lundi 7 septembre 2020

L' ostracisme dans toute sa splendeur, par Marcus

(photo, Marcus à la manifestation à Tongres pour une prison musée, contre une prison pour jeunes)

" Ostracisme ", ce mot figure en bonne place au " Larousse " mais, est-il possible que cela puisse encore exister de nos jours ?

Pour avoir vécu cette aventure, je vous répondrais que c'est possible et vais vous donner quelques exemples qui demeurent encore vérifiables aujourd'hui.

Dans le premier exemple, je vous dirais que je n'avais pas imaginé l'ampleur que l'affaire allait prendre, mais abordons d'abord l'histoire ; elle se déroule dans les années quatre-vingt, je suis sous mandat d'arrêt pour avoir fourni de l'aide à des personnes en cavales. Rien d'étonnant dès lors, qu'un détenu vienne me voir à la promenade sauf peut-être qu'il me demande à s'évader de la prison de Lantin où nous nous trouvons tous les deux.

Je vous passe les détails, toujours est-il qu'un dimanche matin, je le frappe dans l'escalier du préau, les gardiens l'emmènent à l'hôpital, cependant que je suis pris à parti des autres détenus ainsi que des gardiens pour cet acte odieux perpétré. Je sens que ma vie à ce moment est en grave danger, les insultes viennent de toutes parts. Je reste muet devant toute cette haine à mon encontre, ne pensant qu'à une chose " A-t-il réussi, a-t-il réussi ", car vous l'aurez deviné, il s'agissait d'un plan.... Une heure plus tard, je suis sous bonne garde dans le bureau du directeur. L'homme a été repris et, après quelques gifles, s'est mis à table et m'accuse !!! Dans sa déclaration, c'est tout juste si ce n'est pas moi qui l'ai obligé à s'évader.

Après quelques années, mon dossier vient sur la table en vue d'une libération sous conditions. Devant cette commission je déclare ne rien regretté et prêt à recommencer car, avec toutes ces années (orphelinat, prison...) ma vie a pris un sens. Le dossier est mis de côté, j'apprends aussi qu'il a disparu, puis vient une rencontre mémorable avec une assistante sociale à qui je confie que mon frère m'aidera à ma sortie car il est directeur à l'académie des beaux-arts de Liège. L'assistante sociale ne croit pas du tout à cette version et téléphone devant moi à mon frère.

Celui-ci lui rétorque qu'il ne me connaît pas. Je suis encore remis à six mois !

L' " ostracisme " s'est aussi invité dans une salle d'audience de Liège. Cette fois-là je comparaissais pour avoir aidé des personnes évadées des Beaumettes ( Delaire, Lacotte, ). Je me suis présenté seul devant la cour, je ne voulais pas d'avocat car je pensais que personne ne me comprendrais et puis, à quoi bon se défendre tout en sachant que cela allait continuer ? 

Vous ne voyez pas de l'ostracisme dans tout cela. Je puis même vous certifier que le juge s'est montré compréhensif. Non, l'ostracisme vint le lendemain, car en lisant la dépêche de la ville, j'y étais décrit par des mots que l'ont emplois pour des bêtes. La phase qui me reste marquée à jamais sera " Marcus toujours prêt à mordre quand on lui pose une question ". Il va de soi que cela détermina le verdict.

Bonsoir et peut-être à + ( Si Dieu me prête vie )


Auteur: Marc Sluse, dimanche 30 août 2020, publié dans Lettres à Christophe Barratier https://acteurs.publi-contact.net/p5736-christophe-barratier/lettre-38