25
mars, l'audience du procès de Nordine Saïdi contre la police pour
abus raciste.
Quand
l'accusé se transforme en victime...
Quelle
est la meilleure défense quand, en tant que responsable au sein de
la police, vous êtes accusé de violence et de racisme ? Accusé
non seulement par le porte-parole d'Egalité. Mais aussi par votre
ancien collègue, photos de la violence qu'il a subi de votre part,
incluses dans le dossier ? Accusé par encore un autre policier,
qui a eu le courage de témoigner contre vous ?
Ce
que nous avons vu à l'audience du 25 mars de la part de l'accusé de
racisme était une excellente mise en scène inversant le rôle de
l'accusé en celui de victime. C'était aussi une parfaite
illustration de la difficulté de se faire entendre par la justice de
la part des victimes d'abus par la police.
D'abord,
tous les faits, dont on parle dans ce procès, se sont passés à
Anderlecht, une commune de Bruxelles, francophone. Les insultes et
les abus racistes de l'accusé, ont été faits en français. Mais,
pour son procès, l'accusé, parfaitement bilingue, a choisi le
néerlandais. Et le procès se passe donc devant un tribunal
néerlandophone. C'est son droit, bien sûr. Mais c'était aussi sa
manière de se démarquer et de créer la distance entre lui et les
plaignants, qui s'appellent Nordine et Hakim, et être sûr qu'au
moins la moitié des présents dans la salle d'audience ne comprend
pas ce qu'il dit. Sans le vouloir, par son choix de la langue, il
nous a donné une illustration d'un des problèmes majeurs de la
police à Bruxelles : une police étrangère à la réalité
humaine et sociale qu'elle est supposée de gérer.
Ensuite,
l'accusé, monsieur Condijts, interrogé par le juge, s'exprime
longuement, de manière calme et zen. Il ne quitte jamais son rôle
de celui qui fait partie de l'autorité et des institutions, de
« responsable de la police », qui, comme il dit, tient à
son uniforme. Défenseur de l'ordre, respectueux de tous les règles
et les normes, travaillant sans problèmes avec des collègues
allochtones, certainement pas raciste, rien à se reprocher. Le juge
lui tend la perche en disant qu'il y a apparemment deux camps au sein
de la police, ceux qui l'aiment et ceux qui le détestent ? Oui,
dit-il, toutes les accusations sont fausses, il est victime d'une
campagne de diffamation de la part de certains de ces collègues,
dont il ne comprend pas les motivations. Et en ce qui concerne
Nordine Saïdi, il déclare avoir porté plainte contre lui, après
que Nordine a publié sa lettre au Conseil communal d'Anderlecht sur
les abus racistes dont il a été victime, sur son blog. Sur Nordine,
disait-il, il avait été briefé avant l'incident, que c'était un
fouteur de merde (« een keetschopper »), qui avait déjà
créé des problèmes à ce marché d'Anderlecht. Quand il a arrêté
Nordine, celui-ci a crié et a tiré. Mais l'arrestation s'est passée
selon les règles. Preuve ? Vous vous imaginez bien monsieur le
président, qu'à un marché visité en été par 60000 personnes, il
y aurait eu une réaction contre son arrestation, si elle ne se
serait pas faite selon les règles. Il y a donc rien eu. Par la
suite, il n'y a rien d'anormal qui s'est passé. Je n'ai commis
aucune faute. Nordine Saïdi ment.
La
parole passe au procureur, qui lui, va pourtant dire qu'il va suivre
les plaignants sur base du matériel qui se trouve dans son dossier.
Puis,
après les avocats de Nordine et de Hakim qui exposent les faits,
c'est le tour à l'avocat de l'inculpé.
D'abord,
il va plaider contre l'accusation de l'existence d'une sorte d'omerta
au sein de la police, en rendant suspects, tous les policiers qui ont
osé parlé et qui ont osé témoigner contre son client. A tel
point, qu'à la fin de sa plaidoirie, je croyais qu'il allait
demander l'arrestation des deux plaignants, tellement sa plaidoirie
s'était transformée en acte d'accusation. En fait, disait l'avocat,
le policier qui accuse son client est lui-même un homme violent,
cela a été prouvé dans le passé. C'est un menteur, qui a mis sous
pression d'autres collègues pour qu'ils témoignent en sa faveur.
C'est un profiteur, qui est resté en congé de maladie injustement
après l'incident avec son client. Pendant tout ce temps, il est
resté assis sur son « luie kont », un fainéant assis
sur son cul.
Je
n'exagère pas.
Quant
à Nordine, l'avocat de l'accusé n'en a pas dit grand chose. A part
que l'arrestation s'est faite selon les règles et que Nordine est un
menteur. Seulement, il a aussi ajouté quelques documents au dossier.
Bien sûr, disait-il, ces pièces n'ont rien à voir dans ce dossier,
mais elles démontrent de qui on parle ici. Trois « pièces »,
sous forme de copies. D'abord, la plainte de Caroline Fourest contre
Nordine pour la comparaison avec Breivik. Ensuite, l'exclusion de
Nordine du Mrax. Et pour finir, « des organisations juives qui
disent que Nordine est un raciste ». Et c'est ce monsieur qui
va déclarer que mon client est un raciste, s'exclame l'avocat ?
Le
verdict est prévu pour le 22 avril.