En
2013, Israël va-t-il laisser mourir les prisonniers grévistes de la
faim ?
La
Marche pour Gaza du jeudi 27 décembre à Bruxelles, « Gaza, on
n'oublie pas », sera aussi une Marche à l'honneur et en
soutien aux prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes.
Ils ont commencé leur mouvement de grèves de la faim en 2011.
Historique et perspectives d'un mouvement sans précédent.
Luk Vervaet
Juin 2012,
emprisonné en Israël, le footballeur palestinien Mahmoud Sarsak est
proche de son 90ième jour de grève de la faim. Il peut mourir d'un
jour à l'autre. Ce capitaine de l'équipe nationale palestinienne,
qui représente la Palestine sur la scène internationale, a été
arrêté par les soldats israéliens en juillet 2009. Jugé «
combattant illégal » par le système judiciaire militaire
israélien après trente jours d’interrogatoire, il a été
incarcéré sans procès, sans avoir été inculpé. En 3 ans, sa
détention administrative a été renouvelée six fois. Après avoir
brisé sa carrière, Israël était en train de briser sa vie.
Dans le
monde, cette grève de la faim a provoqué une vague de solidarité.
Dans un communiqué, Éric Cantona, Show Racism the Red Card, Ken
Loach et même la FIFPro (l'association mondiale des footballeurs
professionnels, dont Israël fait partie) exigent « la
libération immédiate de Mahmoud Sarsak ». Le 15 juillet
2012, ce combat est couronné de succès, Mahmoud Sarsak est libéré.
Depuis,
d'autres détenus ont repris le flambeau. En ce mois de décembre
2012, d'autres prisonniers palestiniens se battent pour leur survie.
Le 4 décembre
2012, des milliers de détenus palestiniens ont organisé une grève
de la faim d'un jour en solidarité avec Samer Issawi et Ayman
Sharawneh. Samer est de Jerusalem. Il est en grève de la faim depuis
le 1 août 2012. Depuis le 21 novembre 2012, il a aussi arrêté de
boire de l'eau. Il a perdu 46 kilos depuis le début de son action.
Ayman est de Dora (Hebron). Il est en grève de la faim depuis le 1
juillet 2012 et a perdu 38 kilos depuis le début de la grève. Ces
deux détenus ont été remis en détention (administrative) après
avoir fait partie en 2011 des 1027 prisonniers palestiniens échangés
contre le soldat israélien Gilad Shalit. Suite à leur action et au
mouvement de solidarité, un tribunal militaire israélien de la
prison d'Ofer devait se réunir d'urgence le 13 décembre 2012 pour
traiter le cas des deux détenus.
Le 18
décembre, trois autres détenus Yousef Yassin, Jafar Azzidine et
Tarek Qa'addan étaient en grève de la faim depuis 21 jours.
Tous ces
grévistes de la faim incarnent la nouvelle résistance palestinienne
qui s'est développée depuis deux ans au sein des prisons
israéliennes. Printemps palestinien ou troisième intifada, une
chose est sûre : la révolte dans les prisons ne s'arrêtera
pas. Elle est en train de transformer profondément la carte
politique de la Palestine, bloquée depuis vingt ans par les accords
d'Oslo1.
Le
« modèle carcéral israélien ».
Dans
son célèbre ouvrage « Crime
control as industry »,
le criminologue norvégien Nils Christie décrit comment les
incarcérations massives et de longue durée qui caractérisent la
politique carcérale des USA (et de la Russie) vis-à-vis des pauvres
dessinent le cadre dans lequel se développe la politique carcérale
de pratiquement toutes les démocraties occidentales.2
Christie
explique que dans les quartiers populaires des grandes villes
étasuniennes et russes il ne reste guère de famille dont l’un des
membres n’est pas ou n’a pas été en prison. Il expose également
comment le désespoir, l’éloignement, la solidarité et l’amitié
entre les prisonniers a donné naissance à une nouvelle culture, qui
s’exprime notamment par des chansons et des écrits, qui est
dominée par la nostalgie, qui célèbre la privation et les
tragédies, mais aussi la rébellion et la résistance.3
Le
constat de Christie est encore bien plus valable en ce qui concerne
la Palestine occupée.
Parmi les
pays qui tiennent lieu de modèles dans l'organisation de la « lutte
contre le terrorisme », Israël
figure en première place. Cet état sert de laboratoire en ce
qui concerne l'emprisonnement et le traitement des « terroristes »,
autrement dit des résistants et des prisonniers politiques.
Ainsi,
pour redéfinir les méthodes de torture dans le cadre de la « War
on Terror »,
les Américains se sont-ils inspirés entre autres des méthodes de
torture connues sous le nom de « Shabeh »4
qu’utilisent
les services de sécurité israéliens.
Sur un autre
plan, la détention et la prison représentent un aspect permanent et
déterminant de la rude existence de la population palestinienne
vivant en Cisjordanie ou à Gaza, petits territoires qui sont tout ce
qui reste actuellement de la Palestine.
Non seulement
les Palestiniens sont emprisonnés dans des lieux de détention
israéliens, connus ou secrets, mais, depuis juin 2007, toute la
bande de Gaza a été transformée en prison à ciel ouvert par
Israël.
L'histoire
de la Palestine et la question de l'emprisonnement sont
indissociables : « Depuis
l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et
de Jérusalem-Est en 1967,
700.000 Palestiniens
se sont retrouvés dans les geôles israéliennes. Cela signifie
qu’environ 20% de toute la population vivant dans les territoires
occupés a connu la prison, soit 40% de la population masculine.
Depuis 1967, Israël a également enfermé 10.000 Palestiniennes.
Celles-ci ont été soumises aux conditions les plus inhumaines, ce
qui inclut le fait d’accoucher tout en restant enchaînées sans
bénéficier de soins gynécologiques ».5
La
mise en isolement systématique des détenus, contraire à toutes les
règles et conventions internationales sur le traitement des
prisonniers, est une des principales caractéristiques de la
politique carcérale israélienne. Isolement, non seulement au sein
des prisons, mais aussi quasi totalement par rapport à leur
communauté à l'extérieur. Les seuls visiteurs qu'un détenu peut
recevoir sont ses avocats et les membres de sa famille proche. 18 des
19 prisons où Israël enferme les prisonniers palestiniens se
trouvent à l'intérieur des frontières d’Israël, ce qui a comme
conséquence que les familles, désirant rendre visite à leurs
proches en prison, doivent d'abord obtenir un permis pour entrer en
Israël. Les permis sont souvent refusés pour des « raisons de
sécurité », sans plus de précision. 6
Ces visites sont aussi sujet de représailles. A cause de
l'arrestation et de la détention du soldat israélien Gilad Shalit,
pendant 5 à 6 ans, 550 prisonniers originaires de Gaza n’ont pas
eu droit à des visites de la part de leur famille.
Combien
de prisonniers politiques palestiniens y a-t-il aujourd'hui ?
Selon les
chiffres les plus récents, le nombre de prisonniers politiques
palestiniens dans les prisons israéliennes s’élevait à 4.424 en
avril 2012 et à 4.606 en septembre 2012. Parmi eux, 183 enfants, 6
femmes et 27 parlementaires élus, dont Marwan Barghouthi (5 fois la
perpétuité), Jamal Terawi (trente ans), Ahmad Sa’adat (trente
ans).
La plupart de
ces détenus viennent du West Bank. 360 détenus viennent de
Jérusalem-Est occupé et des territoires occupés en 1948. 310
prisonniers sont détenus sans procès ni mise en accusation,
uniquement sur base de la loi sur la détention administrative. Parmi
eux, figurent 24 parlementaires palestiniens élus. Certains
prisonniers en détention administrative sont en prison depuis de
nombreuses années. 120 prisonniers ont été incarcérés avant la
signature des accords d'Oslo en 1993. 23 prisonniers palestiniens
sont en prison depuis plus de 25 ans7.
Quant aux
enfants prisonniers, ils sont en outre utilisés comme otages et
comme moyen de pression sur leurs familles. Les abus sexuels ou les
menaces de sévices sexuels sont légion, tant sur les femmes que sur
les hommes.
C’est
dans ces conditions extrêmes que les prisonniers palestiniens ont
entamé des grèves de la faim en chaîne depuis septembre 2011.
Il s’agit
d’un mouvement sans précédent.
Toute
personne un tant soit peu familiarisée avec le monde carcéral sait
que, pour organiser une grève de la faim collective un gigantesque
effort est à produire, cela dans une seule prison. La tâche est
d’autant plus complexe quand il s’agit d’une action de grande
envergure, impliquant plusieurs prisons et plusieurs organisations,
et ce, pendant des mois.
C’est
pourtant ce qu’ont réalisé les détenus palestiniens. Mourir pour
vivre, tel était leur mot d’ordre. Leurs principaux objectifs : la
suppression des mesures d’isolement, l'arrêt des détentions
administratives, la suppression de la loi Shalit (interdisant les
visites familiales de personnes originaires de la bande de Gaza,
interdisant d'étudier en prison), l'amélioration des droits des
prisonniers au sein de la prison (parmi lesquels le droit d’exercer
des activités, l'amélioration des soins médicaux).
Lorsque ce
mouvement de grève a été lancé, les conditions extrêmes se sont
encore aggravées. Le courage des détenus qui font grève est
stupéfiant. Les autorités pénitentiaires ont tout mis en œuvre
pour briser leur mouvement. Elles ont eu recours à la violence
(elles ont notamment donné assaut à des cellules de grévistes),
elles leur ont refusé tout soin médical. L'organisation Adameer8
qui s'occupe de prisonniers raconte que, lors de visites en prison,
leurs avocats ont retrouvé des détenus grévistes de la faim dans
des chaises roulantes, enfermés à deux dans des cellules conçues
pour un seul prisonnier, dépourvues de ventilation, où l'espace est
insuffisant pour se mouvoir, remplies des cafards, bref dans des
endroits « où, à cause du manque d'hygiène, on
n'enfermerait pas même un animal ».
Dans le
cahier de revendications des grévistes, la mise en isolement et la
détention administrative représentent des points centraux.
La loi
israélienne sur la détention administrative permet de détenir tout
Palestinien sans qu'il soit inculpé, et sans qu'il ait droit à un
jugement, durant une période de deux, quatre ou six mois. Par la
suite, la mesure peut être indéfiniment prolongée. Des
Palestiniens ont ainsi été maintenus en détention administrative
pendant une période ininterrompue de six ans. D’autres détenus
ont été relâchés quelque temps et ré-arrêtés ensuite. Tel fut
le cas du journaliste Ali Jaradat qui a passé 19 ans en détention
administrative.
L'internement
en août 1971 en Irlande du nord par les Britanniques de catholiques
républicains est ce qui, sur le continent européen, se rapproche le
plus de la détention administrative israélienne. Pendant trente
ans, l'Irlande du Nord fut la région d'Europe la plus militarisée.
La politique
d'internement y permettait de détenir des « suspects
terroristes » pendant une durée indéfinie et sans qu'il
soit nécessaire de les juger. Elle a été pratiquée jusqu'en
décembre 1975. Pendant cette période, près de 2000 personnes ont
été internées sans faire l'objet de jugement. Amnesty
International a ouvertement accusé le gouvernement britannique de
pratiquer la torture. C'est la Cour européenne pour les droits de
l'homme qui a mis fin à ces pratiques en condamnant le gouvernement
britannique pour « traitement inhumain et dégradant ».
40 ans plus tard, Israël pratique encore et toujours cette même
politique d'internement en toute impunité.
Il est
intéressant de signaler que le politicien néerlandais d’extrême
droite Geert Wilders a tenté de faire adopter par le parlement
néerlandais un projet de loi ce qui aurait consisté à introduire
dans ce pays la dite pratique de détention administrative
israélienne.9
Cette initiative s'est provisoirement soldée par un échec. Par
contre, aux États-Unis, le National
Defense Authorization Act
(NDAA) a été adopté en décembre 2011. Cette loi qui s'inspire du
modèle israélien permet de détenir pendant une durée illimitée
sans qu'aucune forme de procès ne soit nécessaire des personnes
suspectées de terrorisme.10
Aperçu
historique d'une grève de la faim
Le
mouvement de grève de la faim a commencé le 27 septembre 2011.
Ce jour-là,
des centaines de prisonniers palestiniens, dont le dirigeant du FPLP
Ahmed Saadat, entament une grève de la faim contre l’enfermement
en cellule d’isolement, contre la privation de visites familiales
et contre les humiliations infligées à des prisonniers durant leur
transfert.
La
grève de la faim dure jusqu’au 18 octobre 2011, jour de la
libération du soldat israélien Shalit par le Hamas en échange de
la libération de plus de 1000 prisonniers palestiniens.
Cette
première grande grève de la faim de 22 jours s’est terminée
aussi après que les autorités pénitentiaires israéliennes aient
promis d’accéder aux revendications des grévistes de la faim
endéans une période de trois mois mais à condition que les
grévistes mettent fin à leur action.
Mais cet
accord n’empêchait pas Israël de continuer à précéder à des
arrestations et 150 Palestiniens supplémentaires, accusés de faire
partie du FPLP, ont été placés en détention administrative parce
qu'ils avaient soutenu cette grève de la faim. Le même sort a été
réservé à des Palestiniens libérés lors de l’échange de
prisonniers survenu le 18 octobre 2011. Quelques semaines après ce
dernier, ils ont été remis en détention administrative.
C’est
Khader Adnan, 34 ans,
originaire d’Arrabe près de Jénine, membre du Jihad islamique,
qui, le 17 décembre 2011, reprend le flambeau et entame à son tour
une grève de la faim.
Ce
jour-là, Khader Adnan est mis en détention pour raisons
administratives. Il est arrêté pour la huitième fois. Il a déjà
passé 5 ans en prison pour les mêmes motifs. La fois précédente,
c’était en 2008, et il était resté en détention pendant 6 mois.
Cette
fois, pour Adnan, la mesure est comble. Il a un diplôme d'économie
et il espérait poursuivre ses études à l’université de Bir
Zeit. Mais à cause de ses arrestations et de ses périodes de
réclusion, il avait interrompu ses études et travaillait dans une
boulangerie. Il entame une grève de la faim qui va durer 66 jours.
(Après celle-ci, pour se rétablir, il lui faudra le même nombre de
jours.)
Khader
Adnan gagne le combat. Il est libéré le 17 avril au lieu du 8 mai.
Mais il obtient surtout le non renouvellement de son « ordre de
détention administrative ». Tout en accomplissant son action,
Adnan a rejoint le mouvement lancé par le FPLP quelques mois plus
tôt et il a déclaré : « Je
ne suis pas le premier à avoir entamé une grève de la faim. Je ne
fais rien d'autre que mener la résistance palestinienne dans les
prisons… Je ne souhaite pas être la cause d'une division au sein
du peuple. Nous ne pouvons pas abandonner les prisonniers FPLP à
leur sort… ».11
Adnan
a précisé qu’il ne faisait pas la grève de la faim à cause du
Jihad islamique, mais pour les 300 prisonniers maintenus en détention
administrative.
L’action
des prisonniers du FPLP et surtout celle d’Adnan ont déclenché
une nouvelle série de grèves de la faim individuelles.
Hana
al-Shalabi, 30 ans, originaire de Burqin en Cisjordanie, figurait
parmi les prisonnières relâchéees en échange du soldat israélien
Shalid. Mais sa liberté sera de courte durée.
Ré-arrêtée
le 16 février 2012, elle est enfermée dans la prison de Hasharon,
moins de quatre mois après sa libération. De 2009 à sa libération
en 2011, elle avait déjà passé 30 mois en détention
administrative dans la même prison. Après sa libération, à cause
de l'expérience traumatisante de la prison, Hana éprouvait des
difficultés à sortir de chez elle. Elle avait du mal à se
rétablir.
Le jour de sa
nouvelle arrestation, pour protester contre son arrestation violente
et contre le traitement inhumain qu’on lui a infligé (dont une
fouille corporelle effectuée par un soldat masculin), elle a entamé
une grève de la faim .
Sa grève
durera 45 jours et elle aboutit à sa libération. Elle dut cependant
accepter d'être reléguée à Gaza pendant trois ans. Condition dure
et illégale, mais qu'elle accepta pour témoigner de l'interdiction
faite à plus de 4, 2 millions de Palestiniens (1,7 million vivant
dans la bande de Gaza et plus de 2,5 millions vivant en Cisjordanie)
de se déplacer de la bande de Gaza vers la Cisjordanie et
inversement.
Le
29 février 2012, Bilal Diab, (27), de Jénine, et
Thaer Halahla, (34), de Hébron, entameront une grève de la
faim contre leur détention administrative.
Thaer était
détenu sans jugement depuis juin 2010. Après 76 jours de grève de
la faim, il obtient gain de cause. Il sera libéré début juin.
Bilal Diab sera libéré en août.
Les grèves
de Bilal et Thaer seront suivies à leur tour par celles de Hassan
Safadi, Omar Abu Shalal, Mohammad Taj, Jaafar Azzedine, Mahmoud
Sarsak, Abdullah Barghouti...12
Et par celles d'Akram Rikhawi et de Samer Al-Barq.
Après
102 jours, le 25 juillet 2012, après avoir obtenu que la date
de sa libération soit fixée pour janvier 2013,
Akram Rikhawi, a arrêté sa grève de la faim. Akram
souffre du diabète, de problèmes liés à la vue, d'un taux élevé
de cholestérol et de problèmes de tension, et il marche avec une
canne à la suite d'une blessure occasionnée à un nerf de la jambe.
Fin septembre
2012, Israël annoncera l'expulsion vers l'Egypte de Samer
Al-Barq, détenu sans inculpation depuis juillet 2010 et en grève
de la faim depuis 118 jours.
Le 17
avril 2012, journée internationale des prisonniers palestiniens,
Khader Adnan est libéré. À ce moment, cela fait six mois qu’Israël
a cessé de respecter les promesses faites à cause de de la première
grève de ce mouvement de grèves de la faim. Ce jour-là, entre
1.600 et 2.500 prisonniers palestiniens repartent en grève de la
faim. C'est un mouvement de masse qui dure presqu'un mois.
L'action s’arrête (provisoirement) le 14 mai 2012, après un
accord conclu entre les autorités pénitentiaires israéliennes et
les représentants des grévistes.
L’accord
stipule l'arrêt pour tous les prisonniers de la réclusion dans des
cellules d’isolement, y compris pour Hassan Salama, pour Ibraheem
Hamed et pour Abdullah al Barghouti. Il stipule aussi que la
détention administrative ne pourra pas se prolonger du moins sans
que de nouvelles informations soient apportées ou que des preuves
soient fournies par un tribunal militaire. Il met fin aux
conséquences de la loi Shalit et autorise les visites par les
familles originaires de la bande de Gaza, améliore les conditions de
détention, autorisant l’usage du téléphone et la télévision.
En échange, les Palestiniens sont censés cesser « toute
activité terroriste, du recrutement jusqu’à la formation »
au sein des prisons.
Pour les
grévistes de la faim, l’accord est une victoire. Les prisonniers
palestiniens se sont rendus compte de leur force et, de ce fait,
ouvrent la voie à de nouvelles actions.
Signification de la grève
Les grèves
de la faim ont conféré aux prisonniers de nouveau une place
centrale dans la lutte des Palestiniens. Elles ont mis fin à la
résignation par rapport à leur détention. Il y a la résistance du
Hamas et du Hezbollah, qui ont capturé des soldats israéliens et
qui ont procédé à des échanges spectaculaires de détenus et
libéré un maximum de détenus palestiniens. Mais, hormis ces
actions de la résistance, depuis les accords d'Oslo, la cause des
prisonniers n'était plus un obstacle pour « le processus de
paix avec Israël». Tout comme la demande de la libération de
tous les prisonniers politiques n'était plus à l'ordre du jour dans
les discussions sur l'avenir de la Palestine.
Ce sont les
prisonniers qui symbolisent la résistance contre l’occupation. Ils
personnalisent le droit et la nécessité pour les Palestiniens de
résister, une option qui, au nom des négociations de paix (et pour
sauvegarder les subsides qui lui étaient octroyés) avait été
écartée par l'Autorité palestinienne. Ce sont les prisonniers qui
incarnent l’unité du peuple palestinien dans la résistance, là
où cette unité avait volé en éclats en dehors des prisons.
La
grève de la faim a aussi propulsé une nouvelle génération de
dirigeants politiques palestiniens à l'avant-plan. L'époque où,
comme ce fut le cas de Nelson Mandela en Afrique du Sud et de Bobby
Sands et de ses camarades en Irlande du Nord, c'étaient les
prisonniers palestiniens qui étaient à la base de la résistance du
peuple palestinien est revenue à la mémoire de certains. Khader
Adnan est devenu le Bobby Sands palestinien. « Khader
Adnan est un jeune – il a 34 ans – qui a montré qu’il était
un véritable résistant. Des gens l’appellent leur dirigeant, dans
la rue, on dit 'notre Khader Adnan’. Le mouvement des jeunes a
puisé en lui un exemple et nombreux sont ceux qui s’identifient à
lui. Pendant les manifestations de soutien à Khader Adnan, des
jeunes de tous les partis politiques se sont rassemblés devant la
prison d’Ofer en déclarant : Saeb Eerekat (le négociateur
palestinien dans les pourparlers de paix) n’est pas notre chef.
Notre chef, c’est Khader Adnan. »13
Comme les
grévistes de la faim irlandais dans les années 1970 et 1980 avaient
réussi à attirer l'attention sur l'Irlande, les Palestiniens
grévistes de la faim en prison sont conscients d’avoir réussi à
mobiliser l’opinion mondiale pour leur cause et pour celle du
peuple palestinien tout entier. Alors que le monde cessait de
s'intéresser à eux, ils ont fait réagir le monde.
En
entamant une grève de la faim, l’unique arme qui leur restait, en
se servant de leur corps, les prisonniers palestiniens ont suscité
une vague de solidarité. Après sa libération, Khader Adnan a
déclaré : « Je
demande à Dieu qu’il mette en action tous les hommes libres du
monde, qu'il les réveille. Je les remercie tous, et particulièrement
le peuple irlandais qui, durant ma grève de la faim, a été de mon
côté. »14
Face à
l’ampleur du mouvement de grève et au risque de voir mourir
certains grévistes de la faim, Israël a cédé. La mort d’un des
grévistes de la faim aurait été le point de départ d’une
révolte dans les territoires occupés qui aurait été capable
d’emporter l’autorité palestinienne. Après la signature de
l'accord entre les prisonniers et les autorités israéliennes, les
porte-paroles israéliens ont déclaré que l’accord était
intervenu à la demande expresse d’Abbas et qu’il servait à
sauver « le processus de paix ».
Perspectives.
Se
dirige-t-on vers une situation à l'irlandaise?
Il y a
différents éléments qui font craindre qu'en 2013, Israël pourrait
laisser mourir des prisonniers suite à leurs grèves de la faim.
Tout d'abord,
Israël ne respecte aucun des accords conclus.
En moins d'un
an de temps les prisonniers ont déclenché deux mouvements de masse.
C'est suite aux accords qu'en 2011 et 2012, ces grèves collectives
de la faim se sont arrêtées. Depuis la nouvelle agression contre
Gaza en novembre dernier, même les quelques petites concessions
accordées, comme le droit à la visite des familles des détenus de
Gaza, sont sous pression. Israël a montré qu'il ne tenait ni sa
parole ni ses promesses.La situation devient extrêmement dangereuse
pour les détenus qui sont actuellement en grève de la faim ou qui
le seront dans les mois qui viennent. 15
Une comparaison avec la situation lors des grèves de la faim en
Irlande du nord s'impose. C'est après des années de « blanket
protest » sans résultat et après une grève de la faim de 54
jours sans résultat que Bobby Sands et ses camarades ont décidé de
lancer une grève de la faim jusqu'à la mort pour faire bouger les
autorités britanniques.
À la fin de
cette année, non seulement on est confronté à des promesses
non-tenues, mais aussi a un durcissement de la répression
israélienne sur toute la ligne. Des arrestations à grande échelle
dans les territoires occupées, des attaques et des razzias dans les
locaux des organisations qui s'occupent des détenus et de leur
défense se sont produites et des responsables, comme Ayman Nasser,
arrêtés.
Pendant l'offensive
israélienne de huit jours menée contre Gaza en novembre dernier,
pas moins de 200 Palestiniens se sont fait arrêter par les
Israéliens sur le West Bank. Le matin de la signature de l'accord
entre Israël et le Hamas qui mettait fin aux attaques, plus de 50
Palestiniens ont été arrêtés. À Nabi Saleh, Rushdi Tamimi (28
ans) a été tué par un soldat israélien. À Hebron, Hamdi
Al-Fallah (22 ans) a été tué de quatre balles. Parmi les arrêtés,
28 parlementaires du Hamas et du Front Populaire pour la libération
de la Palestine. « Nécessaire », selon le porte
parole des militaires israéliens, « à cause d'un attentat
contre un bus à Tel Aviv et du caractère fragile du
cessez-le-feu ».
Enfin, un
boycott de la cause des prisonniers a cours à l'intérieur des
frontières de la Palestine. Il n'y a pas seulement les arrestations
par Israël de dizaines de prisonniers libérés en 2011, mais aussi
celles effectuées par l'Autorité palestinienne. Le 18 et le 19
septembre, l'Autorité palestinienne a arrêté pas moins de 114
personnes. 35 d'entre elles sont des ex-prisonniers. Il s'agit de
membres du Hamas, mais aussi de membres et de cadres d'autres
organisations qui s'opposent à la ligne du PA.
Voici un
exemple. Alaa Sadeq (30 ans), de Qalqiliya, a passé neuf ans et demi
dans les prisons israéliennes avant d'être relâché le 5 juin
2012. Il avait été accusé de faire partie du Hamas et d'être
actif dans la résistance contre l'occupation. Le 14 septembre, trois
mois après sa libération, Sadeq s'est marié. 4 jours plus tard, il
a de nouveau été arrêté, cette fois-ci par les forces de sécurité
du PA.
Addameer
écrit à propos de cette politique : “Depuis la formation
en 1994 de l'Autorité palestinienne, ses forces de sécurité ont
arrêté des centaines de Palestiniens, pas seulement des membres de
sa faction rivale au sein du Hamas, mais également beaucoup de
cadres et de membres d'autres organisations qui s'opposent à la
solution que représente le processus de paix actuel ».16
Pour utiliser
le langage des prisonniers : l’avenir dira si « le
processus de paix » sera autre chose qu’une grâce
provisoire. En 2013, soutenir la cause des prisonniers palestiniens
au niveau international deviendra une question de vie ou de mort.
1http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2012/jun/11/palestinian-spring-oslo-accords
2Crime
control as industry, Nils Christie, Routledge, p. 62
3Crime
control as industry, Nils Christie, Routledge, p. 80
4Dispatches
from the dark side, Gareth Peirce, Verso, p. 5
5Les
chiffres proviennent de « Dying to live - Belfast, Palestinian
prisoners’ conference declaration statement », Organisers:
UFree Network and Irish Friends of Palestine, Belfast, Ireland 2012
7http://www.imemc.org/article/63654
8http://www.addameer.org/
9The
Making of Anders B. Breivik, Luk Vervaet, égalité éditions, p. 48
10http://www.huffingtonpost.com/2011/11/29/senate-votes-to-let-military-detain-americans-indefinitely_n_1119473.html
11http://electronicintifada.net/content/interview-addameers-mourad-jadallah-hunger-strikes-reignite-prisoner-movement/11013
12http://www.existenceisresistance.org/archives/1528
13http://electronicintifada.net/content/interview-addameers-mourad-jadallah-hunger-strikes-reignite-prisoner-movement/11013
14http://www.ism-france.org/temoignages/-La-greve-de-la-faim-est-un-signal-aux-opprimes-du-monde-Entretien-avec-Khader-Adnan-article-16896
15http://english.al-akhbar.com/node/12668
merci <3 Gerechtigkeit für Palästina - justicia para Palestina - justice pour Palestine - justice for Palestine http://justiciaparagaza.blogspot.de/
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