mercredi 27 juin 2018

Les enfants de l'ombre, par Maité Lønne

 Si l'ombre est une absence de lumière, les enfants en sont l'opposé.   En 1989, le monde s'engage auprès de  ses petits.  
L’idée de l'innocence immaculée protégée par la Convention Internationale des Droits des Enfants, nous soulage un temps donné.  
Mais qu’en est-il de son application véritable? Est- il encore possible de bafouer des Droits élémentaires dans nos pays industrialisés? 
La réponse soulignée par le cabinet du Délégué général aux droits de l'enfant, est oui. Tant que nos lois ne seront pas adaptées en fonction des chartes relatives aux Droits de l'Homme, les règlements institutionnels continueront à malmener nos bambins et nos reclus. 

Si infans signifie « celui qui ne parle pas », ceux que l'on nomme les enfants de l'ombre, portent leurs voix à travers les acteurs du Relais enfants – parents, qu'ils nomment leurs « anges gardiens ». 

Ce jeudi 21 juin 2018, l'asbl s'est adressée au parlement Bruxellois.  Fortes d'une expertise redoutable, Stefania Perrini et son équipe témoignent des difficultés quotidiennes qui heurtent le bon fonctionnement d'une équipe passionnée et soulèvent une  problématique d'une importance capitale : les conditions de détention ne favorisent pas le maintien du lien familial et causent des fractures avec la réalité.  
Les répercussions d'une arrestation violente laissent de profonds stigmates sur le (psyché) psychisme d'un enfant, confronté au néant.  Décousue, la famille nucléaire ne tient plus qu'à la volonté et au fantasme. Des parents empêchés d'exercer leur rôle,  demeurent pourtant de  simples citoyens uniquement privés de liberté de mouvements. Pris en otages malgré eux, les petits payent le prix d'une politique sécuritaire exacerbée.

La grève est certes un droit fondamental, mais en aucun cas un droit absolu. Si la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres, le droit individuel dont dispose chaque travailleur se délimite à l'identique. Le service minimum réclamé dans nos prisons en temps de grève, ne peut être interprété comme étant une entrave à ce droit fondamental, mais bien un appel à l'humanité et à l'application des Droits des Enfants et des Droits de l'Homme, qui sont eux, absolus. Peut-on accepter que la dignité humaine  soit ignorée pour servir les revendications des uns et le désaccord des autres ?

Visites familiales supprimées, manque de sécurité pour les enfants lorsqu' elles sont assurées, violences multiples, manque d'hygiène, atteinte à la santé mentale et psychique, familles démunies face à un système qui ne les considère que peu et suicides fréquents, sont le lot quotidien d'un public ignoré. 

Voilà plus d'une cinquantaine d'années que nos prisons font grève pour des raisons similaires. Le changement peine à venir.  Aujourd’hui, une résolution a été déposée sur la table de nos politiques. Espérons que des actes concrets puissent enfin se manifester autour du système pénitentiaire et des 20.000 enfants concernés par l'incarcération d'au moins un parent. 

Le Conseil de l'Europe et le Comité des Ministres aux États membres, considèrent que les besoins spéciaux des enfants et de leurs parents détenus, devraient être pris en compte de manière à leur offrir des possibilités comparables à celles dont bénéficient les autres enfants et parents. Evitant ainsi de créer stigmatisation, discrimination et blessures irréversibles, des dispositions  doivent être prises en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et du lien existant avec son parent. Une thématique peut être abordée  puisque peu porteuse électoralement. 
A quand un système qui cesse de cloisonner et de compartimenter, au détriment d'une société unie et concernée, à l'instar des pays nordiques ? Quelle est notre réelle volonté pour notre société de demain ?

                                                                                                        Maïté Lønne  est éducatrice et conférencière, femme de détenu et auteure du livre "Une fenêtre entre deux murs" aux éditions Du Rapois. 






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