mardi 31 mars 2020

Familles de détenus Belgique: "Le Coronavirus derrière les barreaux : un cataclysme sanitaire !"

 La prison représente un laboratoire d’analyse du social, dans la mesure où elle concentre dans un espace délimité et de façon amplifiée, bien des phénomènes observés dans d’autres champs de la société.  Finalement elle ne représente qu'une grossière caricature de la manière dont nous concevons notre « vivre ensemble ». La déshumanisation qui habille ses murs au quotidien, est à couper le souffle !  

Nous sommes au cœur d'une crise de santé publique mondiale. Et à ce titre, l’univers carcéral est l'un des microcosmes les plus touchés ! Nier ce fait observable au détriment de vies humaines, est une violence institutionnelle intensionnelle et une amputation des droits humains élémentaires !

Le confinement de plusieurs milliers de détenus claquemurés les uns sur les autres dans des cellules crasseuses et exiguës, l'absence totale d’hygiène, les règles élémentaires de sécurité sanitaire impossible à appliquer, l'enfermement 23h sur 24h et les médecins qui désertent leur poste, abandonnant les exclus de la société à une angoisse de mort véritable, en crachant sur leur serment d’Hippocrate ! Mais aussi le renforcement de dépressions massives aboutissants quelques fois à des suicides sous le poids d'une intense pression psychologique. Aurait-on tendance à oublier qu'un jour où l'autre, un détenu sera libéré et réinséré dans la société civile ? 

Peut-on finalement blâmer un personnel mal outillé, mal formé et sans armes véritable pour endiguer la pandémie en milieu clos ? Si notre chère Ministre de la santé avait l’amabilité d’annuler l’arrêté Royal interdisant les rapidtets, nous pourrions maîtriser plus rapidement la catastrophe sanitaire qui touche notre monde, notre pays, nos familles ! Et où sont les désinfectants ? Les masques ? Les gants ? Les distances de sécurité entre individus ? La prison fait entièrement partie de l’identité même d'une civilisation donnée. Albert Camus ne disait-il pas qu'une société ce juge à l'état de ses prisons ? 

Nous sommes véritablement inquiets lorsque nous entendons notre Ministre de la Justice, affirmer que le pénitencier est sous contrôle et que les systèmes de fonctionnement internes restent inchangés. Serait-ce l'aveu d'un homme qui cache délibérément la réalité au public ou est-il si loin de cette réalité que nous vivons tous les jours sur le terrain, qu'il ne maîtrise plus son sujet ? Un homme qui met délibérément le feu à sa cellule dans l'espoir d'en être peut-être sauvé, n'est-il pas plongé dans une affliction insupportable  ?

Plus d'une quarantaine d'individus agents pénitentiaires comme détenus ont été contaminés. Les prisons du pays sont immobilisées. Les préaux sont annulés, les visites interdites et quelques ailes ont été vidées dans le but de créer un semblant de confinement. La nourriture n'arrive plus à destination, les stocks des magasins étant pillés. Oui le détenu fait ses courses en grande surface, comme chacun d’entre nous. Certaines familles n'ont plus de nouvelles, ou si peut, étant donné que les prisonniers ont reçu 10€ de crédit d’appel, seulement. Quelques-uns d’entre eux ont été libérés par la force des choses, tandis que les jugements sont annulés et toutes les procédures en arrêt. La libération provisoire et conditionnelle de 360 exclus sur 12.000, n'est qu'une goutte d'eau perdue dans l’océan, Monsieur Geens ! 

Les agents pénitentiaires ne sont pas non plus protégés ! Ce qui amène le corps de métier à déposer un préavis de grève totale dans toutes les prisons du pays. La Belgique ayant été condamnée de nombreuses fois par le passé pour non-respect de la dignité humaine, l'ONU ayant émis un avis favorable et plus qu'urgent pour désengorger les prisons et notre « gouvernement de crise » ayant décidé l’application stricts de différentes mesures, il serait grand temps d’intervenir avant que les morts ne se comptent par centaines, entre les effets du virus, le nombre croissant de suicides et la violence des mutineries qui sévissent derrière les barreaux. 

Les établissements pénitentiaires ne se vident pas, mais continuent à accueillir de nouveaux entrants qui doivent simplement prendre leur température. Or, nous savons tous que les effets du Covid 19 varient en fonction des individus touchés, des âges et de leur santé. Et nous savons également que nombre de personnes sont porteuses seines, sans fièvre, mais bien contagieuses ! 

 Les familles qui ont un proche incarcéré sont extrêmement inquiètes et ne savent plus comment rassurer leurs enfants. Les épouses vivent un moment véritable de tortures psychique, tandis que les mères tremblent sous l'effet du désespoir. Un petit garçon a récemment demandé à sa maman « si papa allait bientôt mourir ? » Tandis que les mineurs placés en foyers résidentiels de l'aide à la jeunesse qui ne possèdent plus qu’un seul parent, malheureusement incarcéré, sont désemparés ! Doivent ils devenir orphelins ?

Les débordements vont être de plus en plus importants et de plus en plus incontrôlables ! Souvenez-vous de la grève de 2016 qui avait, elle, causée pas moins de 4 morts, en l'absence totale de virus.  En Italie dans la prison de Foggia, près de Milan, les émeutes ont déjà causé la mort de plus d'une dizaine d'individus incarcérés ! 

Doit-on s'attendre une fois de plus à de nouveaux drames humains à l'ombre de notre société ? Attendez-vous que les morts s’entassent pour réagir enfin ? Devons-nous préparer nos enfants à la mort de leurs parents alors deux fois condamnés ? Est-il cohérent que notre système judiciaire, ayant puni les actes qualifiés infractions d'une poignée d’individus, décide de ne pas respecter ses propres législations ? L'inhumanité et le manque de volonté tuent davantage que les virus ! Pensez-y ! 

Pour les familles de détenus belges

Maïté Lønne, auteure du livre « Une fenêtre entre deux murs » aux édition Du Rapois

lundi 30 mars 2020

Le CCSP (Le Conseil central de surveillance pénitentiaire) : Appel au gouvernement à renforcer d’urgence les mesures sanitaires et humanitaires

Marc Nève, président du CCSP
Communiqué
Prisons : le Gouvernement appelé à renforcer d’urgence les mesures sanitaires et humanitaires
Le Conseil central de surveillance pénitentiaire et les Commissions de surveillance qu’il organise, soutient et coordonne, a pour mission, d’exercer jour après jour un contrôle indépendant sur les prisons, sur le traitement réservé aux détenus et sur le respect des règles les concernant. Pour l’heure, les Commissions de surveillance sont hélas provisoirement empêchées de poursuivre pleinement leur mission. La situation au sein des prisons reste néanmoins suivie de près et c’est dans ce contexte qu’intervient ce communiqué qui entend aussi soutenir les efforts des directions et du personnel en charge d’un service essentiel.
La situation au sein des prisons est de plus en plus difficile. Difficile à l’extérieur, le confinement est presque impossible en prison. Il risque en effet, à tout moment, d’accroître fortement les tensions et de déclencher des incidents voire des émeutes. En plus des réels efforts déployés par l’administration pénitentiaire, les directions et le personnel, il est essentiel de prendre d’autres initiatives.
Dans des établissements surpeuplés, parfois insalubres, les mesures de prévention et de prise en charge sont inapplicables. Face au risque de crise sanitaire et sécuritaire, il est aujourd’hui urgent, de réduire drastiquement le nombre de personnes détenues.
C’est dans cette perspective que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (Conseil de l’Europe) a diffusé une déclaration de principes relative au traitement des personnes privées de liberté dans le contexte de la pandémie de coronavirus et mettant en évidence que « des efforts concertés devraient être mis en œuvre par toutes les autorités compétentes pour recourir à des mesures de substitution à la privation de liberté » (disponible via le site www.ccsp.be). Des recommandations du même type ont été mises en évidence également par le SPT (Sous-comité pour la Prévention de la Torture – ONU) (également disponible via le site www.ccsp.be ).
Il est indispensable de recommander de réduire la population pénale à un niveau qui ne soit pas supérieur à la capacité d’accueil de chaque prison en proposant, adoptant ou suscitant toute mesure utile pour limiter drastiquement les entrées et favoriser les sorties de prison.
Pour limiter à un strict minimum les nouvelles incarcérations, d’un côté, il faut continuer, comme l’envisagent déjà de nombreux juges d’instructions, de libérer sous conditions les personnes en détention préventive. D’un autre côté, il est tout aussi essentiel de surseoir à la mise à exécution des peines d’emprisonnement. Enfin, et dans le même temps, il faut impérativement faire sortir de prison toutes les personnes qui peuvent l’être. Il est essentiel de se donner les moyens en vue de multiplier les modalités pour anticiper la libération des personnes susceptibles d’être libérées avant terme, libérer provisoirement pour raison médicale les personnes les plus vulnérables, etc. D’autres dispositions exceptionnelles pourraient par ailleurs être prises en plus de ces mesures telles qu’une grâce collective. Et à cet égard, l’initiative ministérielle visant à l’octroi de congés pénitentiaires prolongés n’est pas une solution réaliste dès lors que ces congés ne font qu’interrompre la peine et déplacent le problème.
Dans la prison, il est tout aussi essentiel de multiplier les initiatives, telles que par exemple
- Faute de visite des familles et faute de disposer des moyens pour organiser des communications par vidéoconférence, accorder l'accès au téléphone à titre gratuit pendant toute la durée de l’interdiction de visites ;
- Accorder une indemnisation ou une compensation raisonnable aux personnes détenues privées de travail ou leur faciliter l'accès à la caisse d’entraide s'ils sont indigents ;
- Veiller à ce que les personnes détenues et le personnel pénitentiaire aient accès, en suffisance, aux produits d’hygiène (savon et papier) en vue de respecter les consignes préventives ainsi qu’à un accès régulier à l’eau courante ;
- Veiller à l’approvisionnement régulier et suffisant des cantines (cette absence a déjà provoqué un certain nombre d’incidents) ;
- En vue de compenser l’accès très limité à la promenade et l’absence d’activités, promouvoir la mise en place d’un régime communautaire (régime de « portes ouvertes ») reposant sur strict respect des mesures de distanciation et d’hygiène par les personnes détenues et le personnel pénitentiaire.
- Ne pas perdre de vue la situation des internés pour lesquels des initiatives spécifiques doivent aussi pouvoir être envisagées.
Et, pour terminer, rappelons encore que l’emprisonnement constitue un risque sanitaire qui met aujourd’hui en danger la vie de ceux qui y sont condamnés et de ceux qui les accompagnent.
Marc Nève, Président,
Conseil Central de Surveillance Pénitentiaire - Centrale Toezichtsraad voor het Gevangeniswezen
Rue de Louvain 48/2, 1000 Bruxelles - Leuvenseweg,48/2, 1000 Brussel

Luk Vervaet et Jean-Marc Mahy : CORONAVIRUS : LES ÉCOLES, LES BARS, LES RESTAURANTS FERMENT… ET LES PRISONS ? (appel du 13 mars)

CORONAVIRUS : LES ÉCOLES, LES BARS, LES RESTAURANTS FERMENT… ET LES PRISONS ?

par Luk Vervaet, auteur, spécialisé dans le milieu carcéral, et Jean-Marc Mahy, éduc-acteur

Le 12 mars, la presse nous apprend qu’au palais de justice de Mons, la présidente de la cour d'assises a été contaminée par le coronavirus et qu’une cour d’assises sera reportée. L’avocate Nathalie Gallant déclarait à ce propos : « Des mesures doivent être prises, Il en va de la santé de tous, tant des clients que des avocats. Il ne faudrait vraiment pas qu’un détenu qui se présente à une audience risque de contaminer tous les autres en prison ». 
Depuis, confirmé par l’administration pénitentiaire, un cas de coronavirus a été avéré à la prison de Mons. 
Le lendemain, la majorité du personnel pénitentiaire de la prison de Saint-Gilles est absente ! Avec comme conséquence que toutes les visites et toutes les activités sont annulées. 
Se dirige-t-on vers des situations à l’italienne ?

La prison face à quatre défis majeurs

Il ne faut pas être virologue pour comprendre que le monde carcéral, institution de confinement total par définition, est des plus vulnérables face aux virus et aux épidémies. Ce qui cause des ravages à l’intérieur des prisons et constitue une menace pour la société dans son ensemble. 
Le problème est multiple. 
Il y a le lieu confiné qui provoque la propagation des maladies. Il y a la concentration de personnes malades. Il y a le manque de soins à tous les niveaux. Il y a la surpopulation. Selon les derniers chiffres de 2019, les 36 prisons du pays comptent ensemble 1.862 détenus en trop, compte tenu de leur capacité.

La prison, une concentration de maladies

Déjà en novembre 2013 se tenaient au parlement belge les États généraux sur la prison, à l'initiative du Conseil central de Surveillance pénitentiaire. Le professeur Cosyns, de l'Universitair Forensisch Centrum Antwerpen, y tenait un exposé sur les soins de santé au sein des prisons belges. Il nous informait du fait que le taux de tuberculose dans les prisons est seize fois supérieur au taux dans le pays ; celui du sida cinq fois, de l'hépatite C sept fois, des psychoses cinq fois, de suicide six fois, de problème d'alcoolisme ou autres drogues sept fois, de l'expérience de consommation de l'héroïne cinquante-quatre fois. 
Depuis, les problèmes n’ont fait qu’empirer, aggravés par la surpopulation et les économies au niveau des soins. 
Cinq ans plus tard, le journal De Tijd (3 mai 2018) titre : « Les médecins dans les prisons constatent la propagation des maladies contagieuses dans les prisons, comme la tuberculose, l’hépatite B et C, la gale et le VIH ». Selon le syndicat ACV, ajoute le journal, les économies au niveau des moyens pour assurer l’hygiène sont en cause.

La prison, des épidémies en chaine

Les prisonniers et leurs familles ont déjà fait l’expérience des mesures de confinement et d’isolement drastiques auxquelles toute la société est brusquement soumise aujourd’hui. 

Prenons quelques exemples récents.

En juin 2017, découverte de la rougeole à la prison de Gand, suivie d’interdiction de visites, de nouvelles entrées de détenus dans la prison et de l’arrêt des transports vers les tribunaux. 
En avril 2019, la prison de Mons est frappée par ce que les autorités pénitentiaires et les syndicats appellent « une catastrophe » : une épidémie de punaises de lit, qui pourrait même se répandre en dehors de ses murs avec des conséquences pour la salubrité publique. 
Fin mai 2019, épidémie de rougeole à la prison de Lantin, suivie par une mise en isolement des 1000 détenus dans leurs cellules pendant des semaines, pas de transferts, pas de visites autorisées pour les familles des détenus. 
En juillet 2019, c’était au tour de la prison de femmes de Berkendael à être frappée par le fléau des punaises de lit. Avec comme conséquence un lock down complet de la prison pendant près d’un mois :  pas de visites, pas d’activités, pas de téléphone, pas de services extérieurs… 
En septembre 2019, une douzaine de cas de gale sont constatés à la prison d'Arlon.

Prisons : toujours la même solution face à une crise.

Renforcer l’isolement, arrêter toutes les activités, interdire les visites… sont à chaque fois la réponse aux crises. Ce qui ne fait qu’augmenter le vécu de l’exclusion et provoquera inévitablement des révoltes comme on en a vu en Italie.  En Italie, où les détenus se trouvent parfois à cinq dans une même cellule, un mouvement de révolte s'est en effet déclenché, provoqué par l'inquiétude sur l'épidémie et l'annulation des parloirs pour les familles. En tout, douze prisonniers sont décédés.

Il faut libérer des prisonniers.

L’Iran, pays faisant partie de « l’axe du mal » et mis en isolement par un boycott du monde occidental, a libéré temporairement 77.000 prisonniers, après les avoir testés médicalement. Des mesures inimaginables en Belgique ?

Quelques mesures de bon sens pourraient enlever immédiatement la pression sur les prisons, aussi bien sur les détenus que sur le personnel pénitentiaire. 
En diminuant radicalement le nombre de détenus dans nos prisons par la libération de tous les détenus en détention préventive (36% de toute la population carcérale) qui ne constituent pas un danger pour autrui. 
En libérant toutes les femmes prisonnières et tous les détenus âgés, fragiles, malades qui ne constituent pas un danger pour la société. En mettant fin à l’arrêt actuel des libérations conditionnelles. 
En renforçant les soins dans les prisons. 
En allongeant la possibilité de téléphoner à la famille.

On ne peut qu’espérer que l'expérience sociétale de cette épidémie augmentera la compréhension des problèmes vécus au sein du monde carcéral.

Cet article est aussi paru dans POUR et dans LEGRANDSOIR

samedi 28 mars 2020

Genepi Belgique + signataires : "Prisons et Santé : incompatibles"

 La prison est un lieu de peines et de souffrances physiques et psychologiques. Les conditions de détention en Belgique ont été condamnées à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme. 

Comme l’écrit l’ASBL i.Care sur son site internet: "La population carcérale est vulnérable de manière chronique ou temporaire. Caractérisée par une surreprésentation des catégories sociales en temps précaires, son accès aux soins est peu aisé et sa santé est parfois très affectée avant même de passer la porte des prisons". 

Les conditions de détention s’aggravent en temps d’épidémie. Depuis juin 2017, on n’en cite pas moins de trois: gale, rougeole et punaises de lit ont sévi dans les prisons de Gand, Mons, Lantin, Berkendael et Arlon. À l’heure où nous faisons tous et toutes l’expérience du confinement, nous réalisons que l’accès aux moyens permettant de maintenir du lien social est vital, tant au quotidien que sur les moyens et longs termes. C’est toutefois la rupture sociale qui caractérise souvent l’expérience carcérale. Une rupture exacerbée dans cette période de confinement total par l’absence d’accès à internet et aux réseaux sociaux, qui pour la majorité de la population dehors, nous font tenir le coup.

Le Covid-19, nous le savons, a un fort potentiel de contamination. De plus, il est potentiellement mortel particulièrement pour les populations déjà affaiblies. Le risque est encore accru pour des individus qui souffrent de troubles respiratoires et de déficiences immunitaires, ce qui est le cas de très nombreuses personnes détenues. Selon le Centre Fédéral d’Expertise de Soins de Santé, alors que 3 personnes sur 4 sont en bonne santé dans la population générale, seule la moitié́ de la population carcérale présente un état de santé normal.

Les établissements pénitentiaires, suivant les recommandations sanitaires, ont fait interdire toutes les visites depuis le 16 mars, excepté quelques visites professionnelles. Les visites de proches ont toutes été suspendues jusqu'au 3 avril a minima. En réponse à cette mesure, qui isole d’autant plus les détenu·e·s de leurs proches, 20 euros de crédit d’appel ont été alloués à chaque détenu·e.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l’effectivité de ces mesures dans cette période de crise qui accroît considérablement l’absentéisme d’agents pénitentiaires déjà habituellement sous pression et en sous-effectif chronique. Une autre mesure précise que les détenu·e·s contaminé·e·s seront transféré·e·s à Bruges et les cas graves seront hospitalisés.

Nous pensons que ces mesures sont largement insuffisantes d’une part, pour garantir la santé de toutes et tous ; et d’autre part, pour garantir les droits des détenu·e·s. En effet, face au risque pandémique, dans un espace où la promiscuité physique est exacerbée, les précautions d’hygiène et la distanciation physique sont impossibles à respecter. Cela impacte également les agent·e·s pénitentiaires qui sont débordés et s’exposent tout comme les détenu·e·s à des risques importants de contagion. Ainsi, une augmentation exponentielle des contagions menace nos prisons, ce qui risque d’aggraver la saturation des hôpitaux.

En outre, ces mesures renforcent l’isolement social et les risques psychologiques qui en découlent. Le droit des détenu·e·s et de leurs proches d’entretenir des liens familiaux est gravement menacé, d’autant plus que nous pouvons raisonnablement supposer que les mesures de confinement s’étaleront sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, comme l’indique le cas chinois. Les cas italiens et français indiquent que des émeutes parfois fatales peuvent éclater dans ce contexte particulier[2]. En Belgique, des troubles ont éclaté à Nivelles, à Termonde et à Saint-Gilles.

Si la décision du Conseil central de surveillance pénitentiaire de suspendre le contrôle des commissions de surveillance en prison (et parle de mettre sur pied une permanence téléphonique) est une précaution sanitaire nécessaire et compréhensible, cette absence ne permet plus d’avoir un regard in situ sur les conditions actuelles de vie détention qui s’annoncent donc particulièrement difficiles, voir mortifères.

En raison de l’épidémie, le parquet, par l’intermédiaire de la procureure Ine Van Wymersch, porte-parole de crise, a décidé de reporter le commencement de l’exécution de certaines peines de prison, afin de limiter les risques de contaminations. Ces reports sont évalués au cas par cas, en fonction de la gravité des infractions et de la dangerosité des personnes condamnées. Si de tels reports sont possibles, des libérations anticipées et des aménagements de peines le sont aussi.

Des réflexions allant dans ce sens sont en cours en Irlande et au Canada. Bien que des juges d’instruction lèvent certains de leurs mandats d’arrêt, ces initiatives restent individuelles et demandent une mobilisation personnelle des avocat·e·s, des greffier·ère·s, des juges et du reste de l’appareil judiciaire, ce qui ne permet ni cohérence, ni sécurité́ juridique, ni respect des mesures de confinement et de distanciation sociale.

Afin de réduire la concentration de la population carcérale, de limiter les risques sanitaires liés aux départs et retours répétés en prison et ainsi contribuer à combattre le pic d’infection, la Direction générale des établissements pénitentiaires demande, par circulaire ministérielle du 21 mars, aux directeurs de prisons d’octroyer un congé prolongé, pour certaines catégories restreintes de détenu·e·s, pour la durée de pandémie du Coronavirus. Si ces mesures vont dans le bon sens, elles ne seront pas suffisantes pour endiguer le phénomène.

C’est pourquoi, nous demandons:

Que, comme ce devrait être le cas pour toutes les personnes vivant dans des conditions précaires ou risquées, il soit organisé un dépistage systématique des personnes détenues et que des mesures sanitaires adéquates soient prises à l'égard des personnes qui répondent positivement au Covid-19.

La libération de toutes les personnes détenues vulnérables (en raison de leur âge ou de leur état de santé général), le plus possible, au moyen de la libération sous conditions si ces personnes sont en détention préventive ou de la libération provisoire ou de la libération conditionnelle si elles sont condamnées. Cela implique de s’assurer que les personnes libérées puissent disposer, à l'extérieur, des ressources humaines et matérielles suffisantes en ces temps de confinement généralisé et de mettre ses ressources à leur disposition si leur environnement extérieur est en défaut.

Le renforcement massif de l’apport de matériel sanitaire et du suivi de la santé des personnes restant détenues.

Le maintien des contacts avec les proches en facilitant encore les contacts téléphoniques (que ce soit avec les familles, les proches, les avocat·e·s et tout autre intervenant·e·s, notamment les psychologues et visiteur·euse de prison) et d’assurer la continuité des relations par tous les moyens possibles.

L’organisation de mesures alternatives efficaces pour pallier l’absence des commissions de surveillance et ce afin de maintenir le contrôle des conditions de vie pénitentiaires d'autant plus fragilisées en cette période. Une recommandation similaire est adressée aux services externes d'aide aux détenu·e·s et à leurs proches et surtout aux services et associations de santé œuvrant en milieu carcéral.

Ces mesures dépassent le seul intérêt des personnes incarcérées. La santé de tous et toutes dépend aujourd’hui de la mise en place rapide et efficace de mesures solidaires, dont aucun groupe social ne peut être exclu. Elles permettent aussi de préserver la santé précaire, tant des personnes incarcérées que des travailleurs et travailleuses au sein de la prison, en leur permettant de réduire les risques de contamination et de circulation du virus. Au risque de voir les prisons devenir un nouvel épicentre pandémique, nous devons prendre les mesures adéquates de toute urgence.

Signataires
Aide Sociale aux Justiciables de Namur - asbl ; ; Association des Visiteurs Francophones des Prisons de Belgique ; Association Syndicale des Magistrats ; Atelier des droits sociaux - asbl ; Avocats sans frontières ; Bruxelles Laïque - asbl ; Collecti.e.f 8 maars Bruxelles ; Dispositif Relais - asbl ; écolo j ; Fly - Centre ambulatoire disciplinaire ; GREPEC - Groupe de recherche en matière pénale et criminelle ; LEGALIA - Cabinet d’avocats ; Les membres de la Commission de surveillance de la prison de Lantin ; Le Mouvement des jeunes socialistes ; L’Observatoire International des Prisons-Belgique ; L’ORS Espace Libre - asbl ; Plate-Forme-Sortants de Prison - asbl ; Prospective jeunesse Relais- asbl ; Enfants-Parents - asbl ; Résilience - asbl ; Service d'Aide aux Justiciables du Centre Social Protestant ; Service Education pour la Santé - asbl;

Déborah Albelice, Avocate ; Henri Bartholomeeussen, Président du Centre d’Action Laïque ; Juliette Béghin, Criminologue et membre du conseil scientifique du Genepi Belgique ; Selma Benkhelifa, Avocate au barreau de Bruxelles ; Sandra Berbuto, Avocate ; Diane Bernard, Professeure à L’USL-B; Thomas Berns, Professeur de philosophie à l’ULB ; Mélanie Bosmans, Avocate ; Denis Bosquet, Avocat ; Chloé Branders, Membre du Conseil scientifique du Genepi Belgique et chercheuse Crid&P ; Robin Bronlet, Avocat au barreau de Bruxelles ; Fabio Bruschi, Chargé de cours à l'UCLouvain et coordinateur pédagogique à l'ARC - Asbl ; Joke Callewaert, Avocat ; Carine Couquelet, Avocate ; Antoine Couvreur, Président de DéFI Jeunes ; Philippine Crespin, Assistante en droit pénal à l’UCLouvain et avocate pénaliste au Barreau de Bruxelles ; Julie Crowet, Avocate ; Sophie Cuykens, Avocate et assistante en droit pénal à l’ULB ; Rosalie Daneels, Avocate à la Cour ; Nadia Dardenne, Chercheuse à l’UCLouvain (CRID&P) ; Bruno Dayez, Avocat au barreau de Bruxelles ; Didier Debaise, Professeur de philosophie à l’ULB ; Dimitri De Beco, Avocat, président de la Commission pénale du barreau de Bruxelles et assistant en droit pénal à l’USL-B ; Florence De Cock, Avocate ; Dominique Defraene, Professeur à l’Ecole de Criminologie de l’ULB ; Romain Delcoigne, Avocat ; Pauline Delgrange, Avocate au barreau de Bruxelles ; Vanessa De Greef, Chargée de recherche au FNRS et professeure à l'ULB ; Cloé Devalckeneer, Coprésidente d’Ecolo J ; Olivier De Schutter, Professeur à l'UCL et membre du Comité d'experts des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels ; Marie-Sophie Devresse, Professeure de criminologie à l'UCLouvain ; Christophe Dubois, Chargé de cours à l’ULiège ; Lola Gautier, Doctorante au FNRS UCLouvain et au CRID&P ; Mona Giacometti, Avocate et doctorante en droit pénal à l’UCLouvain ; Christine Guillain, Professeure à l’USL-B ; David Jamar, Sociologue à l’UMons ; Stéphane Jans, Avocat ; Dan Kaminski, Professeur à l’UCLouvain ; Laurent Kennes, Avocat et professeur à l’ULB ; Arthur Lambert, Coprésident d’Ecolo J ; Loïca Lambert, Avocate au barreau de Bruxelles ; Steve Lambert, Avocat ; Philippe Landenne, Aumônier de prison ; Véronique Laurent, Avocate ; Anne Lemonne, Chercheuse en criminologie ; Christelle Macq, Assistante en droit pénal à l’UCLouvain (CRID&P) ; Christophe Marchand, Avocat ; Jean-Marc Mahy, Educ’Acteur ; Thierry Marchandise, Magistrat et membre de la Commission de surveillance de la prison de Ittre ; Philippe Mary, Professeur à l’Ecole de Criminologie de l’ULB et président d’honneur du Genepi Belgique; Antoine Masson, Professeur à l’Ecole de Criminologie de l’UCLouvain ; Elisabeth Mertens , Animatrice à l’ARC- Asbl ; Thomas Mitevoy, Avocat au barreau de Bruxelles ; Thierry Moreau, Professeur à l'UCLouvain et avocat ; Carla Nagels, Professeure à l’Ecole de Criminologie de l’ULB ; Olivia Nederlandt, Chercheuse FNRS à l’USL-B ; Céline Nieuwenhuys, Secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux ; Joëlle Noël, Avocate ; Delphine Paci, Avocate, membre de l’OIP et assistante en droit pénal et procédure pénale USL-B ; Julien Pieret, Directeur du Centre de droit public de l’ULB ; Magali Plovie, Députée au Parlement de la Région Bruxelles-Capitale ; Marc Preumont, Avocat et professeur à l’ULB ; Elodie Querton, Assistante en criminologie de l’UCLouvain, sexologue et criminologue clinicienne ; Bertrand Renard, Professeur à la faculté de droit et de criminologie à l’UCLouvain ; David Ribant, Avocat, administrateur de la Ligue des droits humain et, assistant en droit pénal à l'Université Saint-Louis de Bruxelles ; Elsa Roland, Chercheuse en science de l’éducation à l’ULB ; Damien Scalia, Professeur à l’ULB ; David Scheer, Chercheur au CLERSE-CNRS ; Sarah Schlitz, Députée fédérale Ecolo; Thibaut Slingeneyer, Chargé de cours à la faculté de droit et de criminologie de l’UCLouvain et à L’USL-B ; Isabelle Stengers, Philosophe ; Michel Syllin, Professeur à la Faculté de Sciences psychologiques et de l'Éducation et à la Faculté de Sciences sociales et politiques/Solvay Brussels School of Economics and Management de l’ULB ; Virginie Taelman, Avocate ; Léa Teper, Avocate au barreau de Bruxelles et doctorante à l'UCLouvain (CRID&P) ; Cedric Tolley, Sociologue et coordinateur du Conseil scientifique du Genepi Belgique ; Catherine Toussaint, Avocate ; Françoise Tulkens, Ancienne juge et vice-présidente de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ; Martin Vander Elst, Anthropologue à l’UCLouvain ; Damien Vandermeersch, Professeur à l’UCLouvain et à l’USL-B ; Véronique Van Der Plancke, Avocate au barreau de Bruxelles et collaboratrice scientifique au sein de l’Institut pour la recherche interdisciplinaire en sciences juridiques de l’UCLouvain ; Patrick Van Elewyck, Membre de la Commission de surveillance de la prison de Ittre ; Aurélie Verheylesonne, Avocate, assistante en droit pénal et en procédure pénale à l’ULB/Umons et commissaire de surveillance à la prison de Forest et de Berkendael ; Luk Vervaet, Ancien enseignant dans les prisons ; Benedikte Zitouni, Professeure de sociologie à l’USL-B.

La CLAC (LA CLAC - Collectif de luttes anti-carcérales) : Covid-19 : Prisons et Répression

"Soutien aux détenus", banderole accrochée à Nivelles
 par des militants 

 1. Contexte actuel


Le covid-19 a atteint la Belgique au début du mois de mars. Par mesure de santé publique, la population est obligée de restreindre les contacts sociaux et de se confiner pour limiter la propagation du virus. Evidemment, les murs des prisons n’arrêtent pas l’épidémie, les détenu.e.s et les agents pénitentiaires ne sont pas à l’abri du risque de contamination. Bien au contraire, avec les aller-retours du personnel pénitentiaire, l’épidémie peut facilement traverser les murs et faire beaucoup de dégâts à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons. En effet, en concentrant les détenu.e.s dans des conditions d’hygiène déplorables, les prisons offrent une autoroute pour la propagation des maladies contagieuses. Entassées les unes sur les autres, les personnes incarcérées n’ont en plus qu’un accès très limité aux soins de santé et la population carcérale compte un nombre important de personnes âgées et de personnes ayant une santé fragile (deux fois plus que dans le reste de la population selon l’asbl I Care).
On le voit, pour des raisons de santé publique, avec une population carcérale plus vulnérable, des conditions de détention propices aux maladies et la perméabilité des murs face au virus, on ne peut exclure la prison de notre champ de réflexion. 

De plus, la crise sanitaire en cours permet de souligner un argument supplémentaire pour l’abolition de toutes les prisons. Si la santé publique guidait l’action des autorités sans exclure quiconque de ce droit fondamental, la première des mesures à prendre serait de vider un maximum les prisons.
Et pourtant, les mesures prises par le gouvernement en la matière accentuent encore le problème sanitaire et carcéral.
Les mesures coronavirus
Concernant le système carcéral :  
- Suspension des visites familiales des détenu.e.s
- "Don" de 20 euros en appels téléphoniques
- Production de masques de la part des détenu.e.s
- Réduction du temps de préau
- Limitation recommandée aux avocat.e.s pour la visite des détenus.
- Suspension des visites des prisons de la part des commissions de surveillance, mais le suivi de la situation continue, uniquement à distance, par téléphone.
- Maintien du droit à accéder à la prison pour les collaborateur.ice.s (police, autorités judiciaires, magistrat.e.s et services de santé et sociaux).
- Les permissions de sortie sont suspendues ;
- Les nouveaux congés pénitentiaires sont suspendus ;
- Les congés pénitentiaires prolongés sont accordés. 

Au niveau pénal :
Les services judiciaires continuent de fonctionner mais connaissent certaines restrictions : 
- Suspension des traitements de dossiers en matière pénale* dans tout le pays, sauf traitement des dossiers concernant des détenu.e.s et des dossiers dits urgents (récidives, sujets à prescription,...)
- Refus d’introduction de nouveaux dossiers sauf urgents.
- Remise des prononcés à la date du 19 avril sauf pour les détentions préventives
- Ecartement du personnel judiciaire à risque.
- Encouragement des représentations des détenu.e.s par leur.s avocat.e.s.
- Suspension automatique des requêtes de présence physique aux audiences.
- Report de certaines exécutions de peine.

* Depuis le 23 mars, les audiences concernant un ou deux détenus sont maintenues le plus possible et les détenu.e.s sont extrait.e.s pour pouvoir assister à l’audience. Les dossiers impliquant plus de deux prévenus sont reportés.
 
Ce qu’on en pense

Au regard de ces mesures, en tant que Collectif anti-carcéral, nous voulons attirer l’attention sur trois points. 
D’abord, on isole davantage les personnes détenues, on les fait toujours travailler dans des conditions indignes (salaire de misère, pas de contrat...), on rend encore plus difficile l’accès à des services externes (formations, ateliers...), les aménagements de peine sont généralement suspendus ou très inaccessibles. Seuls les congés pénitentiaires prolongés restent de mise mais constituent une mesure aux critères très exigeants et qui en réalité retardent la fin de l’exécution de la peine* : ce n’est donc pas un aménagement de peine.
Dans la période actuelle, l’incarcération et ce qu’elle entraine perdurent, les conditions de détentions s’aggravent sans équivoque.

Ensuite, les témoignages depuis l’intérieur des prisons confirment une période encore plus dure qu’à la normale. Des personnes sont confinées dans leur cellules : l’incarcération dans l’incarcération. Certain.e.s étaient libérables à un jour près avant la crise mais l’épidémie a retardé le tribunal d’application des peines : celles-eux-ci restent enfermé.e.s "à un jour près". Les visites suspendues, il ne reste que le téléphone aux détenu.e.s comme lien avec leurs proches : des contacts régis par le stress de tomber à court de crédit téléphonique. Ce sont quelques témoignages parmi d’autres reçus. 
On imagine comment cette situation peut faire craquer, qu’entendre les matons revendiquer seulement du matériel pour eux peut foutre la haine, qu’entendre la panique dehors sans pouvoir être près de ses proches peut rendre l’inquiétude invivable, que se rendre compte que la société vous oublie peut dégouter. 
Etre réduit à l’impuissance quand le danger menace est psychologiquement invivable. Les restrictions imposées, le sentiment d’abandon, d’impuissance et la peur qui s’installent entraînent une légitime réaction des détenu.e.s. En Italie, en France ou en Belgique, les détenu.e.s se révoltent et tentent de s’évader de leur cages mortifères.
Au-delà des mesures gouvernementales et des comptes rendus sanitaires, c’est ces vécus et paroles qui comptent.

Enfin, les médias parlent d’initiatives de solidarité. Nous ne voulons pas nier leur importance, surtout en cette période, mais nous refusons de qualifier de réelle "solidarité collective" une entraide qui fait le tri entre les personnes en fonction de leur statut social et leur casier judiciaire. Il est clair qu’en maintenant les murs des prisons, les décideurs.ses politiques sont les premier.e.s responsables de cette logique de tri. Cependant, il appartient à l’ensemble de la population de faire attention à cette logique et d’aller à son encontre.

2. Liberté pour tou.te.s


Nous appelons à la libération de toutes les personnes détenues en maison d’arrêt, en maison de peine et en centres fermés pour étranger.e.s. Nous appelons à la libération en deux temps dont les critères ne sont pas uniquement déterminés par les catégories du système pénal. Il n’est pas question ici de longue/petite peine, ni de femmes/hommes, ni de domiciliés/sdf. 
Pour penser la libération, nous appelons maintenant et toujours à se baser sur l’avis des premier.e.s concerné.e.s (détenu.e.s, familles, proches etc.), à prendre en compte les situations singulières de chacun.e et à ne pas considérer une situation comme inchangeable (si quelqu’un est dans la galère, organisons-nous pour l’en sortir plutôt que de le foutre en taule sur base de l’éternel prétexte de la "réinsertion").
Nous appelons à la libération immédiate et inconditionnelle des personnes ayant la possibilité de séjourner dans un espace où iels se sentent en sécurité, qui n’ont pas été condamnées pour des faits répétés de violence physique ou psychologique sur des personnes et pouvant être soutenues par un entourage solidaire. 
Sans attendre la fin de la crise sanitaire, nous appelons à une libération différée pour les autres personnes détenues, le temps de mettre en place des mesures post-détention sans que ces dernières ne soient uniquement individuelles mais collectives, et qui ne suivent pas les logiques de contrôle pénitentiaire mais qui permettent d’assurer un retour de la personne dans la vie collective .

Concrètement :
Nous appelons à la réquisition de batiments vides pour offrir un espace aux personnes sans lieu de séjour adéquat pour elles et leur entourage.
Nous appelons à l’organisation d’entourages soutenant qui permettent la mise en place d’un cadre apaisant.
Nous n’excluons pas les mesures d’éloignements (c’est-à-dire l’interdiction d’approcher une victime) qui permettent un meilleur équilibre entre protection et restriction que la prison. 
Nos revendications s’articulent autour des personnes détenues mais il nous semble évident qu’elles s’accompagnent d’une prise en charge collective du ressenti et de la sécurité des personnes qui se considèrent comme cible ou comme victime. 
 
En vue de l’abolition des prisons et d’une meilleure prise en compte de ce qui peut nous insécuriser, ces mesures de solidarité devraient être permanentes.
En cette période de crise sanitaire, la prison devient encore plus inhumaine et ces mesures sont d’autant plus pertinentes.

3. Délation, police & répression

 
Il n’est pas possible de parler des prisons sans parler de répression. Nous voulons partager nos peurs vis-à-vis des comportements que peuvent engendrer la période actuelle et ce que nous avons déjà observé.

Appeler la police a des conséquences
Le temps semble être propice à la délation : "Ce voisin qui écoute de la musique trop fort et qui n’est surement pas seul", "Ce couple qui boit un verre dans un parc public", "Ce groupe de personnes un peu trop statique en rue", "Ces cris en bas de chez moi" etc. Faire appel à la police est encore plus encouragé que d’habitude sous prétexte que "c’est le boulot de la police", "c’est dans l’intérêt de tout le monde" et "je peux pas y aller moi-même". 
Limitons le recours à la police tant que possible. La répression policière est encore plus forte actuellement et peut entrainer des poursuites. La dénonciation a des conséquences et la machine judiciaire, t’y mets un pied, elle te bouffe la jambe. Lorsqu’on fait appel à la police, on perd la maitrise des conséquences que cela aura.
Il existe des alternatives pour instaurer collectivement un climat de sécurité. Par exemple, mobilisons des personnes pouvant prendre le rôle de médiateurs.trices autour de nous pour régler nos conflits.

Ne réveillons pas le flic qui est en nous
Si nous proposons de réagir face à des situations problématiques, il ne s’agit pas de jouer les flics-justiciers. On pense aux personnes sans-abris qui se font encore plus expulser des caves d’immeubles par les locataires. On pense aux militant.e.s voulant afficher des messages de soutien qui sont empêché.e.s par des "bons citoyens". On pense à tou.te.s les mal-logé.e.s qui se font moraliser parce qu’elles restent dehors.
Nous devons collectivement nous soucier de la santé mais ne soyons pas pour autant agent.e.s du
maintien de l’ordre.

N’acceptons pas n’importe quoi
En cette période, nous assistons à un renforcement du contrôle des données privées, à une multitude de restrictions, à une extension du pouvoir du gouvernement, à une augmentation d’arrestations dans les quartiers populaires où les personnes partagent un petit espace de vie souvent à beaucoup.
Nous appelons à être attentif.ves au sens de ces mesures et au contrôle excessif qu’elles impliquent.
Cette crise laissera des marques dans l’organisation de la vie collective et dans nos relations. Nous refusons que ces traces soient celles de la répression et de la dénonciation. C’est le moment de choisir une réelle solidarité qui inclut les personnes détenu.e.s et les personnes vulnérables en tout temps.
LA CLAC - Collectif de luttes anti-carcérales

lundi 23 mars 2020

Une aide-soignante dans une maison de repos et de soins met en garde les autorités pour une catastrophe sanitaire dans les prisons

A la maison de repos et de soins où je travaille, il y a un laxisme qui étonne. 
On y travaille comme avant, sans port de masque. 
Nous avons très peur d'être porteurs du virus et de contaminer les résidents. 
On va recevoir des masques seulement demain. Mais on ne les utilisera que pour soigner des personnes contaminées ( il n'y en a pas encore ). Pour économiser. Beaucoup refusent de travailler, ce qu'on peut comprendre. 
Je pense que ce sera une vraie catastrophe si un des patients est contaminé. Je pense que ce sera pareil pour les prisons. Un seul cas changera tout. 
On pourrait poser une série de questions très concrètes aux responsables politiques pour qu'ils se rendent compte qu'il n y a pas d'autre choix que de protéger le personnel dans les homes et dans les prisons. 
Pour les prisons, il faut libérer des détenus, du moins une partie. Combien de pièces d'isolement y aura-t-il dans les prisons ? Combien de tabliers, de charlottes, de gants et de masques sont prévus ? Comment assurer le suivi des soins si tous les travailleurs de prison refusent de travailler ? Est-ce une solution de faire face à la crise avec des intérimaires qui ne connaissent pas la réalité du terrain ? Comment encadrer les proches qui vont accueillir les détenus malades ? Comment et qui va les soigner, alors que tous les soignants des hôpitaux sont débordés et épuisés? Quels sont les nouveaux protocoles en prison au niveau de la désinfection et ceux qui le font sont-ils bien formés pour l'hygiène hospitalière ?

dimanche 22 mars 2020

L'association d'ex-détenus "eran, eraus ... an elo?" demande au ministre de la justice luxembourgeoise des mesures pour limiter les conséquences du COVID-19 dans les prisons (en luxembourgeois, français et allemand)

eran, eraus … an elo ? 
9a boulevard prince Henri 
1724 Luxembourg eran_eraus_an_elo@yahoo.com 



Etat de crise … och am Prisong! 


Mir wëllen hei keng onnéideg Panik verbreeden, mir mengen awer, dass dëse spezielle Moment vum COVID19 nach méi staark am Prisong muss berécksiichtegt ginn. An eisen Nopeschlänner gi sech am Moment ganz vill Gedanken em d’Situatioun vun de Prisonéier gemaach a mir wëllen, dass och hei zu Lëtzebuerg déi richteg Mesurë geholl ginn. 

Interne Mesuren am Prisong: 
  
Et si jo schonns puer Mesurë getraff gi vun der Administration pénitentiaire déi jo och an de Communiquéë vum 13/03/20 a vum 18/03/20 matgedeelt goufen. 

Am Groussen am ganze begréisse mir dës Mesuren déi getraff gi sinn. Trotzdeem wëlle mir bëssi méi am Detail op d’Konsequenze vun dëse Mesuren agoen. 

Ee vun de Problemer, deen sech stellt ass, dass eng grouss Zuel vu Prisonéier vun elo un wäert ganz isoléiert musse liewen : keng Aarbecht, kee Sport, keng Visitten, usw. 

An deem Kontext begréisse mir et ausdrécklech dass d’Salairë wieder bezuelt gi an all deenen Ateliere wou elo net méi dierf geschafft ginn. 

Mir begréisse och besonnesch déi Mesure déi ergraff gi si fir dass d’Prisonéier iwwert Skype de Kontakt mat hire Famillje kënne weiderfeiere – well awer soss keng Visitte méi méiglech sinn a bestëmmt och net all Familljemember Skype doheem huet, fuerdere mir, dass d’Telefonéieren esou laang gratis ass, bis dass d’Visiten erem erlaabt gin. Daat fuerdert och déi franzéisch ‘Contrôleur général des lieux de privation de Liberté’ an engem Communiqué vum 17/03/20 : ‘ (…) la gratuité du téléphone pendant la période de la crise sanitaire’. 

Dës extrem Situatioun, gekoppelt mat der Angscht fir den COVID-19 ze kréien, dréckt natierlech op d’Stëmmung vun den Prisonéier. Et ass also am Moment wichteg fir déi richteg Moossnamen ze ergräifen an déi och richteg ze kommunizéieren. 

Mir sinn zwar nach (hoffentlech) weit vun italienesche Verhältnisser ewech, mee an engem Spiegel Artikel  heescht et : ‚ (…) Denn was passieren kann, wenn Gefangene mit den Maßnahmen nicht einverstanden sind, zeigte sich jüngst in Italien. Dort starben bei Gefängnisrevolten mindestens sechs Menschen – zuvor war verkündet worden, dass die Insassen keinen Besuch von Angehörigen mehr empfangen dürften.‘ 

Wéi d’Situatioun am Moment am Prisong ass, spigelt sech gutt am folgendem Dokument zréck : Communiqué commun du 17/03/20 de 5 associations  : ‘Si le confinement imposé à la population générale peut être en partie adouci par les moyens de communication moderne, rappelons que les détenus ne peuvent utiliser Internet et ont un accès restreint au téléphone : pour eux – la grande majorité – qui ne bénéficient pas encore d’un téléphone fixe en cellule, ils dépendent du personnel pénitentiaire pour accéder aux cabines 
  
placées sur les coursives ; et pour tous, ces appels ont un coût important, qui limite de fait leur capacité à prendre des nouvelles de leurs proches.’ 

Weider heescht et an dësem Text: ‚A la promiscuité en cellule s’ajoute la multiplication des contacts à l’occasion des promenades ou des douches collectives. Malgré cela, les détenus n’ont pas le droit de porter des masques ; ils n’ont, pour la plupart, pas de gants ; le gel hydro-alcoolique leur est refusé, l’alcool étant interdit en détention. Par ailleurs, les contacts entre détenus et personnel pénitentiaire sont inévitables – alors que surveillants, eux aussi, rapportent manquer de matériel de protection.’ 

Mir wëllen an dësem Kontext froe wéi d’Situatioun zu Lëtzebuerg ass : hunn d‘Prisonéier d’Méiglechkeete fir Maske respektiv Händchen ze kréien ? Ass et méiglech, dass all Prisonéier eng Fläsch mat desinfizéier Gel kritt? An wéi ass d’Equipement vun de Giischtercher fir een Ausbreede vum COVID-19 ze verhënneren? 

Ze Bedenke muss een, dass et bei de Prisonéier vill Persoune mat Drogeproblemer sinn an, dass et och relativ vill al Persounen am Prisong gëtt – et gëtt jo zeguer nogeduecht eng Geriatrie op Schraasseg ze bauen. Dat bedeit jo ganz kloer, dass hei vill vulnérabel Persounen op ganz enkem Raum zesumme liewen. 

An dësem Spiegel-Artikel heescht et wieder: ‚Viele seien drogenabhängig, teilweise gar schwer körperlich geschädigt. Für sie stelle eine Infektion ein großes Risiko dar.‘ 

Mir wëllen drop hiweisen, dass een Ausbreede vum COVID-19 sécherlech ganz schlëmm Konsequenze fir déi spezifesch Populatioun aus dem Prisong hätt. 

Mir géifen  begréisse wann méi géif iwwert dat medezinescht Equipement vum CPL kommunizéiert géif gi : wéi ass den CPL equipéiert an organiséiert fir esou engem Extremfall ze begéinen? Mir froen eis ob et Beotmungsmachinen am CPL ginn? Falls net, froen mir eis ob een Prisonéier dat selwecht Recht huet am CHL traitéiert ze gi wéi eng aner Persoun? 

Ausserhalb vum Prisong: 

Mir kënnen eis Situatioun zu Lëtzebuerg net direkt mat der Situatioun am Frankräich vergläiche – mir leiden net ënnert der selwechter ‚surpopulation‘ wéi an eisem Nopeschland. Trotzdeem muss an dëser Pandemie Zäit ALLES ënnerholl gi fir de Prisong esou eidel wéi méiglech ze kréien. Eiser Meenung dierf zum Beispill keng Zell am Moment duebel beluecht sinn – nëmmen esou ass et méiglech eng Katastrophe zu Schraasseg ze verhënneren. 

Am Frankräich an Däitschland sinn d'Autoritéite sech dëser Problematik voll bewosst : 

Communiqué du 17 mars 2020 du mars 202 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté : Situation sanitaire des prisons et centres de rétention administrative : ‘Le CGLPL demande la prise de mesures immédiates et concrètes pour la protection des personnes privées de liberté :  (…) Leur sécurité n’est plus garantie ; l’administration manquera donc à son obligation de protéger les personnes qu’elle a placées sous sa garde si elle ne prend pas d’urgence les mesures nécessaires. C’est pourquoi le GGLP recommande de réduire la population pénale (…) en proposant, adoptant ou suscitant toute mesure utile pour favoriser les sorties de prison et limiter les entrées.’ 

Communiqué commun du 17/03/20 de 5 associations  : (…) il faut aujourd’hui permettre à un maximum de personnes de sortir immédiatement de ce vase clos. Il est aujourd’hui urgent, pour limiter les risques de crise sanitaire en détention, de réduire drastiquement le nombre de personnes détenues (…).  
o Il faut d’abord limiter le nombre des entrées : privilégier les peines alternatives à l’incarcération et le placement sous contrôle judiciaire à la détention provisoire, différer la mise en exécution des peines de prison (…).  
  
o En parallèle il faut impérativement faire sortir de prison toutes les personnes qui peuvent l’être. Des instructions devraient être données aux parquets afin de systématiser et généraliser les mesures déjà prévues par la loi : libérer sous contrôle judiciaire les personnes prévenues, multiplier les aménagements de peine et anticiper la libération des personnes en fin de peine, suspendre les peines pour raison médicale des personnes les plus vulnérables . Des disposition exceptionnelles pourraient par ailleurs être prises en plus de ces mesures : augmentation des réductions de peine, examen des demandes de libérations sous contrainte sans réunion de la commission d’application des peines, loi d’amnistie, etc. 

Car l’emprisonnement constitue un risque sanitaire qui met aujourd’hui en danger la vie de ceux qui y sont condamnées et de ceux qui les accompagnent.’ 

De franséische Justizminister huet sech dëse Fall schonn zu Hierze geholl a Folgendes ordonéiert: 

Circulaire relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie COVID-19’ du 14/03/20 : ‘le ministère esquisse une adaptation de sa politique pénale aux circonstances exceptionnelles du moment. Il est d’abord demandé aux magistrats du parquet de limiter les déferrements et les gardes à vue aux affaires les plus graves ou aux cas indispensables, en termes de sûreté ou d’ordre public. Certaines enquêtes seront mises entre parenthèses, et des interpellations repoussées à plus tard. Des mesures de contrôle judiciaire, comme le pointage aux commissariat, pourront être assouplies. (…) Enfin, pour ce qui est de l’exécution des peines, l’exécution de mandats devra être limitée, celles des courtes peines pourra être différée, et les détenus condamnés auxquels il reste moins d’un an à purger pourront être libérées « pour motif grave, d’ordre médical, familial, professionnel ou social »’. 

Mee och an Däitschland geschéie Saache wou ee viru puer Deeg nach net fir méiglech gehale hätt: 

Extraiten aus dem Artikel  vum ‚Der Spiegel‘  :  

Viele Täter müssen Freiheitstrafen nicht mehr antreten, Arrestanstalten schließen: In den Gefängnissen der Republik geht die Angst vor dem Virus um – doch eine Infektion wird sich kaum vermeiden lassen. 
In Nordrhein-Westfalen (…) müssen jugendliche Täter ihren Arrest nicht mehr antreten. In RheinlandPfalz schloss die Jugendarrestanstalt Worms bis auf weiteres, alle Heranwachsende, die dort einsaßen, kamen von einem auf den nächsten frei. (…) In Sachsen-Anhalt machte die Jugendarrestanstalt Halle dicht (…). 

Mir froen an dësem Kontext d’Justizministesch op esou eng Mesure och fir d‘UNISEC a Fro kennt? A wann net, wat sinn Grënn fir hei anescht ze handele wéi eis dätsch Noperen? 

Berlin geht sogar noch einen Schritt weiter. Freiheitsstrafen von weniger als drei Jahren müssen dort aktuell nicht angetreten werden. Sie sollen erst wieder ab Mitte Juli vollstreckt werden. 
Iran wiederum ging den umgekehrten Weg, um die Pandemie in den Haftanstalten einzudämmen – und wohl auch Aufständen vorzubeugen. Ein Justizsprecher gab am Dienstag in Teheran bekannt, die Regierung habe 85.000 Häftlinge vorübergehend freigelassen. Grund sei der Ausbruch des Coronavirus, sagte Ebraim Raisi, der Oberste Richter des Landes. 

Wann also zeguer ee Land wéi den Iran et fäerdeg bréngt am Moment raisonnabel Mesuren z’ergräife fir eng Pandemie am Prisong z‘évitéieren, da sinn mir der Meenung, dass dat och zu Lëtzebuerg méiglech misst sinn. 

Mir fuerderen also eis Justizministesch Sam Tanson heimadder ganz vehement op, sech un eisen Nopeschlänner z’inspiréieren a ganz schnell Mesuren z’ergräife fir eng ‚crise sanitaire‘ zu Schraasseg z’evitéieren. 

 eran, eraus … an elo ?