plus important est que ce transfert-ci arrive deux jours après l'annonce du plan de mariage, qui, dès lors, ne pourra pas avoir lieu. Toutes les démarches administratives sont à recommencer, cette fois, à la ville de Bruges, avec comme risque qu'à la fin de cette nouvelle procédure, il soit à nouveau transféré vers une autre prison.

Raison de son transfert d’Ittre à Bruges ? Aucune. Ni la direction de la prison d'Ittre ni naturellement le détenu n'avaient demandé ce transfert, qui n'est qu'arbitraire. Et qui dit tout sur la manière dont l'État belge et son administration pénitentiaire règlent leurs problèmes. Voyez-vous, nous n’interdisons pas le mariage d'un détenu, ce qui serait contraire à la loi : on le rend tout simplement impossible.

Suite à ce nouveau transfert, j'ai adressé un courrier à la ministre Turtelboom, le 8 septembre, en lui demandant de recevoir la future épouse de monsieur Trabelsi et moi-même en vue d'un entretien pour que le mariage puisse encore avoir lieu. La réponse vint deux jours après : «c'est le tribunal d'application des peines qui est compétent pour se prononcer sur l'exécution de la peine de monsieur Trabelsi... C'est à la direction des prisons qu'il faut adresser votre demande... La séparation des pouvoirs interdit à la ministre d'intervenir dans des affaires qui concernent le pouvoir judiciaire » (sic).

Le 9 septembre, Maître Alexandre Château, avocat de Nizar Trabelsi, engage un procès en référé contre l'État belge (SPF Justice, direction générale des établissements pénitentiaires) pour obtenir le transfert immédiat de Trabelsi vers la prison d'Ittre pour que le mariage puisse encore avoir lieu à la date prévue. Il demande une astreinte de près de 3000 euros tant que l'État belge n'a pas effectué ce transfert. Mais le 18 septembre, le tribunal en référé décide de reporter l'affaire du mariage de Trabelsi au 30 septembre prochain. Soit une semaine après la date prévue pour le mariage. 
 
Pourquoi empêcher ce mariage ?
Il est clair que l'unique raison du dernier transfert de Trabelsi est d'empêcher son mariage. Rappelons une fois de plus que Nizar Trabelsi a purgé l’entièreté de sa peine depuis deux ans ! L'État belge ne veut pas être court-circuité dans sa procédure d'extradition de ce détenu de nationalité tunisienne vers les États-Unis en lui permettant de se marier avec une femme belge. Il est difficile de s'imaginer comment Nizar Trabelsi, après avoir passé 12 ans dans les prisons belges dans les conditions les plus extrêmes, après avoir été présenté comme l'ennemi public numéro un et l'homme le plus surveillé du pays, présenterait un danger terroriste pour notre pays. Par contre, ce mariage, qui lui permet, outre le fait d'avoir une épouse et de fonder une famille, d'avoir un domicile, une résidence et des liens en Belgique, risque en effet de mettre à mal la décision de la Belgique d'extrader Trabelsi.

La NSA et l'hypocrisie belge
Après les récentes révélations sur un cas d'espionnage américain au Brésil, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a reporté sa visite aux États-Unis prévu en octobre prochain. Chez nous, la récente découverte de l'espionnage criminel par la NSA (National Security Agency, l'agence officielle américaine pour la sécurité), au nom de la lutte antiterroriste, de leur partenaires européens ou son hacking aussi criminel, depuis 2011, de l'opérateur téléphonique Belgacom ont suscité tout au plus quelques inquiétudes verbales. Tout en rassurant l'opinion publique que la protection de nos données personnelles allait être renforcée. On voit mal Di Rupo ou Reynders faire la même chose que Dilma Rousseff.
Les réactions belges étaient hypocrites parce qu'elles servent à cacher l'iceberg de la complicité belge dans cette même lutte antiterroriste américaine.

Pourquoi la Belgique, contrairement à d'autres pays européens, se doit-elle d'être le dernier pays, avec les Américains, à quitter l'Afghanistan en 2014, après 10 ans de participation à une guerre criminelle, injuste et perdue d'avance ? Pourquoi la Belgique était-elle parmi les premiers pays au monde à apposer sa signature sous un accord engageant la Belgique à transmettre aux États-Unis toutes les données ADN, empreintes digitales, données biométriques et biographiques de criminels et de terroristes potentiels dans notre pays (Belga, 20 septembre 2011). Pourquoi la Belgique se doit-elle d'extrader Nizar Trabelsi aux États-Unis ? Depuis quand une extradition est-elle justifiable quand il s'agit d'une extradition vers un pays qui pratique la peine de mort, qui a justifié et pratiqué la torture dans le cadre de la lutte antiterroriste, qui maintient toujours son camp à Guantanamo, déjà surnommé par Amnesty international en mai 2005 le « Goulag des temps modernes ». ? Pourquoi cette extradition belge quand les Assange ou Snowdon doivent trouver refuge chez d'autres pays pour échapper à leur extradition ? Pourquoi cette extradition quand la Belgique sait pertinemment bien que Trabelsi disparaîtra dans l'isolement total d'une de ces prisons de haute sécurité américaines dont il ne reviendra plus jamais. Soit parce qu'il est jugé coupable pour avoir eu un plan terroriste visant des intérêts américains, soit parce qu'il n'est pas jugé coupable, mais jugé tout simplement trop dangereux pour être laissé en liberté.
Dans un climat islamophobe et sécuritaire, dans une paralysie démocratique généralisée, ces questions sont devenues tabou. 
Ce sont pourtant ces questions qu’il s’agit aujourd’hui de se poser.

1Voir un extrait de l'arrêt de la Chambre du Conseil du Tribunal en première instance de Nivelles du 28 août 2013 qui avait à nouveau rejeté la libération de Nizar Trabelsi avec l'argument que celui-ci «.. est de nationalité tunisienne, qu'il a ni domicile, ni résidence fixe en Belgique ou ailleurs à l'étranger... Qu'il subsiste des indices qu'il a maintenu de liens avec le milieu du terrorisme islamique radical et qu'il est toujours susceptible d'en recevoir aide et appui. Son projet de mariage n'est pas de nature à dissiper ces craintes, au contraire, compte tenu des circonstances dans les quelles madame x est entrée en relations avec lui par l'intermédiaire de Madame Malika El Aroud, alias, Oum Obeyda, qui a été jugée pour avoir participé, en qualité de membre dirigeant aux activités d'un groupe terroriste de la communauté musulmane intégriste et pro djihadiste par arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 1 décembre 2010. » Il suffit de regarder le langage du procureur pour que tout fonctionnaire communal qui s'occupe de l'État civil attrape une crise et que le pays se met en alerte.

lundi 16 septembre 2013

Jean-Marc Mahy : le dernier jour

"Demain je serai un homme libre"

Annick Hovine
Belgique 
 
Après dix-neuf ans de prison et dix ans de liberté conditionnelle, Jean-Marc Mahy a payé sa dette envers la Justice. Retour sur dix ans de liberté surveillée. Il se bat avec le Théâtre de l’Ancre pour que sa pièce à visée pédagogique : "Un homme debout", soit reconnue d’utilité publique.
 
Demain, mardi, 17 septembre 2013, à minuit une, exactement, Jean-Marc Mahy, 46 ans, sera un homme libre. Définitivement libre. Après dix-huit ans, dix mois et dix-sept jours de prison, et dix ans en liberté sous conditions. Sans un seul coup de canif dans le contrat. Le décompte est précis - calcul d’apothicaire. Très jeune, Jean-Marc Mahy avait écopé de dix-huit ans de prison et de la perpétuité pour deux meurtres. Celui d’un octogénaire, au cours d’un cambriolage qui a mal tourné à Waterloo - il a 17 ans; celui d’un gendarme luxembourgeois, deux ans plus tard, au cours d’une évasion de la prison d’Arlon. Il n’a pas encore 20 ans…
"J’ai payé le solde de ma dette à la Justice , dit-il, aujourd’hui. Pas à la société. Dans mon sac à dos, ces deux victimes-là, le vieil homme et le gendarme, je les porterai jusqu’au bout de ma vie."

Dix-neuf ans derrière les barreaux
Avant d’obtenir une libération conditionnelle, il y a tout juste dix ans, Jean-Marc Mahy avait donc passé la moitié de sa jeune vie derrière les barreaux, dont trois années en isolement total au terrible bloc E de la prison de Schrassig, au Luxembourg, dont il dénoncera les conditions de détention inhumaines et dégradantes. Amnesty International prendra le relais de son combat; le bloc E sera finalement fermé.
L’ex-détenu a fait le récit de son passage à Schrassig dans la pièce "Un homme debout", produit par le Théâtre de l’Ancre, à Charleroi. Il a déjà 170 représentations à son actif, en Belgique, mais aussi en France, dans les cités et les banlieues difficiles, et bientôt à Londres. M. Mahy, seul en scène, a déjà joué "Un homme debout" à 170 reprises. Il témoigne, sans relâche, de son expérience carcérale devant les jeunes des quartiers, les adolescents en IPPJ (institutions publiques de protection de la jeunesse), les élèves en discrimination positive, les étudiants en droit, les futurs assistants sociaux, criminologues, éducateurs, psychologues… Avec un message qu’il répète inlassablement : "Quoi qu’il arrive, la prison, c’est du temps perdu : on n’en sort pas meilleur qu’on y entre."

"Educ’acteur"
En liberté conditionnelle, il est devenu, au fil des mois, des années, "un éducateur un peu atypique : un éduc’acteur" , comme il aime se décrire. "Il y a des ex-détenus qui croient que je gagne de l’or en barre…" , soupire-t-il. Rien n’est moins vrai. Sans véritable statut professionnel, il tire le diable par la queue.
En sortant de prison, il a trouvé un boulot de plongeur. Cela a duré cinq mois. Les collègues ont eu vent de son passé, "se sont pris la tête" ; il a dû prendre la porte. Idem pour le contrat suivant : viré après un mois d’essai. Les barreaux lui collaient au front. Sans droit au chômage, on le dirige vers le CPAS. "Je suis ressorti en pleurant : j’avais été assisté pendant dix-neuf ans et je retombais là-dedans, malgré moi."
Engagé chez un jardinier-paysagiste dans le cadre de l’Article 60, il travaille au tarif officiel de 1 € de l’heure. Le patron, plutôt correct, le paie 25 € par jour. Ces douze semaines de travail sous Article 60 lui permettent de retrouver ses droits aux allocations de chômage, de passer de la case CPAS à la case Onem.

Les bons mois… et les autres
Trouver du boulot, c’était une des conditions posées à sa libération anticipée. En dix ans, il a décroché dix contrats de travail, dont six se sont soldés par un C4 à cause de son passé de détenu. Les bons mois, il touche quelques cachets en plus de ses allocations de chômage - jours de travail déduits. Les autres mois, il doit se contenter des 830 € prévus pour les chômeurs isolés et compter, parfois, sur l’un ou l’autre ami pour l’aider à régler le loyer.
Aux détenus, il lance ce message, bouteille à la mer - à l’amer… : "Pensez à ce qu’il y ait quelqu’un dehors, à votre sortie." Une femme, un ami, un voisin, un visiteur de prison. "Tout seul, on ne s’en sort pas : c’est trop dur." Jean-Marc Mahy n’avait plus vraiment de famille. Seuls sa maman et son petit frère restent très proches de lui; il a pu compter sur deux visiteurs de prison et un ami. Et, au fil des années, il s’est constitué un réseau d’amis fidèles. Il a aussi une compagne, qui a une fille; il ne vit pas avec elle, mais leur relation dure depuis huit ans et demi.
Pour se loger aussi, ça a été la galère, à Louvain-la-Neuve, d’abord; à Liège, ensuite. "J’étais viré chaque fois qu’on me voyait à la télé. Après mon huitième déménagement, j’ai enfin trouvé un propriétaire qui a accepté de me louer un appartement en sachant qui je suis. Il m’a dit : ‘Je vais vous faire confiance, l’appartement est pour vous.’ Je suis là depuis 2011, j’entame ma troisième année. Je me sens enfin chez moi."
Dans quelques pièces : une cuisine, un petit salon, une grande chambre, une salle de bain. "Je me suis acheté un lave-linge. Au début, je l’ai regardé tourner à vide : c’est le plus beau cadeau que je me suis offert."

Une balise
Pendant dix ans, Jean-Marc Mahy a été suivi par un assistant de justice chargé de veiller au respect des conditions posées par le tribunal d’application des peines (TAP) à sa libération : avoir une adresse fixe, chercher un travail, prévenir en cas de déménagement, de changement de boulot, de voyage à l’étranger… "On se voyait tous les deux ou trois mois, souvent à ma demande. Après le 17, je le tutoie et, début octobre, quand j’aurai un peu d’argent, je l’invite au restaurant, et c’est moi qui paie. Il a été une balise pour moi. La surveillance électronique ou le GPS, c’est des conneries ! Sauf pour ceux qui n’ont jamais été en prison. Les autres, ça ne les aide pas dehors : il faut quelqu’un qui parle."
On sent une appréhension, une inquiétude un peu sourde à la perspective d’être libéré définitivement. "C’est terrible, au fond, quand tu n’as plus de comptes à rendre. A partir de maintenant, si je ne trouve pas d’emploi, je risque de me retrouver à la rue, plus en prison."
On devine aussi une pointe d’amertume. "Concrètement, il ne se passera rien, mardi. Personne ne va me prévenir que je suis libéré définitivement. Je ne vais plus passer au TAP. Je sais juste que je vais être retiré du Bulletin central de signalement de la police."
Il n’y a aucune reconnaissance pour les libérés conditionnels qui arrivent sans accroc en fin de peine, regrette Jean-Marc Mahy. "On a rendu la libération conditionnelle plus difficile à obtenir. La preuve, c’est qu’en 2011, ils étaient 343 à avoir été libérés en fin de conditionnelle, contre 588 à fond de peine. Ceux-là sont les plus dangereux : ils sortent avec la haine. C’est plus grave que la colère, qui peut tomber après une heure : la haine, ça dure toute la vie. C’est eux qui risquent le plus de récidiver."

Ressasser le passé
Concrètement, la vie de l’ex-détenu ne changera pas vraiment avec son statut de libéré définitif. "Sauf que c’est la crise." Quand il n’a pas de boulot, Jean-Marc Mahy se terre dans son petit appartement après un coca ou un café au bistrot du coin où il lit le journal "pour voir qui entre et qui sort de prison et ce qui touche à la Justice" . Il ne peut s’empêcher de ressasser le passé. Son médecin lui a dit un jour que c’était une maladie chronique. Il hausse une épaule : "Je sais qu’un jour, je tournerai la page."
Ce jour-là n’est pas encore arrivé. "Mon passé, c’est encore mon présent, aujourd’hui. Le traumatisme carcéral est toujours là." Il y a "un truc" qui reste très fort : "C’est la violence du temps perdu."
La violence ? Elle monte parfois encore ; il apprend à la dompter. Pas toujours facile. Il y a un mois, en revenant un soir, crevé, du boulot, il assiste à une scène dans le bus. Un type, qui vient de monter à bord, donne des coups à sa femme. Il est 18h01. Des jeunes s’interposent, négocient, tentent de calmer le goujat. En vain. "J’ai tenu dix minutes… J’ai pris ma voix de taulard et je lui ai dit : ‘Je suis fatigué, j’ai envie de rentrer et d’embrasser ma femme, pas de la taper.’." Cela aurait pu mal tourner. Le gars aurait pu réagir, répliquer; il est descendu du bus. "Il ne voulait rien entendre : il fallait utiliser les grands moyens : je me suis mis à son niveau. Il y a dix ans, je n’aurais pas attendu si longtemps…"
La violence est le bruit d’une souffrance qui n’est pas entendue, cite Jean-Marc Mahy. "Je suis devenu acteur de ma vie parce que j’ai rencontré des gens qui m’ont tendu la main." Comme Jean-Pierre Malmendier, le papa de Corine, assassinée en juillet 1992, avec son ami Marc, par deux détenus - l’un en libération conditionnelle, l’autre en congé pénitentiaire. Ensemble, ils ont fondé l’asbl Revivre. Mais M. Malmendier est décédé subitement, en février 2011. "Il me manque. Je n’ai pas encore fait son deuil."
N’empêche, la vie reste rude. "Je dois apprendre à ne pas rester enfermé, seul." C’est dur d’être à court d’argent, toujours tracassé par les fins de mois. "J’ai contacté un centre de revalidation fonctionnelle pour m’apprendre à trouver une nouvelle gestuelle quand je suis chez moi, à sortir, à trouver d’autres centres d’intérêt que mon travail d’éducateur."
Dix ans après être sorti de prison, Jean-Marc Mahy souffre toujours de Toc (troubles obsessionnels compulsifs). "Quand je quitte l’appartement, je vérifie plusieurs fois si j’ai bien fermé la porte derrière moi. Je retire toutes les prises. Et la nuit me fait toujours aussi peur." 

SOURCE 

Bruno des Baumettes : "Les Baumettes, une prison en France en 2013 !"


 
'Incertitudes ô mes délices
Tout les deux nous nous en allons
Comme s'en vont les écrevisses
A reculons à reculons"

Guillaume Apollinaire - Les écrevisses.

Aux Baumettes, Rien de plus...

Voici le témoignage sur Facebook de Nadine compagne d'un détenu incarcéré aux baumettes :

"Cet après-midi j'écris a monsieur Delarue. Ils l'ont changé de cellule ; avec son codétenu, ils se retrouvent dans une cellule où y a pas de lumière ni de prise, les fils sont dénudés - ils attendent qu'ils s'électrocutent ? -. Pas de câble d'antenne pour la télé et moi je suis quoi ??? Je paye pour qui la télé !

"C'est bon, là j'en ai marre !"

"Et encore un maton voulait les mettre dans une cellule qui avait pris feu ! Les murs, du sol au plafond, tout noirs ! Même les animaux à la Spa sont mieux traités qu'eux...
"Leurs draps sont changés toutes les trois semaines. Et puis, il y a l'état des cellules ainsi que les rats et les cafard (que bien sûr j'ai pris en photo...).
(Image d'archive © G. Korganow pour le CGLPL)

"De toute façon, j'ai écrit à la Ministre de la Justice et à l'Inspecteur général de lieux de privations et de liberté. Là, j'en ai marre, aux Baumettes rien ne va plus..."

Répnse de Bruno des Baumettes à Nadine  : 'Ah, parce que jamais, à un moment, ça était mieux ? ou alors ya longtemps !'

(Via Facebook - le 13/09/13)
 
Extrait des courriers adressés par Nadine B. à ChristianeTaubira, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux et à Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des Lieux de privation de liberté.
Marseille, le 13 septembre 2013

Madame, Monsieur

Je viens vers vous vous êtes mon dernier espoir. Mon mari est incarcéré à la prison des Baumettes depuis septembre 2012. C'est un homme malade. Il souffre d'ostéoporose sévère non soignée. Il a une prothèse totale des hanches et des genoux fracturés au niveau de la rotule. Il a déjà été opéré 2 fois. Il souffre aussi de depression depuis 2007.

Avec tout ces problèmes de santé, il ne peut pas monter et descendre correctement les escaliers. Au début de son incarcération il était au 4ième étage. Il descendait que pour les parloirs. ensuite ils l'ont descendu au 2ième, sur sa demande. Ca allait mieux. Et là, maintenant, sans savoir pourquoi ni comment on le remonte au 4ième étage.

Et là, la surprise est de taille. Dans sa nouvelle cellule, n'y a pas de lumière. Les fils sont dénudés. Il n'y a pas de télé non plus, alors que je paye quand même celle-ci (il manque un câble). Je ne pense pas que ce soit bon pour un dépréssif de vivre comme ça.

Sans compter les cafards et les rats qui courent dans les coursives. On ne sait plus si ce sont des rats ou des chats tellement ils sont gros et gras. Je vous adresse aussi une photo d'un cafard que j'ai prise devant la borne des parloirs...

Il a attrapé un bouton en dessous du menton tellement qu'il a été creusé par le pu, qu'il a une grosse marque. Il faudra montrer ça à un médecin en sortant. Moi-même, lorsque je vais le voir je me fais piquer. J'ai toujours des boutons sur les bras.

Les parloirs, parlons-en. Les box des parloirs sont insalubres, ils sont sales, ils sentent mauvais. Il y a des traces d'humidité dans tous les coins par terre. On ne peut plus rentrer sa bouteille d'eau, mon époux m'en a porté une qu'il avait rempli au robinet. J'ai eu une intoxication.Je suis restée deux jours au lit. Etant allergique et ayant de l'asthme ça n'arrange rien a ma santé.
(Parloirs aux Baumettes)

Il est inadmissible de laisser des détenus dans de telles conditions de saletés d'insalubrité. Après on nous parle de réinsertion... comment se réinsérer quand on sort de là, au bout de quelques années ?

Nous avons fait une demande de mise en liberté qui nous a été refusée car ça ne faisait pas un an qu'il était incarcéré (c'était au mois de juillet). D'autres ont fait pire que lui et sont dehors. Je ne comprends pas le fonctionnement de la Justice.

Je vous prie d'accepter, Madame, Monsieur, mes sincère salutations

Nadine X.

[Nadine a demandé àconserver son anonymat : "Aux Baumettes, je ne veux pas que mon époux soit inquieté", conlut-elle.
Rénovation des Baumettes : le pas de l'écrevisse
Des travaux qui avancent... à petits pas
Les Baumettes sont en 'rénovation' ! Toute la presse en a fait écho... mais à quel rythme avancent-ils, ces foutus travaux ?
Voici ce que j'écrivais dans mon journal, il y a un an déjà (le 12 septembre 2012)...
Je contemple les huit mètres carrés de ma nouvelle cellule . Je digère à peine à présent le choc qui a été le mien lorsque l'autre jour j'y pénétrai la première fois.
Seulement maintenant, j'ose tenter de la décrire. Tout y est vétuste et mal en point.
Les murs sont enduits d'une vieille peinture au plomb, recouverte de graffitis : des noms, des dates, des villes, des bouts de phrases volées, des injures aussi. Les murs sont une bibliothèque où on peut tenter de déchiffrer les heurs et malheurs de ceux qui nous ont précédés.
Dès l'entrée trônent les chiottes, pour peu : on marcherait dedans. Dans la cellule – comme dans la plupart des cellules du bâtiment A -, il n'y a aucune cloison d'intimité qui sépare les toilettes du reste. Il n'y a jamais plus d'un mètre entre nous : que l'on pisse ou que l'on pète.
Des peaux d'orange séchées adoucissent les mœurs : elle nous servent d'encens, on les conserve dans un petit pot en fer blanc qui fait office de brûle-parfum. Lorsqu'il s'agit de chier, nous allumons l'écorce qui, bien séchée, brûle comme de l'amadou et parfume agréablement la pièce à vivre, camouflant ainsi nos odeurs...
Lire la page : Vues d'Intérieur -Chapitre 1
Madame la Ministre, Monsieur le Contrôleur général des prisons... aux Baumettes, il y a encore beaucoup à faire pour que soit respectée la dignité des personnes incarcérées !
Et si ça ne va pas assez vite, le conjoint de Nadine pourra toujours demander une condamnation de l'Etat... mais pour bien faire, il devra amener avec lui, devant le Tribunal administratif, quelques cafards et, pourquoi pas ? un rat des Baumettes... ça lui fera prendre l'air à l'animal !
Rénovation des Baumettes : le pas de l'écrevisse
Rénovation des Baumettes : le pas de l'écrevisse
Rénovation des Baumettes : le pas de l'écrevisse

jeudi 12 septembre 2013

Agir face à la prison 21/10 Théatre National

Agir face à la prison

Festival des Libertés, lundi 21 octobre 2013 à 19.30h, Théatre National, entrée libre.


SOURCE


Les effets néfastes de la prison sont connus de tous et pourtant ils ne cessent de perdurer et de s’aggraver. Quelle place prend la prison dans la cité ? Comment réagissons-nous face à sa présence et à ses effets ? Quelles sont les limites de nos actions et comment dépasser ces limites ? Quelles formes donner à l’engagement au regard des luttes politiques et juridiques que nous transmet l’histoire ?

Conférence introductive par : Jean Bérard (historien, coauteur de 80.000 détenus en 2017 ? Réforme et dérive de l’institution pénitentiaire) et Philippe Mary (criminologue, ULB, auteur de Les enjeux contemporains de la prison). Suivie d’éléments de conférence gesticulée avec Benoit David (Ban Public), Clémence Michoux (Genepi), Luk Vervaet (Association des Familles & Ami(e)s des Détenu(e)s) et avec la complicité du public et de nombreux acteurs du militantisme de dedans et du dehors (LDH, OIP…).
Ponctué par le concert Taules de dames et une présentation du travail de Fernando Moleres (photographe) et de la FAMD : “Cicatrices à l’extérieur. Unchemin vers l’intérieur”.
Partenariat : Fondation pour l’assistance morale aux détenus, Ligue des droits de l’Homme, Centre régional du libre examen, Observatoire International des prisons.

lundi 9 septembre 2013

"Les prisons françaises au bout du monde", par Bruno des Baumettes



'Heureusement que la Terre est ronde, autrement on mettrait la misère dans un coin... (Proverbe hollandais)



Un 'petit' tweet de Genepi France...

Le 23 août 2013,  Genepi France diffusait le communiqué suivant :
"Un taux de surpopulation (212%) qui ne pardonne pas... Bilan de l'incendie à la maison d'arrêt de Majicavo (Mayotte) : 1 mort et 8 blessés."

Tiens ? il y a donc une prison à Mayotte...

Tiens ? me dis-je, il y a donc une prison à Mayotte...Tiens ? me dis-je aussi, Mayotte c'est... en France, quelque part (c'est même un département, le dernier département créé, enfin : je crois)...

Qui a entendu parlé de la Prison de Majicavo ?

En fin 2009, la prison comptait 256 détenus pour une capacité théorique de 90 places

'Majicavo' c'est beau pourtant comme nom ! Ca évoque les îles, l'Océan indien, les escales...

Une prison qui mériterait bien le voyage ... 

Cette prison a le triste privilège de détenir le taux d'occupation le plus fort de toutes les prisons de France, très régulièrement supérieur à 200 %. En 2009,  il atteignait 294 % au quartier adulte 2 et de 333 % au quartier de fin de peine.

Dans son dernier rapport, l'OIP a même dénoncé le pourcentage aberrant de 317 % au sein de son quartier des mineurs.

Des chiffres qui ne veulent plus rien dire, et qui ne racontent pas la promiscuité et les conditions misérables des détenus

Jean-Marie Delarue, le Contrôleur des Lieux de privation de liberté, ferait bien de faire le déplacement. En 2009, il y avait dépêché là-bas 4 contrôleurs, peut-être devrait-il s'y rendre en personne !

Aux dernières nouvelles, Christiane Taubira, La Garde des Seaux, devrait prochainement y faire escale...

Témoignage d'un ancien détenu à la prison de Majicavo

Roger : « D'abord, je tiens à vous dire que j'ai très mal vécu cette période ! Ma fille se trouvait en Belgique quand elle a appris que j'étais incarcéré ici, elle a appelé pour me parler. Je n'ai eu connaissance de cet appel qu'une dizaine de jours plus tard ! Je n'ai pu la recontacter qu'après 12 jours.

« Personne ne nous écoute : le service d'insertion, le SPIP (Service pénitentiaire d'insertion et de probation) nous traite comme des chiens ! Quand on demande à rencontrer un responsable, on nous ignore...»

Lire la suite de son témoignage : Mayotte - Le régime carcéral de Majicavo

Des détenus comoriens déportés
Face à cette surpopulation carcérale chronique : une seule solution : la déportation !

Depuis 2008, les détenus comoriens sont transférés massivement de la prison de Majicavo à Mayotte au centre de détention à responsabilité du Port sur l'Ile de la Réunion.
La plupart sont des 'clandestins', venus des Comores (indépendantes) tout proches. Sans ressources et loin de leurs familles, ils sont près d'une centaine à vivre au beau milieu de la population pénale réunionnaise. Une cohabitation difficile...

Lire à ce sujet l'enquête de Flavien Osanna (avril 2013) : Prisonniers comoriens au Port : Le choc des communautés

Une nouvelle prison en construction
Afin de résoudre tous les problèmes, la meilleure solution est là-encore de construire plus de prison...

Ainsi, le Directeur interrégional de l'Administration pénitentiaire, Georges Vin, annonçait dès 2010 « une 4ème tranche de travaux pour un montant de 33 M € et ajoutant une capacité de 174 places supplémentaires pour la fin de 2014 ». (Source : Annette Lafond (2010) : Majicavo-Prison : '256 détenus pour une capacité de 90 places')

Que ce soit en Métropole ou dans les DOM-TOM, aux mêmes maux, les mêmes 'remèdes'...

Pose de la "première pierre" de la Nouvelle prison de Majicavo ! Tous ont le sourire...

Pour aller plus loin (Si j'ose dire) :

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté : Recommandations du 30 juin 2010 relatives à la maison d’arrêt de Majicavo (Mayotte)

La situation aux quartier des Mineurs : 317% de surpopulation carcérale dans une prison de Mayotte : 
Système carcéral : La maison d'arrêt de Majicavo dans la tourmente
L'actualité a été chahutée dans la nuit de jeudi à vendredi dernier avec un feu qui s'est déclaré dans une cellule de la maison d'arrêt de Majicavo. Malgré l'intervention rapide des servic...
http://www.habarizacomores.com/2013/08/systeme-carceral-la-