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mercredi 1 décembre 2021

Méga-prison et justice à l’envers


Par Luk Vervaet,

Co-signé par Laurent Moulin, Ana Navarro, Jean-Baptiste Godinot, Elisabeth Grimmer,  Rnesto Moreno,  Stéphanie Guilmain, Camille Seilles

C’est une affaire qui dure depuis six ans.

Le 20 mai 2015, une quinzaine de manifestants, armés de… banderoles, entrent dans la Régie des bâtiments pour crier leur opposition à la construction de la maxi-prison à Haren. Lors de l’action, dans un moment de colère, un manifestant donne un coup de poing sur la maquette de la future prison, exposée dans le hall d’entrée. Elle est cassée. Ce n’était pas l’objectif de cette action. Sinon les manifestants s’en seraient sans aucune doute pris autrement ; ils n’auraient pas fait une manifestation publique avec des calicots, et ce en présence d’un public nombreux.

Mais la machine policière et judiciaire se met immédiatement en marche.

Condamnés pour être présents !

Quatre des manifestants sont identifiés grâce à des caméras. Les images ne montrent pas qu’ils sont en train de s’en prendre à la maquette, mais témoignent uniquement de leur présence à la manifestation. En 2018, la justice frappe ces jeunes à coups de bâton : ils sont condamnés à dix mois de prison avec un sursis de trois ans pour « destruction de bien mobilier en bande ».

Ce n’est pas fini.

Trois ans plus tard, le 1er octobre 2021, un tribunal prononce le verdict pour le volet civil de l'affaire. Les quatre sont condamnés à rembourser 43 000 euros à la Régie des bâtiments, propriétaire de la maquette.

Vous avez bien lu : 10 mois de prison et 43 000 euros pour une maquette, une peine à la mesure du projet mégalomane de Haren. Dans ce verdict, il ne s’agit pas de frais de réparation pour une personne blessée, ni pour un bâtiment abimé, ni non plus pour un mur de prison vandalisé, mais uniquement d’une maquette publicitaire, qui ne servait à rien d’autre que ça, vu que les plans avaient déjà été approuvés. La vraie destruction, elle, celle du site du Keelbeek, soit 18 hectares de terre agricole et de nature, avait bel et bien commencé.

Justice de la vengeance, justice de classe

Nous assistons à une justice de la vengeance. Elle vise à réduire au silence toute tentative d’opposition à l’ouverture de la maxi-prison prévue pour septembre 2022. À une justice qui définit la culpabilité, non pas sur base d’avoir commis une infraction ou un délit, mais sur base de la présence de la personne, de son « association » avec d’autres. La justice belge agit comme en Angleterre où la loi baptisée « Joint entreprise » permet à la justice de « condamner des personnes à de lourdes peines pour quelque chose qu’elles n’ont pas fait, qu’elles n’ont pas prévu, qu’elles n’avaient pas l’intention de faire, qu’elles ont souvent même essayé d’empêcher, leur présence sur les lieux étant suffisante pour les rendre coupables »[1]. Une justice de classe et partiale, où les juges ont clairement fait savoir que, contrairement à beaucoup de leurs collègues, ils étaient en faveur de la construction de la méga-prison. Les quatre inculpés ont été traités comme des moins que rien, des marginaux, des hors-la-loi dont l’avenir doit être hypothéqué ou brisé, en les condamnant à des peines de prison et à un montant, sans doute dérisoire aux yeux de ces juges bien payés, mais qui mène ces jeunes à la ruine.

L'opposition ! par Renesto

Un dernier règlement de compte de la part de nos gouvernants ?

L’opposition à la construction de la méga-prison à Haren, qui tient bon depuis déjà dix ans, exprime la confrontation entre deux visions du monde et du problème carcéral en Belgique. D’un côté, les habitants de Haren, de la ZAD, des collectifs anticarcéraux, de magistrats, architectes, académiciens et avocats, de défense de la nature et des petits paysans. Leurs formes d’actions ont été on ne peut plus pacifiques sous le mot d’ordre « Ni prison, ni béton » : pétitions, articles, livres, dessins, films, concerts, procédures en justice et construction sur le site de cabanes et de tentes, plantation de patates et aménagement d’un verger. Ils se sont unis dans un des mouvements les plus larges, inspirants, créatifs et démocratiques que notre pays a connus[2]. De l’autre, les gouvernements successifs qui, depuis 2008, ont tous, quelle que soit leur couleur politique, choisi pour la construction de nouvelles prisons pour répondre à la crise carcérale[3], sous le titre trompeur : « Masterplan pour une détention dans des conditions humaines ». Si l’humanité des autorités dans les nouvelles prisons sera à la mesure de celle dont ont joui les opposants à la méga-prison, le pire est à venir.

L’opposition à la méga-prison a en effet rencontré une violence sans précédent de la part de l’État. Il fallait s’y attendre, vu le caractère intrinsèquement violent de la prison elle-même.  Les Masterplans ont dû être imposés avec la violence d’État parce que leurs plans n’ont suscité aucune adhésion sociale, si ce n’est celle des banques et des entreprises de construction. Non, il n’y a jamais eu de négociations avec les opposants, seules quelques séances d’information pour présenter les projets.


Pas une seule table ronde où l’opinion des détenus, de leurs familles, des ex-détenus, de l’association des avocats, du secteur social actif au sein des prisons, des habitants de Haren pourrait être entendue et discutée. Au début, le comité des habitants de Haren se déclarait même prêt à accepter une petite prison sur le territoire de leur petite commune. La réponse a été l’envoi des bulldozers sur le site pour faire place à la méga-prison.

La violence ne s’est pas limitée à la violence verbale ou symbolique. Il suffit de citer quelques incidents, qui se sont répétés à plusieurs reprises. En septembre 2015, évacuation et destruction de toutes les habitations sur le site du Keelbeek. En août 2018, nouvelle évacuation violente de l’occupation du Keelbeek, par la destruction et l’incendie des cabanes des citoyens défendant la biodiversité du Keelbeek, avec arrestation de sept personnes. En 2019, arrestation de nonante citoyens qui bloquaient pacifiquement le chantier de la méga prison[4]. Notre liberté se réduit-elle à seulement supporter cette violence ?

La poursuite des activistes

Pour comble de cynisme, ce sont les activistes qu’un ministre a tenté de présenter comme responsables pour les dégâts causés par toutes ces destructions illégales. En 2019, en effet, Jan Jambon, ex-ministre fédéral de l’Intérieur en charge de la Régie des bâtiments a déposé une plainte contre dix citoyens opposés à la méga-prison. Il ne leur réclamait pas moins de 1 036 000 euros ! Un million trente-six mille euros qui se décomposaient ainsi : 13 000 euros pour les frais d’évacuation, 70 000 euros pour les clôtures et 953 000 euros pour la surveillance par G4S Denys.

En 2017, la police avait déjà auditionné quelques-unes de ces dix personnes dans des commissariats différents. Finalement, les dix ont dû comparaître devant le tribunal le 14 janvier 2020, inculpés de « dégradation de propriétés immobilières d’autrui, à plusieurs reprises entre le 2/03/2015 et le 27/10/2016 » et de « destruction de clôtures rurales et urbaines avec circonstances aggravantes : commettre une usurpation de terrain, à plusieurs reprises entre le 2/03/2015 et le 27/10/2016 ». La mise en accusation des dix personnes, sélectionnées à nouveau de manière aléatoire et comme s’il s’agissait des propriétaires du terrain, a été jugée tellement arbitraire, grotesque et démesurée que le tribunal a prononcé un non-lieu.

Dans le cas des quatre condamnés pour la maquette, la Régie des bâtiments et la justice leur font payer le prix de la maquette à 34 363 euros, y inclus le prix du « déménagement de la maquette à 5 033,60 euros », le prix de fabrication de deux autres maquettes (!), je cite, « l’avance de 40% pour la fabrication de trois maquettes pour le concours ‘La prison de Haren’ à 9 534,80 euros » ! Plus le montant de « l’avance de 40% pour l’adaptation de la maquette pour le concours La Prison de Haren à 2 202,20 euros ».

Belle illustration du fait que les prisons existent aussi pour que toute une caste – faite entre autres de magistrats ou d’architectes– puisse gagner sa vie sur le dos des détenus et de ceux qui défendent leurs droits. Au cours de ces deux années de crise sanitaire, plusieurs personnes nous ont témoigné de leur consternation de voir s’ériger une prison-monstre en lieu et place d’un hôpital ou d’une école à Haren. 


Si vous faites partie de ces indignés, soutenez les quatre condamnés. Toute contribution est la bienvenue sur le compte bancaire au nom de « Soutien procès maquette» avec le numéro BE66 5230 4745 8943.

 

 





[2] Voir le livre « Ni prison, ni béton. Contre la maxi-prison de Bruxelles et son monde », un ouvrage collectif retraçant la lutte, des zadistes, activistes et habitant.e.s de Haren, par le Collectif vrije Keelbeek libre (Haren), éditeur Maelström.

L’Observatoire de la méga-prison de Bruxelles-Haren, une plateforme mise en place par le Comité de Haren, l’asbl Respire, des riverains et des militants réunis pour dénoncer le projet toxique de construction de méga-prison à Bruxelles-Haren.https://www.harenobservatory.net/

Réseau de soutien à l’agriculture paysanne http://www.luttespaysannes.be/spip.php?article110

Le dossier CONTRE LA PRISON DE HAREN ET TOUTES LES PRISONS MODERNES https://www.brudoc.be/opac_css/doc_num.php?explnum_id=988

L’appel pour un moratoire.http://supermax.be/200-academiciens-travailleurs-sociaux-artistes-lancent-un-appel-pour-arreter-la-construction-de-prisons-en-belgique/

[3]Après la Turquie et l’Italie, la Belgique est le troisième pays avec le plus grand taux de surpopulation des prisons (117 détenus pour 100 places, 10.885 détenus au 19 novembre 2021, pour une capacité de 9.611 détenus) des 52 pays membres du Conseil de l’Europe. Dans une prison à Anvers, il y a 769 détenus pour 439 places (mi-novembre 2021). En 2019, le suicide était la cause de 44% des 27 décès dans les prisons belges, ce pourcentage étant 26% dans toute l’Europe.) https://www.standaard.be/cnt/dmf20210408_97616859

[4]Avez-vous vu de pareilles opérations contre la police qui lors de ses actions syndicales bloque tout simplement l’accès à Bruxelles ou à la rue de Loi ?


mercredi 14 juillet 2021

Fin de la guerre contre l'Afghanistan : fin de la justice de guerre contre Nizar Trabelsi et Malika El Aroud ?


 par Luk Vervaet

Le 11 septembre 2021, vingt ans après les attentats de New York et le début de la guerre contre l'Afghanistan, les dernières troupes américaines quitteront l'Afghanistan. Du moins c'était le plan. Biden a décidé d'avancer le retrait de dix jours. Car il y a urgence : le scénario d'une débâcle totale, comme celle de la guerre du Vietnam, est possible. Ce qui reste des forces d'occupation américaines risque d'être balayé par les Talibans, ceux contre qui tout a commencé et qui, jusqu'à récemment, étaient déclarés morts et enterrés.

Les moins de vingt ans ne le savent peut-être pas mais les troupes belges ont été impliquées du premier au dernier jour de cette guerre criminelle. Il est peu probable que nous entendions des excuses à ce sujet en Belgique, et encore moins qu'il y ait des poursuites contre ceux qui nous ont embarqués dans une guerre qui n'aurait jamais dû avoir lieu.

La  « Global war on terror », déclenchée en Afghanistan, suivie de la seconde guerre contre l'Irak et d'autres pays, a fait des ravages. Tant en termes de vies humaines, de coûts financiers qu'en termes de droits démocratiques dans le monde.

Les victimes de la guerre mondiale contre le terrorisme

Sous prétexte de répondre aux attentats de 2001, les États-Unis et leurs alliés ont déclenché la guerre mondiale contre le terrorisme. À l'occasion du vingtième anniversaire du 11 septembre, les noms des 3 000 victimes à New York seront lus. Mais pas les noms de toutes les victimes innocentes qui sont tombées dans cette guerre. Cette liste est trop longue. Cette liste ne pourrait être qu’incomplète, car le nom et la vie d'une victime là-bas ne comptent pas autant qu'une victime ici.

Au moins 800 000 personnes sont mortes des suites directes de la guerre contre le terrorisme qui balaie le monde depuis vingt ans. Selon Iraq Body Count, entre 2003 et 2021, il y a eu entre 185 497 et 208 547 morts parmi les civils[1]. Cela n'inclut pas « le nombre de personnes blessées ou rendues malades à la suite de la guerre, ni le nombre de civils tués indirectement à la suite de la destruction d'hôpitaux et d'infrastructures et de la pollution de l'environnement »[2]. Pas non plus les centaines de milliers d'enfants devenus orphelins à cause de la guerre. Ni les 37 millions de personnes qui ont été forcées de fuir la guerre, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Afghanistan, de l'Irak, du Pakistan, du Yémen, de la Somalie, de la Libye, de la Syrie... À l'exception de la seconde guerre mondiale, le plus grand déplacement de masse de personnes depuis l'année 1900. Et tout cela sans parler des victimes de la première guerre d’Irak de 1991.

Une guerre au lieu d'une action policière

Les attentats sanglants de New York n'étaient pas des actes qui pouvaient être qualifiés d’actes de guerre[3]. Ne serait-ce que parce qu'un seul des deux camps est un État, et que la guerre se déroule normalement entre États. Pourtant, ils ont été traités comme s'il s'agissait d'une guerre et non d'un crime. Donc pas de recours à la police ou aux moyens légaux, comme cela s'est produit dans le passé avec des formes de terrorisme dans d'autres pays[4], mais bien le déploiement d'une armée occidentale meurtrière contre l'Afghanistan, qui selon l'OTAN elle-même a été « l'une des plus grandes coalitions de l'histoire » avec la participation de « 130 000 soldats de 50 pays de l'OTAN et d'autres pays amis »[5]. Vingt ans plus tard, il n'y a qu'un bilan : la coalition monstre menée par les États-Unis a subi une défaite totale en Afghanistan. Les talibans sont de retour. Les feux du terrorisme qu'ils voulaient soi-disant éteindre se sont propagés dans le monde entier. À son tour, la guerre contre l'Irak a créé l'État islamique.

Un revirement politique et culturel

La guerre contre le terrorisme a radicalement changé la culture politique et judiciaire des pays occidentaux. Le terrorisme est assimilé à la violence perpétrée par les musulmans. L'islamophobie et le racisme sont devenus monnaie courante. L'extrême droite a percé, tant sur la scène politique que par la violence.

Sur le plan de la justice et de la politique carcérale, nous avons fait un bond en arrière historique, une guantanamisation de la culture et des pratiques, par rapport à toutes les visions progressistes que nous avons connues dans les années 1960 et 1970.

Le modèle de Guantanamo, le camp de prisonniers américain à Cuba, établi dans les mois qui ont suivi le début de la guerre, pour les terroristes musulmans présumés d'Afghanistan, a eu un impact mondial. Guantanamo est devenu synonyme d'autorisation de torture et de détention illimitée. Mais aussi un modèle pour le bannissement et la purification des indésirables - terroristes, réfugiés illégaux... - de la société. Après tout, le camp a été installé par les Américains sur une île, en dehors du territoire national, en dehors des lois nationales et internationales. Quelque chose qui a donné à plusieurs pays des idées similaires. Guantanamo a montré qu'il n'y a plus de limites à la détention. Les détenus étaient transportés à travers les continents avec l'aide des pays européens et arabes, agissant comme une sorte de sous-traitants. La demande de construire des camps de détention pour les réfugiés indésirables à l'extérieur des frontières, d'installer des îles-prison, de construire des prisons occidentales dans d'anciennes colonies a décollé comme aucune autre. En Australie, les réfugiés sont empêchés de mettre les pieds sur le territoire national et sont confinés sur l'île de Manus et Nauru. Au Danemark est venue la proposition d'utiliser l'île de Lindholm pour détenir des réfugiés illégaux. Le ministre de l'Intérieur britannique veut bannir les demandeurs d'asile et/ou les passeurs dans les centres offshores où leur peine sera purgée. L'île de l'Ascension, ou Sainte-Hélène, ou les anciens ferries et plates-formes pétrolières abandonnées sont aussi des pistes explorées[6]. En France, on a entendu des appels à construire un Guantanamo pour les terroristes et sympathisants musulmans sur l'Ile de Ré[7]. De même en Autriche où le leader du FPÖ Heinz-Christian Strache a proposé en 2017 d'arrêter des islamistes connus et de les envoyer dans des îles isolées. La Grande-Bretagne aimerait construire une prison au Nigeria et en Jamaïque[8]. En Suisse et aussi en Belgique (proposition de Bart De Wever), le Maroc a été sollicité pour construire une prison suisse ou belge pour étrangers. Pour l'instant sans résultat.

La guerre contre le terrorisme a également empoisonné nos propres opinions. Ne parlons même pas de notre empathie qui, année après année, a fondu comme neige au soleil, laissant place à un durcissement général des mœurs. L'exigence de justice, d'égalité et de paix  a progressivement fait place à la soif de vengeance. Surtout quand il s'agit de personnes accusées de terrorisme. Qui proteste contre le fait qu'un détenu soit torturé, physiquement ou psychologiquement ? Qu'il soit puni deux fois pour le même délit ? Qu'il ou elle, en plus de sa peine, perde sa nationalité ou soit extradé/e même s'il n'y a aucune base légale pour cela ? Ce qui vaut pour les uns ne vaut plus pour ceux dont on veut se débarrasser ? Nous vivons un scénario fasciste vécu dans le passé, dont nous nous souvenons de la fin mais dont nous avons oublié les débuts. À savoir, la façon dont le nazisme a fait son chemin dans les années 1930, sous les applaudissements généralisés, avec son traitement des délinquants incorrigibles, des criminels aliénés, des « personnes au sang impur », des personnes « incapables de travailler », des schizophrènes, des épileptiques, des personnes atteintes de malformations sévères et des alcooliques sévères, c’est-à-dire la détention et finalement le meurtre de masse[9].

Nous devons vraiment nous demander si Trabelsi et El Aroud appartiennent à cette catégorie de personnes que nous préférons voir exterminées ?

Justice de guerre

Dans notre pays, la guerre contre l'Afghanistan a pris la forme d’une justice de guerre contre les prisonniers appartenant au camp de nos opposants.

Nizar Trabelsi et Malika El Aroud vivaient en Afghanistan avant le début de la guerre. Le 13 septembre 2001, quelques mois après son retour en Belgique, Nizar Trabelsi est arrêté pour son projet d'attaquer la base américaine de Kleine-Brogel dans le Limbourg. Trabelsi a avoué son plan et a été condamné à ce qui était alors la peine maximale : dix ans d'emprisonnement effectif. Il a purgé cette peine jusqu'au dernier jour dans différentes prisons belges. Cependant, il est resté en prison pendant deux ans de plus que la peine prévue. Car, selon la justice et la police belges, il devait attendre le verdict de son recours devant la Cour européenne des droits de l'homme contre son extradition vers les États-Unis.

À la recherche de toute personne soupçonnée d'être le complice de Ben Laden, les autorités américaines avaient demandé son extradition. Même s'ils n'avaient aucun élément nouveau pour la justifier, même s'il est illégal de poursuivre quelqu'un deux fois pour le même délit, la justice belge a accepté la demande d'extradition, le ministre De Clerck a signé l'ordonnance d'extradition et son successeur Annemie Turtelboom a fait mettre Trabelsi dans un avion vers une prison américaine en octobre 2013. Cette extradition était illégale. Pour la première fois de son histoire, la Belgique a bafoué un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Après tout, cette Cour avait demandé à plusieurs reprises à la Belgique de ne pas extrader Trabelsi tant qu'il n'y aurait pas eu de décision dans le recours que Trabelsi avait déposé. Et depuis huit ans, Trabelsi est en isolement dans une prison américaine  en attendant son procès. Vingt ans de prison seulement pour un plan !

Malika El Aroud quant à elle a été arrêtée par la police belge le 11 décembre 2008 et condamnée à la peine maximale de huit ans de prison. En raison d'activités terroristes, qui consistaient à inciter au Jihad contre les forces américaines en Afghanistan. Elle a également purgé sa peine jusqu'au dernier jour : elle a été libérée en décembre 2016. Mais là aussi, la peine n'a pas connu de fin. Cette fois, c'était le scénario inverse : personne n'a demandé l'extradition d'El Aroud, mais la Belgique lui a retiré sa nationalité belge et a voulu l'expulser vers le Maroc, le pays de sa seconde nationalité. Le Maroc a – à juste titre – refusé d'accepter Malika El Aroud, une ressortissante belge. Chose qui a rendu Sammy Mahdi fou furieux : « Si cela dépendait de moi, a-t-il déclaré, je la mettrais immédiatement dans un avion pour le Maroc ».

En exécution de la décision de lui retirer la nationalité belge, Malika, aujourd’hui sexagénaire,  a de nouveau été arrêtée le 11 octobre 2018, à peine deux ans après sa libération. Elle a été détenue pendant sept mois au Centre pour immigrés clandestins de Bruges en attendant son expulsion. Elle a ensuite été transférée dans un centre similaire, la Caricole à Zaventem, où elle est restée cinq mois. Elle a ensuite été transférée dans une maison en Flandre occidentale où elle a été assignée à résidence : interdiction de sortir de la commune, obligation de se présenter au commissariat tous les jours entre 9 et 10, couvre-feu nocturne. Elle a reçu des chèques-repas pour son entretien. Cette forme d'emprisonnement a duré jusqu'au 1er mars 2021, jour où un juge « l'a libérée », mais « lui a ordonné de quitter le territoire ». En fait, El Aroud est devenue apatride. Sans papiers d'identité belges, refusée au Maroc, et sans aucun revenu, Malika n'a nulle part où aller. Ma question à M. Mahdi : comment de telles personnes peuvent-elles survivre ? N'est-il pas temps d'enterrer la hache de guerre ?

Amnistie maintenant !

L'accord signé entre les Talibans et les gouvernements américain et afghan en février 2020 prévoit la libération de cinq mille combattants talibans captifs en échange de mille soldats du gouvernement afghan. À la fin de la guerre française contre le FLN algérien, les accords d'Evian (1962) prévoyaient la libération de six mille prisonniers du FLN et une amnistie totale. Les accords de Paris de 1973 entre la résistance vietnamienne et les Américains prévoyaient la libération de tous les prisonniers. Dans le cadre des accords du Vendredi saint de 1998 entre la Résistance irlandaise et le gouvernement britannique, un accord a été conclu pour la libération de 428 prisonniers, dont 143 condamnés à la réclusion à perpétuité.

Avec la fin de la guerre d'Afghanistan en vue, Biden va-t-il fermer le camp de Guantanamo ?

La Belgique exigera-t-elle des États-Unis l’abandon des poursuites contre Nizar Trabelsi  et son retour en Belgique et abandonnera-t-elle sa politique de double peine envers Malika El Aroud ?

 

 



[3] Jane Mayer, The Dark Side, The inside story of how the war on terror turned into a war on American ideals, Doubleday 2008, pg 52

[5] https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_8189.htm

[9] Cité dans Le meurtre de George Floyd, la pandémie des violences policières et son traitement révolutionnaire, Luk Vervaet, Antidote, 2021

samedi 30 janvier 2021

L'histoire d'Ali Aarrass sur Radio Campus (La diaspora chuchotte) première partie


 

A écouter ici 

Stéphane à Lantin , par Marcus


De tout temps il y eut des hommes dont la richesse et le pouvoir étaient le sens de leur vie. 

Il me faut vous raconter l'histoire de Stéphane, citoyen du beau pays de Liège, à sa dégringolade. 

Après avoir réussi brillamment ses études, Stéphane se lance dans la politique. IL eut pour père un certain Daerden, bourgmestre d'Ans, un ministre bon vivant, aimant évidemment la bonne chair et surtout œnologue hors-pair.

 Comme je vous le disais, Stéphane avait tout pour être heureux mais, comme blanchette, il briguait le sommet de la montagne. Arrivé à l'âge adulte, la première chose qu'il fit fut de détrôner celui qui, confiant, l'avait emmené sur les premières marches du pouvoir. Il prit le trône, laissant un tabouret à Papa.  

L'appétit vient en mangeant. Stéphane se changea en ogre en s'accaparant des affaires douteuses, aux côtés d'hommes peu scrupuleux, aidé d'avocats champions de toutes procédures. Comme le semeur, il passait d'un champ à l'autre, ignorant souvent que cette terre n'était pas la sienne et recueillant ensuite au centuple le fruit de son travail dans un mépris total aux propriétaires des terres spoliées. 

Les choses allèrent à bien de son pas diligent (La Fontaine).

Obscurs témoins, devant la passivité de la justice, les journaux finirent par prendre l'affaire en main. Nul ne s'étonna de ces investigations apportées par les journalistes alors qu'elles auraient dû venir du palais de justice. Derrière ses œillères, Stéphane et sa garde d'avocats ne virent arriver le danger ; la calèche d'or se transforma en fourgon cellulaire d'où Stéphane et ses acolytes traversèrent le village de sa gloire passée pour se rendre à Lantin. Nul ne vous dira s'ils firent cette longue route en pleurant.


Lantin ! Ce nom sonne comme le chant des morts, là où finit l'histoire. 

J'imagine Stéphane et sa horde arpentant ce long couloir où se trouvent les salles d'attentes pouvant contenir chacune, plusieurs dizaines d'individus. Nos pandores lui enlèvent les menottes et il entre dans cette grande pièce où des bancs solidement fixés aux murs sont des meubles.

A cette heure tardive, le préposé aux fouilles met des heures à venir car, ici, le temps s'arrête. Stéphane est ensuite conduit à la pièce des fouilles. Un détenu s'empare d'une pile de linge préparé et met cette pile sur le comptoir, il y a des draps, des essuis et puis ces vêtements d'une autre époque qui surgissent comme d'un livre d'histoire. Le cauchemar commence, 

" Déshabillez-vous complètement et prenez cette douche, profitez-en, la suivante sera dans trois jours" crie le préposé. On lui saisit ses bijoux ainsi que son argent pour mettre le tout dans une enveloppe qui rejoindra le coffre du greffe. Stéphane suit le déroulement de la scène complètement résigné ; les interrogatoires l'ont complètement anéanti. 


Ce n'est pas tous les jours qu'un gardien peut conduire un homme d'"affaires" en cellule, d'ailleurs, c'est un gradé qui prendra cette fonction exceptionnelle.  Stéphane aura une cellule propre au niveau 1. Il ne sait pas que pour les autres entrants, faute de place, le cachot est souvent réquisitionné en attente qu'un nouveau duo ou un trio puisse être constitué. Il entre dans son nouvel univers où, sur deux sur trois se trouvent une table, une chaise, une armoire, un WC, un paravent, un lit. Il se demande comment il va évoluer dans un espace aussi restreint ! Ce qu'il ignore, c'est qu'il dispose de privilèges. Il est seul dans une cellule propre. D'autres, dont souvent de très jeunes, croupissent à deux voir plus sur cette surface identique et sale. Quand j'écris identique, je fais une énorme erreur puis qu'il n'y a plus de meubles dans la plupart des cellules, les affiches ont remplacé la couleur des murs, des matelas jonchent le sol parce qu'il n'y a plus de chaises, ...

Il ne saura sans doute jamais ce qu'est une vie à deux ou à trois dans moins de neuf mètres carrés, avec un autre détenu fumeur ou malade, avec un drogué se réveillant au milieu de la nuit en hurlant ou d'une autre personne accrochée au téléviseur à regarder des dessins animés jour et nuit ou mettant à fond le son pour mieux entendre une musique débile. Non, il ne connaîtra l'odeur repoussante de certaines personnes imposées contre son gré, il ne connaîtra non plus la gêne de se laver ou de déféquer à quelques centimètres de "l'autre".

Après vingt-quatre heures passées à cet endroit, il demande déjà son transfert vers une autre prison plus soutenable. L'homme le plus riche de la prison impose et en impose déjà alors qu'il dispose pourtant d'un tout autre régime. 

Je crois qu'il a raison de se battre pour sortir de là. Mais je pense avant tous à ces femmes, ces hommes, à ces jeunes qu'il laisse derrière lui sans réagir et qui eux devront continuer à croupir dans cet enfer. 

Eux n'auront part d'un peu d'humanité de cet homme complètement bouleversé et là, je le maudis. 


      A+ Marcus

vendredi 6 novembre 2020

"Pourquoi, Madame la directrice, plus de quarante détenus se sont suicidés ou morts par overdose au long de ces dix années ?", par Marcus

Je pense, pour situer l'époque que l'événement à dû se produire en 2008 car j'habitais comme Jean-Marc à Liège. 

Celui-ci me demande si je ne pourrais le conduire à Huy pour assister à un congrès de directeurs de prisons ainsi qu'une rencontre avec les hautes personnalités locales pour les dix ans de la prison de Seille ( Andenne ). Des ateliers puis un sandwich étaient prévus à cette occasion . Je n'avais pas trop envie d'y aller, n'aimant guère ces rencontres. Devant son insistance, je finis par céder; ce n'est pas pour rien si un jour, un journaliste a écrit un article sur moi ayant pour titre " L'homme qui ne savait pas dire NON ". 

Nous nous trouvons dans une salle jouxtant la piscine de Huy. Cette salle est bondée, il y a une grosse caméra devant la scène pour rediffuser cette mémorable rencontre. 

Pour la matinée, c'est une directrice de la prison qui présente les projets élaborés au cours de ces dix années. Elle n'est pas " peu fière  " de ce qui a été amené au sein de son établissement et le prouve d'une vidéo où l'on ressent une harmonie entre le personnel pénitentiaire et ses locataires. 


 Lorsque le reportage se termine, toute la salle applaudit. La directrice quitte son siège, signale que Monsieur Delchevalerie ne viendra pas parce que tenu par d'autres impératifs. " Le public peut poser les questions qu'il souhaite sur le sujet, je me ferais une joie d'y répondre ", lance t-elle. Quelques intervenants lancent le débat, puis vint le moment où " Personne n'a plus de question ? ".  

Je ne sais le pourquoi Luk, je me lève et on m'apporte immédiatement un micro, je vois la caméra sur pied s'orienter sur moi, ainsi que tout le public présent dans la salle. Je sens Jean-Marc inquiet sur ce que je vais dire, il me faut assurer. 

Je prends la parole et signale à Madame la directrice que c'est un très beau reportage  qu'elle nous a offert à tous, on y découvre une relation complice entre le personnel et les détenus. " Puis-je vous poser une question à mon tour ? Pourriez-vous nous dire, Madame la Directrice, pourquoi au long de ces dix années, plus de quarante, je dis bien, plus de quarante détenus se sont suicidés ou morts par overdose au sein de votre établissement pénitentiaire ?" 

Un grondement se fait entendre dans la salle, moi, je regarde la réaction de l'interpelée déstabilisée par cette question inattendue, dans ce lieu où évidemment elle attendait la consécration. Elle reste sans voix, je découvre à ce moment-là, la signification de l'éternité. La suite ne m'intéresse plus car elle bégaie une réponse qui n'a plus rien à voir avec ma question, puisqu'elle me répond que c'est à Monsieur Delchevalrie, directeur principal à y répondre. 

Voilà pour l'histoire, il y eut une suite car lors du lunch, un homme vint à ma rencontre se présenta comme étant un des directeur de Lantin et me demanda si j'avais quelque chose à dire sur sa personne ? 

Le fait qu'il me pose cette question est déjà un signe qu'il a quelque chose à se reprocher. Je le regarde droit dans les yeux et lui dit de me laisser manger, que l'on verra dans l'après-midi. 

J'aurais dû me taire, car il disparut.


samedi 31 octobre 2020

Mon carnet de libération conditionnelle, par Marcus

 

Je me souviens très bien de ma première demande de conditionnelle. 

Elle se situe dans les années quatre-vingt et n'a plus rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd'hui, sauf évidemment pour la longueur de la procédure. A cette époque, avant d'introduire cette requête, il fallait au préalable, passer par les congés pénitentiaires. 

Avec mon caractère trempé et l'absence de famille où me rendre, je crus bon de signaler que je ne regrettais rien de mes délits, sinon je ne les aurais pas commis. Que donc, si on me donnait un congé, je ne reviendrais pas ! Mais que j'étais preneur pour une conditionnelle ! L'art de se mettre dans le pétrin. Les mois puis les années s'écoulèrent sans que rien ne bougea. 

Je pris donc la décision de mentir pour sortir de ce trou pourri qu'était la prison de Tournai. 

On m'octroya un congé et évidemment, je pris la tangente en allant passer des vacances aux Canaries. Quelques semaines plus tard ; retour à la case départ ! Cette prison était à l'époque considérée comme le dépotoir de la Belgique, on y mettait tous les " gros problèmes " des autres prisons, les conditionnelles se faisant rares il arriva ce qu'il devait arriver " une mutinerie ". On a tout fait péter, mis le feu, jeter tout par-dessus les galeries, les seaux de merdes suivirent le même chemin puis, nous sommes allés sur les toits de la prison ! Quelle nuit euphorique nous avons  vécu, quelle délivrance aussi ! A l'aube, la brigade spéciale d'intervention débarque, les meneurs sont immédiatement transférés, on me renvoie à Lantin, la prison qui ne voulait plus de ma présence suite à une tentative d'évasion.

Les semaines passent, je n'ai plus rien à attendre sauf que l'assistante sociale m'appelle. " C'est la procédure " me dit-elle.  Je la regarde en train de compulser mon dossier tout en buvant sa tasse de café. Elle finit par me demander si j'ai quelqu'un qui serait prêt à m'engager si j'étais libéré ? " Pour lui répondre, il faudrait d'abord savoir " quand je serais libéré ? " . La veille de mon passage devant " la commission ", on me signale que l'on ne retrouve plus mon dossier !! Deux mois se passent, sans doute plus, la bonne femme me rappelle et me demande si j'ai d'autres perspectives d'avenir ?  Je lui répond que j'ai un frère qui est directeur à l'académie des beaux-arts, que celui pourrait se rendre répondant. La comédie a assez duré. Elle ne me croit pas, se met à rire et décroche le téléphone et joint l'intéressé qui lui dit ne pas me connaître. Elle raccroche et jubile car elle croit qu'elle a raison, termine à retranscrire ces éléments dans le dossier ; je suis remis aux calendriers Grecques alors qu'il n'y a pas une goutte de sang sur mes mains. " Comment les autres parviennent-ils à obtenir une condi alors ? "

Il me reste six mois à faire sur une peine de sept ans. Leur conditionnelle, ils peuvent se la carrer, je vais à fond de peine. Eh bien non ! Une circulaire oblige les moins de six mois à prendre une conditionnelle immédiatement ! On me fout dehors tout en m'obligeant à me rendre tous les mois pendant quatre ans au commissariat du quartier et ensuite chez l'assistante de probation. J'accepte évidemment ce marché.  Il faudrait être fou pour refuser. Je pense que j'aurais pris ces mêmes conditions pour huit jours, pour ne plus rester huit jours dans cet univers sordide. Ne jugez pas, il faut y passer pour savoir. Le pire allait arriver. A part les agences intérim, pour nettoyer les fours ou charger les camions, il y a très peu de bras ouverts dans l'industrie. Mon assistante de probation, voyant que je n'ai pas de travail régulier, me menace de retour à la case prison. La tension est telle que je finis par lui dire qu'elle peut me révoquer et elle me fixe un rendez-vous devant la commission, à la prison de Lantin.  Sachant que j'allais être révoqué je prends quelques affaires. Devant la commission, je parle des difficultés à trouver un emplois stable à notre époque, quand à prendre une formation en langues étrangères demandée par mon assistante de probation, cela m'est impossible car il faut pour moi, être bien dans sa tête ou avoir une famille. Ce  sont les arguments que j'expose en sachant que je parle à un mur, que toute bataille est inutile, parce que je les connais ces juges, en fait, je ne connais qu'eux. Tu sais quoi Luk, ils m'ont LIBERÉ !!!  Sur la photo, la photocopie de mon carnet de conditionnelle avec les cachets du commissariat et les attestations de passage chez l'assistante de probation.


 


Réflexions sur un gâchis 

En réfléchissant un peu sur ce texte , on se rend vite compte que l'on se trouve devant l'absurdité de l'administration. Dans un premier temps, on me refuse à cette commission parce que je dois  obligatoirement passer par des congés. Pour prendre ces congés , c'est facile lorsqu'il y a la famille ou de l'argent. Avec le nombre d'années effectuées , je t'affirme que neuf détenus sur dix n'ont pas cinquante euros pour prendre ce congé. Voir venir l'incitation au délit n'est pas du domaine du visionnaire mais un fait inéluctable, au grand dam de ces fonctionnaires moralisateurs ! 

Nous venons ensuite à cette fameuse conditionnelle où l'assistante te demande un certificat d'embauche alors qu'il n'y a pas de date de sortie. L'administration te répondra que les congés ont été créés pour cela. Comme si l'employeur t'attendait depuis toujours ! 

Tu as ensuite remarqué qu'à quelques mois de ta libération, cette administration se rend compte que si elle ne fait rien, tu leur échappes et, en quelques jours, voire quelques heures elle trouve des solutions. 

Dernier élément, l'assistante de probation qui doit fournir des résultats ou du moins justifier sa présence et son salaire, je regrette de revenir à mon cas mais, je te pose la question: " Est-il possible d'apprendre une langue et de suivre un cours de langue alors que l'on se trouve sans travail, sans famille, chez des amis qui vous ont tendu la main ? " Je t'ai écrit que, lors de la révocation, la commission avait remanié mes obligations, ce que je n'ai pas abordé, c'est que cela c'est déroulé des années après cette sortie et toutes ces contraintes pour une peine de sept mois sur sept ans ! 

Aujourd'hui , tu sais ce que je fais. Je ne pense pas un seul instant que toute cette administration m'a amené à cette place. Je suis cependant certain qu'elle aurait pu le faire si elle s'était prise tout autrement, avec un peu d'humanité. C'est là, qu'il doit y avoir du changement, tu le sais. J'arrête car je m'énerve devant tout ce gâchis et ces années perdues. 


samedi 3 octobre 2020

Zoom sur "Face au juge": l'émission qui cartonne sur RTL, par Marcus


(photo RTL play) Durant six semaines, chaque dimanche, Julie Denayer s'est invitée sur nos petits écrans pour nous présenter la troisième saison de "Face au juge" sur RTL, nous plongeant au coeur des tribunaux de Bruxelles, Charleroi et Visé. Cette nouvelle saison, qui s'est terminée dimanche dernier, a battu tous les records ..

L'émission que vous animiez  est maintenant bien loin, ce qui me permet ce soir de donner mon avis .

Je ne vous cacherai pas que souvent, je me sentais mal à l'aise au vu des protagonistes mis sur la sellette . Mal à l'aise, par l'inculture qu'ils affichaient face aux juges érudits appelés à les condamner. Le spectacle était omniprésent, l'affaire était dans la boîte ou plutôt emprisonné, le public peut maintenant dormir sur ses deux oreilles.  

Je suppose, compte tenu du succès, qu'on recommencera l'année prochaine !

Je pense qu'avant d'être présentatrice, vous êtes avant tout une journaliste et je me dis que ce petit bout de femme va aller plus loin, beaucoup plus loin pour voir les choses enfin changées. 

Je me dois de vous dire que j'ai fait plus de vingt ans de prison, mes délits n'intéresseront personne et ce n'est donc pas le sujet. 

Non, le sujet, se sont les personnages que j'y ai rencontrés; je me souviens du patron d'Interagri, du directeur de la SMAP, des deux patrons du recyclage d'Herstal, du patron des thermes de Chaudfontaine ... La liste est évidemment très, très longue. Ces personnages n'ont fait que quelques mois, voire quelques jours de prison. Il y en eut d'autres, beaucoup plus nombreux, qui, grâce à des procédures et de bon avocats évitèrent ce passage. 

A côté de chez moi vivait une personne qui détourna plus d'un milliard aux handicapés. Vivait, car aujourd'hui parti, laissant à ses héritiers les sommes colossales détournées. Dans les gros œuvres on n'oubliera pas le milliardaire qui dévalisa la sidérurgie Wallonne et qui fit des ravages jusqu'en Amazonie, également parti vers l'enfer j'espère. 

Vous avez développé la partie de l'iceberg ou siégeaient les pingouins et les otaries ; les ours auraient-ils droit au repos éternel ? Serait-il possible pour vous de demander aux juges que vous avez rencontrés, les motivations qui les poussent vers ces hommes perdus et souvent incultes plutôt qu'à ces monstres adulés de notre société ? 

Sur le site " écrire à Christophe Barratier " se trouve une nouvelle qui s'intitule " Le monstre de la cathédrale ". Il y a d'autres nouvelles que je vous invite à lire sur ce site car, on est ardemment occupé à construire de nouvelles prisons , " qui ira " ne fait pas de doute  . 

Avec abnégation je vais devoir continuer à témoigner dans vos écoles et vos universités, des congrès, je sais qu'un jour les choses changeront . 

A+ Marcus



mardi 21 avril 2020

(Fr/ENGL) Cinquante-quatre personnalités de quatorze pays européens lancent un appel pour une amnistie immédiate, responsable et solidaire. (texte + liste des signataires)


Madame la Présidente de la Commission européenne,
Monsieur le Président du Conseil européen,
Monsieur le Président du Parlement européen,

La pandémie de Covid-19 frappe aujourd’hui les deux tiers de la planète. L’Europe paie un prix effrayant en termes de vies humaines. Il est admis désormais que la seule solution pour éviter la propagation locale de la maladie réside dans l’évitement des personnes, qui consiste à prohiber tout contact avec autrui.

C’est, avec les tests et évidemment les soins, ce que préconise l’Organisation mondiale de la santé. Mais ces mesures sont clairement sans effet dans les lieux où règnent par nature la promiscuité et le dénuement. 
Tel est le cas des lieux de privation de liberté : personnes détenues entassées dans des prisons indignes, étrangers en situation irrégulière internés dans l’attente d’aléatoires retours forcés. 
Tel est le cas aussi des migrants fuyant des zones de guerre contraints à se réfugier dans des camps recevant parfois des dizaines de milliers de personnes sans mesures de protection élémentaires.

Cette double angoisse, qui s’applique aux personnes privées de liberté comme à ceux qui en ont la charge, est d’ores et déjà relayée par de nombreuses organisations régionales et par des ONG. 
Des médecins, des avocats, des magistrats, des citoyens, partout en Europe et dans le monde, s’inquiètent des conséquences de la pandémie vis-à-vis de ceux qui sont enfermés et vis-à-vis des personnels, dans une promiscuité qui les surexpose au virus, par conséquent à des formes plus ou moins graves de la maladie, et ceci encore plus lorsque les lieux sont surpeuplés.

Parmi les réponses possibles à une telle situation, en particulier dans les lieux de captivité, la première urgence serait de décréter, en raison de l’urgence sanitaire, une amnistie immédiate, responsable et solidaire, pour protéger, parmi celles et ceux qui sont privés de leur liberté les plus vulnérables, notamment les femmes enceintes, les plus âgés, les enfants, les handicapés….

En outre, de manière concertée, des solutions massives d’alternatives à la privation de liberté doivent être mises en place. De telles solutions ont été mises en oeuvre dans d’autres parties du monde.

Il en va de notre humanité.

De notre aptitude à nous emparer aujourd’hui de réponses efficaces à cette situation au nom de l’exigence sanitaire, dépend demain notre capacité collective à le faire au nom de l’urgence climatique.

C’est pourquoi, nous vous invitons instamment à demander dans les plus brefs délais aux États membres de décider selon le droit en vigueur de larges mesures d’amnistie dont les principes, définis en commun dans l’Union européenne, reposeront sur nos valeurs communes, et en premier lieu la Charte des droits fondamentaux qui dans son article premier proclame que « La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée. »

Soyons exemplaires. La pandémie, qui frappe aujourd’hui lourdement notre Europe, appellera demain l’ensemble des Nations à aller dans cette même direction.

(English)

Open Letter to the Presidents of the European Institutions:
Appeal for an immediate amnesty

President of the European Commission,
President of the European Council,
President of the European Parliament,


Two-thirds of the planet is hit by the COVID-19 pandemic. Europe is paying a frightening price in terms of human lives. It is now recognized that the only solution to avoid the further local spreading of the disease lies in social distancing measures, prohibiting physical contact with others.

This, along with testing and of course health care, is what the World Health Organization advocates. But these measures are clearly ineffective in places governed by the deprivation of liberty: detained persons crammed in unworthy prisons and illegal immigrants detained while awaiting random forced returns. It is also the case for migrants fleeing war zones, who are forced to take refuge in camps sometimes hosting tens of thousands of people
without any basic protection mechanisms.
This double agony, which applies to the persons deprived of their liberty as well as to those in charge, has already been denounced by many regional organizations and NGOs.
Doctors, lawyers, magistrates, citizens, all over Europe and around the world, worry about the consequences of the pandemic vis-à-vis those who are locked up and the staff charged with guarding them, in a situation of overexposure to the virus and consequently to more or less serious forms of the disease, and such even more in cases of overcrowding.

Among the possible responses to the current health emergency, particularly in places of captivity, the first urgent measure would be to decree in a united fashion an immediate and responsible amnesty to protect among those deprived of their liberty the most vulnerable, in particular pregnant women, the elderly, children, the disabled, and so on.

Moreover, in a concerted manner, massive solutions to deprivation of liberty must be implemented, as has been done in other parts of the world.
Our humanity is at stake. From our collective ability to implement effective responses to today's health emergency depends our capacity to do so tomorrow regarding climate change.

This is why we urge you to ask the Member States to decide as soon as possible on broad amnesty measures, possible under existing laws, the principles of which are based on the common values of the European Union, and in particular of the Charter of Fundamental Rights of the European Union which proclaims in its first article that "Human dignity is inviolable. It must be respected and protected."

Let us set an example! The pandemic hitting Europe today, will call on all nations to move in the same direction tomorrow.

Contact: amnistia.covid19@gmail.com

LISTE DES SIGNATAIRES


Elisabetta Zamparutti (Italie), ancien membre du Parlement, Association « Ne touches pas à Caïn »
Jean-Marie Delarue (France), ancien Contrôleur général des lieux de privation de liberté (French NPM)
Vincent Delbos (France), magistrat, ancien membre du mécanisme national de Prévention (CGLPL),
Mairead Corrigan Maguire (United Kingdom), Nobel Peace Prix 1976
Jean-Paul Costa, (France) ancien président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme
Bruno Cotte, (France) ancien président de chambre à la Cour pénale internationale
Alvares Gil Robles, (Espagne) premier Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe
Pascal Lamy (France), ancien Commissaire européen, President emeritius Institut Jacques Delors.
Nils Muiznieks (Lettonie) ancien Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe
Françoise Tulkens, (Belgique) ancienne vice-présidente de la Cour européenne des droits de l’homme
Petr Uhl, (République tchèque), signataire de la Charte 77, fondateur de VONS, Prix Charlemagne 2008
Nikolaos Paraskevopoulos (Grèce) prof. émérite de droit pénal, ancien Ministre de Justice
Vania Costa Ramos (Portugal), Chair of Forum Penal - Criminal Lawyers' Association, Portugal, and Vice-President of the European Criminal Bar Association
Rita Bernardini (Italy), President of Hands off Cain
Ingrid Betancourt (France), femme politique, écrivain,
Athanassia Anagnostopoulou, (Grèce) députée, ancienne Ministre des affaires européennes ; professeur d'Hisoire Université Panteion,
Nick Hardwick (United Kingdom),HM Chief Inspector of Prisons and Chair UK NPM 2010-2016
Sergio d’Elia (Italy), Secretary of Hands off Cain,
Arta Mandro (Albania), professor at the Albanian School of Magistrates and writer,
Jean Pierre Restellini (Suisse), ancien Président du Mécanisme National de prévention (MNP) de Suisse
Mireille Delmas-Marty (France), Professeure honoraire au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences Morales et politiques,
Anna Šabatová (Czech Republic), former Czech ombudswoman, spokeperson and signatory of the Chart 77,
Maurizio Bolognetti (Italie), Conseiller general du Parti Radical, en grève de la faim pour l'amnistie
Carlos Pinto de Abreu (Portugal), Lawyer and former Chair of the Human Rights Committee of the Portuguese Bar Association
Eftychis Fytrakis, (Grèce), docteur en droit pénal, chercheur auprès le Médiateur de la République, ancien Secrétaire Général de Politique Criminelle
Giorgio Spagher (Italy), Professor of criminal procedure and former President of the national conference of deans and chief department of Law universities,
Philippe Mary (Belgique) professeur ordinaire à la faculté de droit et de criminologie de l'Université libre de Bruxelles
Sophia Vidali, (Grèce) prof. de Criminologie, Université Democritus, membre du SPT,
Tullio Padovani (Italy), Professor of Penal Law, High School of Sant'Anna Pisa,
Marie Lukasova, (Czech Republic) Lawyer 
Contact: amnistia.covid19@gmail.com
Pau Perez Sales (Espagne) Psychiatrist. Technical advisor NPM Editor-in-Chief Torture Journal.
Florence Morlighem (France), députée
Nico Hirsch (Luxembourg) Former Deputy Director General of the Grand Ducal Police
Marc Nève, (Belgique) Président du Conseil central de surveillance pénitentiaire
Irene Testa (Italie) Trésorière du Parti Radical
Régis Bergonzi (Monaco) Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Monaco
Maria Rita Morganti (San Marino), social services,
José Igreja Matos, (Portugal) Judge at the Court of Appeal
Cécile Dangles, (France), magistrate, présidente de l’association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP)
Andrea Pugiotto (Italy), Professor of Constitutional Law, University of Ferrara,
Hans Wolff, (Suisse), médecin, professeur de médecine pénitentiaire
Don Vicenzo Russo (Italie) Chapelain de la prison de Sollicciano (Florence)
Maurizio Turco (Italie) Secrétaire du Parti Radical
Ersi Bozheku (Albania), Professor of penal Law, University La Sapienza,
Germano Marques da Silva, (Portugal) Full Professor of the Portuguese Catholic University Cathédratique
Pasquale Bronzo (Italy) Professor of criminal procedure, Università La Sapienza.
Iphigenie Kamtsidou, (Grèce) prof. de Droit Constitutionnel, Université Aristote, membre du Comité National pour les droits de l'homme, ancienne président du Centre National d'Administration Publique
André Gattolin, (France), Sénateur
Dr Sharon Shalev (United Kingdom), Centre for Criminology, Oxford University & SolitaryConfinement.org
Roberto Rampi (Italie), sénateur
Giorgos Angelopoulos, (Grèce) prof. assistant d'Anthropologie sociale Université Aristote, ancien Secrétaire Général d'Education Nationale de Grèce ;
Roberto Giachetti (Italie), sénateur
Vincent Asselineau, président de l’association européenne des avocats pénalistes Bruxelles
Nikolaos Koulouris (Grèce), professeur assistant de criminologie, Université Democritus


dimanche 5 avril 2020

Vivre le coronavirus dans une prison marocaine est une véritable calamité, par Marie-Jo Fressard (Solidmar)


Marie-Jo Fressard, au centre,
 avec Khadija Ryadi
 et Luk Vervaet 
Vivre une épidémie en prison est une très difficile épreuve, vivre le coronavirus dans une prison marocaine est une véritable calamité.

Devant l’incroyable vitesse de propagation de la pandémie et les dizaines, voire centaine de milliers de morts dans le monde depuis le début de l'année, des appels urgents ont été lancés par d'importants organismes comme celui de Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU  qui demande la libération urgente de certaines catégories  de détenus pour éviter que la pandémie de Covid-19 ne fasse des "ravages" dans les prisons et au de- là ; par la Croix Rouge, et par de nombreuses ONG nationales et internationales.

Des États ont déjà décidé de libérer des détenus , en particulier des prisonniers d'opinion et des prisonniers politiques, considérés comme  moins dangereux pour la société, alors qu’en engorgeant les lieux de détention, ils participent à la propagation du virus, mettant en péril la santé et la vie des prisonniers de droit commun, et celle du personnel pénitentiaire qui pourraient à leur tour, propager le virus en ou hors de prison.

Luk Vervaet, ancien enseignant dans les prisons en Belgique, a lancé dès le 13 mars un appel urgent : « Les mesures prises contre le coronavirus au niveau de toute la société nous rapprochent tous du vécu des personnes détenues dans les lieux fermés : les prisons, les centres de détention pour réfugiés ou les hôpitaux psychiatriques. Cette crise nous apprend en même temps que nous avons créé des formes et des conditions de détention pour les exclus de notre société, qui sont déjà inacceptables en temps normal, mais qui, lors d’une crise comme on la connaît aujourd’hui, ne permettent pas d’assurer la santé des personnes détenues. Ce qui menace à son tour la santé publique au sein de la société dans son ensemble.
Nous savons tous que des milliers de personnes détenues sont aujourd’hui obligées de vivre les unes sur les autres et qu’ils n’ont qu’un accès limité aux soins et aux produits d’hygiène. Aujourd’hui, pour faire face à la crise corona, les autorités prennent des mesures supplémentaires d’isolement, dont l’interdiction des visites des familles ou l’annulation des cours et d’autres activités, déjà extrêmement rares en temps normal. La réaction de désespoir et de révolte contre cet isolement renforcé ne s’est pas fait attendre. » 

Les prisons du Maroc

 Le régime marocain bat des records en nombre de prisonniers par rapport à ses voisins. Par exemple en Espagne, où avec une population de 46,8 millions d'habitants, soit 10 millions de plus qu'au Maroc, il y a 27 250 prisonniers de moins qu'au Maroc.

Les conditions de vie des détenus y sont déplorables. Des ONG marocaines et d'autres pays ont demandé depuis des années la libération de prisonniers politiques et d'opinions, qui sont plus d'un millier dans des prisons surpeuplées du Maroc. 

Première ONG à réagir, l’ASDHOM titre son article : « Libérez tous les prisonniers politiques et d’opinion au Maroc»,  dont font partie ceux du Hirak du Rif (et de  Jerada). L'AMDH   considère que «le moment difficile que traverse aujourd’hui l’humanité toute entière et le Maroc en particulier, peut être celui d'une détente démocratique qui met fin aux violations des droits humains et ouvre la voie vers un État démocratique et respectueux des libertés, et que les autorités marocaines fassent preuve d'intelligence et de sérieux dans le traitement de ce dossier.» Nous l'espérons tous !

Plus récemment, selon le journaliste d'investigation Hicham Mansouri, dans l’espoir de lancer une nouvelle trajectoire pour «la réconciliation nationale » et d’alléger la surpopulation des prisons, une pétition lancée par des militants des droits humains a appelé à « libérer tous les prisonniers politiques et les prisonniers d’opinion, ainsi que les prisonniers des mouvements sociaux, y compris ceux du mouvement du Rif ». La libération des  mères, des personnes âgées et des malades est également demandée. Seul progrès notable jusque-là est la suspension de la tradition du baisemain à Sa Majesté, un protocole jugé par nombre d’activistes « révolu » et « humiliant »... et risqué pour sa majesté. Cette crise a également montré la fragilité des services publics et l’erreur qu’a été la marginalisation de secteurs vitaux jugés non rentables, comme la santé ou l’enseignement. « Le régime a continué à miser sur la sécurité, à tel point que c’est aujourd’hui le ministère de l’intérieur qui contrôle les autres ministères. », a commenté son ami Maâti Monjib.(...) Le haut-commissaire à la planification Ahmed Halimi estime que la crise a prouvé l’échec cuisant du néolibéralisme sauvage, qui a tenté de faire croire que le marché et le secteur privé pouvaient tout assurer. L’année 2020 sera la pire pour l’économie marocaine depuis 1999 » « Le retour à l’État social s’impose.

Que fait le Maroc pour lutter contre l’engorgement de ses prisons surpeuplées ?

Alors que l'Egypte, l'Algérie, la Birmanie, les USA, le Nicaragua, la Colombie, le Burundi, la RDC, et d'autres pays désengorgent leurs prisons, le Maroc a pris comme mesure pour aérer les geôles ...d'alterner les ateliers par demi-journées, pour les prisons qui en sont pourvues.

Les conditions d'emprisonnement et de travail des médecins et du personnel y sont déplorables. Ayour Anoual, médecin marocain, publie sur Internet son cri de désespoir (extraits) :

« Ce matin je me prépare à assurer une garde, avec mon avant dernier masque...A ce jour , le 27 mars, 11 médecins sont atteints au Maroc, sans compter ceux qui ne sont pas testés ! Contrairement aux policiers, nous n’avons pas de masques mis à notre disposition. Nous sommes peut- être infectés et l’examen clinique nous oblige à être tout près du malade. Pourquoi n’avons nous pas droit à des tests lorsque nous avons des symptômes ??? Certains médecins et paramédicaux ont demandé des hôtels, pas pour le luxe mais pour que le personnel soignant ne contamine pas leurs familles. Plusieurs médecins présentant des symptômes inquiétants se sont vus refuser le test alors qu’un ministre a été testé et mis sous tous les traitements sans signe de gravité!!! Pas le médecin qui s’est occupé de lui !
Dans l’intérêt de tous, demandons à avoir de quoi nous protéger et à être dépistés et isolés si nous sommes positifs !
Trop c’est trop!!! »

Le 31 mars, Reda Mouhsine journaliste de www.h24info pose enfin la question : Coronavirus: qu’attend le Maroc pour désengorger les prisons?

Photo Bladi.net 2017 DR 
On sait que la situation carcérale dans le royaume est pourtant alarmante. Le taux d’occupation des prisons dépasse les 300% et le pays ne compte que 82 établissements pénitentiaires pour plus de 80.000 détenus. Les appels à libérer certaines catégories de prisonniers se sont pourtant multipliés ces derniers jours, à l’instar de celui publié par l’Observatoire marocain des prisons (OMP) qui estime qu’il est urgent de libérer plusieurs détenus, compte tenu de la «vulnérabilité des populations carcérales de par leur confinement et leur promiscuité, aggravée par la carence criante d’infrastructures et de personnels soignants dans les établissements pénitentiaires».

L’OMP recommande notamment de libérer immédiatement les détenus devant sortir en mars 2020, de libérer les mineurs en attente de procès, de libérer les personnes âgées de plus de 65 ans ou encore de libérer les prisonniers d’opinion et les militants pacifiques. Cet appel a été partagé par plusieurs acteurs de la société civile marocaine.

L’ancienne présidente de l’AMDH, Khadija Riyadi ne cache pas son inquiétude. «Les conditions d’incarcération sont très mauvaises. Nos prisons sont surpeuplées. Nous soutenons à 100% les recommandations émises par l’OMP et nous estimons qu’il faut absolument donner la priorité aux prisonniers politiques et aux prisonniers d’opinion». Ce sont des milliers de détenus que le Maroc devrait libérer, d’autant que «la moitié des prisonniers sont des détenus en attente de jugement.»

Le Maroc va s'inspirer des autres pays pour imposer à la société certaines règles pour faire respecter le confinement. Il va même jusqu'à envoyer dans les rues les forces de l'ordre et des blindés «pour rassurer et dissuader les désobéissances». Mais il n'est toujours pas question de désengorger les prisons.

Selon Maâti Monjib « Sur le plan théologique, pour le Marocain, Dieu ne saurait se mettre en colère contre un peuple croyant, mais uniquement contre les tyrans qui ne respectent pas la religion, la justice et la volonté divine. Et dans un pays où la majorité écrasante croit profondément que la volonté divine est au-dessus de celle du roi et des autorités, « cela ne peut qu’affaiblir la légitimité religieuse du régime ». Car « selon la mentalité dominante, si l’autorité est bonne et qu’elle suit le chemin de Dieu, de telles choses qui menaceraient l’existence des musulmans ne sauraient advenir ».

Devant la précarité des infrastructures et des services sanitaires, se tourner vers Dieu reste pour beaucoup le seul refuge. À Tanger, à Tétouan (nord du pays) et à Fès, des habitants ont ainsi scandé : « Dieu est grand, et Il est le seul capable de nous aider ! » (
Hicham Mansouri  Orient xxi : «Le roi, le coronavirus et "la volonté divine»)

Être Sahraoui en prison marocaine, à l’est ou à l’ouest du mur

Depuis 1975, année de l’annexion du Sahara Occidental par le Maroc, les familles sahraouies sont séparées. Une partie de la population a fui les chars et les bombardements au napalm pour se réfugier en Algérie, dans la région proche de Tindouf. Les autres sont restés dans leur pays. Après cette occupation illégale, le Maroc, aidé par la France et Israël, a érigé un mur de 2700 km destiné à protéger ses précieux bien pillés sur terre et en mer sahraouies.

À l’ouest du mur, dans “les territoires occupés ” par le Maroc, les emprisonnements sont presque journaliers, basés sur des “ aveux” arrachés sous la torture .

À l’est du mur, dans les “ territoires libérés” par le Polisario, et en Algérie dans la région désertique de Tindouf, les réfugiés se sont installés “provisoirement”, pour déjà 45 ans de vie précaire, mais de jouir de la liberté.

Toujours séparés par le mur, les Sahraouis vont vivre le coronavirus de manière très différente.

Le 22 mars 2020 Brahim Ghali, le président de la République du Sahara Occidental a attiré l'attention du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, sur la situation dangereuse dans laquelle se trouvent les prisonniers civils sahraouis en prisons marocaines, appelant l'ONU à intervenir d'urgence pour les libérer immédiatement afin d'éviter une tragédie humanitaire dans les prisons, compte tenu de la propagation du nouveau coronavirus.

L'absence de conditions sanitaires dans ces prisons marocaines surpeuplées avait déjà entraîné de nombreux désagrément pour la santé de ces détenus sahraouis, ce qui laisse présager « des conséquences désastreuses imminentes » avec les risques d'infections par le coronavirus.

Ces prisonniers civils sahraouis sont emprisonnés pour avoir réclamé leur droit à l'autodétermination et à l'indépendance, un droit garanti par la Charte et les résolutions des Nations Unies, mais non accepté par l’occupant : procès militaires, répression violente, tortures, pillages des biens et expulsions loin de leurs familles. « Au fur et à mesure que l'épidémie de Corona se propage, les maintenir dans ces conditions est carrément du terrorisme et une action irresponsable ; la communauté internationale ne peut rester indifférente à un tel mépris de la vie humaine ».

Dans son rapport annuel de 2019 sur les droits de l'Homme, l’ONG américaine HRW a rappelé  « la détention continue de 23 Sahraouis par le Maroc après avoir été condamnés à la suite de procès inéquitables en 2013 et 2017 sur la base d'aveux forcés, sans enquête sérieuse sur leur torture physique dans les postes de police et de la gendarmerie, après les affrontements qui ont éclaté suite au démantèlement violent et sanglant par les autorités marocaines du camp de protestation Gdeim Izik près d'El-Ayoun occupée, en 2010 ».

Ensemble, nous résisterons 

Le 31 mars, des Sahraouis lancent une campagne de solidarité avec l'Espagne, l'Italie et l'Algérie : « Ensemble, nous résisterons » en solidarité avec ses voisins espagnol, italien et algérien, touchés par la pandémie de coronavirus, pour remercier du soutien reçu durant les quatre dernières décennies d'occupation. 
« Nous parlons d'expérience, nous avons pratiquement vécu dans une sorte de quarantaine depuis 45 ans et ça continue à ce jour », déclare à Efe son co-fondateur, Mohamedsalem Werad, du camp de réfugiés de Smara, dans la région désertique algérienne de Tindouf.

Il rappelle comment les peuples d'Espagne et d'Italie ont apporté leur aide depuis l'occupation marocaine en 1975, en accueillant des centaines d'enfants chaque été et en envoyant des caravanes médicales et de l'aide humanitaire. En outre, ils n'oublient pas le rôle de l'Algérie, qui a accueilli la moitié de la population sahraouie, à laquelle elle a offert une protection internationale.

Jusqu'à présent, les autorités sahraouies affirment qu'il n'y a pas eu de cas positifs ni même de soupçons de contagion dans les camps, bien que 21 personnes soient en quarantaine préventive après être rentrées d'autres pays.

Préoccupé par les effets de l'épidémie, le Front Polisario a ordonné le bouclage du périmètre avec l'Algérie le 19 mars, la fermeture de toutes les communications terrestres et aériennes, la fermeture des espaces publics, la suspension de toutes les manifestations sociales, culturelles et sportives ; il a limité les déplacements entre les camps et a renforcé les mesures de surveillance sanitaire et de prévention.

Le conflit dans l'ancienne colonie espagnole du Sahara occidental a commencé à l'automne 1975 lorsque les troupes marocaines ont profité de la faiblesse de la fin de la dictature franquiste pour prendre le contrôle du territoire. L'occupation a déclenché une guerre avec le Maroc impliquant la Mauritanie, qui a été suspendue en 1991, lorsqu'un cessez-le-feu a été déclaré et qu'un référendum sur l'autodétermination supervisé par l'ONU a été convenu.

Depuis lors, Rabat et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), reconnue par l'Union africaine, se battent pour la mise en œuvre du référendum, s’affrontant sur la questions des listes électorales. 


Dans l'intérêt de tous, militants des droits de l'Homme ou non, pour tenter d'étouffer le virus, les prisons devraient être vidées au maximum. 

Les militants du Hirak du Rif purgent des peines de de 2 à 20 ans pour avoir exprimé leur besoin urgent d'hôpital, d'université, ou tout simplement d'emploi, ce qui bien sûr, ne représente aucun danger pour leurs compatriotes, qui ont les mêmes revendications depuis des années. Et il faudrait libérer en priorité les nombreux enfants prisonniers rifains, parfois âgés à peine de plus  de 10 ans, pour avoir suivi les manifestations des ainés, internés pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois ou même plusieurs années pour des adolescents, humiliés, torturés.

 Il faut aussi libérer d'urgence les prisonniers politiques sahraouis, en prisons marocaines dans des conditions effroyables pour avoir demandé que soit organisé le référendum d'autodétermination que le Maroc leur refuse. Des peines de prison allant de deux ans à la perpétuité. 

De nombreux militants marocains, eux aussi arrêtés et torturés pour avouer des crimes et être désignés comme "droits communs" :  des jeunes du Mouvement du 20 février 2011, réclamant la démocratie et la justice sociale, qui côtoient tant de compatriotes qui, eux aussi réclament la justice sociale, la grande absente du "plus beau pays du monde " !


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Marie Jo Fressard
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