Une lettre de Nordine Benallal depuis la section de haute sécurité de Bruges.
Een brief van Nordine Benallal vanuit de AIBV te Brugge.
ETRANGER
" C'est bien possible qu'il y a juste un truc qui cloche avec moi, mais je me suis toujours senti comme un étranger. Dans n'importe quel environnement où je me trouve, je suis étranger. Rien d'autre qu'un allochtone dans ma ville. Depuis la naissance, ils m'ont mis un tampon 'allochtone'. Ils ont changé le système maintenant, « modernisé » si tu veux, mais le principe reste le même. Je dis allochtone, parce que j'ai passé trop de temps en Flandres, et plus haut encore, chez leurs amis hollandais, ceux qui ont colonisé la Belgique avant que ce ne soit la Belgique. Le pays qui donne l'eau à la bouche encore à ces petits ministres flamands, le pays qui leur sert de grand exemple. Je pourrai aussi dire délinquant. Petit marocain ici, berbère là-bas - sale et pauvre - rien de plus qu'un touriste perdu au Maroc.
Je suis resté sourd à la langue de camp de concentration moderne qu'est cette taule de Vught, en Hollande, où j'ai été enterré vivant pendant quelques années. De là, j'ai ensuite bougé à quelques kilomètres, mais le décor a peu changé. C'est d'ailleurs le grand exemple de l'EBI à Vught que la Belgique a emprunté pour construire son bloc d'isolement. Enfermé dans un cachot institutionnalisé et permanent dans la prison-usine de Bruges, la différence est dans la couleur des murs. Avec les matons, on n'a pas à se comprendre, je n'ai rien à voir avec eux, je n'ai pas à être ici.
Étranger aux miens aussi. Coup après coup, c'est moi qui me retrouve dans le banc des accusés, je regarde autour de moi, y a personne, étrange. Accusé et condamné en premier lieu par les médias, avec les juges en croupe, et les honnêtes citoyens. Et comble de tout, par de soi-disant complices : c'est devenu tellement de bon ton et si facile de marcher avec la police pour sauver son propre cul. Et ceux qui n'ont jamais rien su, ni vu, ni entendu, ramassent bien, évidemment. Pourtant, je ne penserai même pas une seconde à changer quoi que ce soit. Comme on dit, la mauvaise herbe repousse toujours. Et j'entends bien être une mauvaise herbe dans leur prairie de bonnes intentions. Face à un monde aussi exécrable, que ce soit ici ou dehors, la seule chose que t'as, c'est ta dignité. Quand tu la vends, peu importe si t'as bien encaissé, tu l'a vendue, ta dignité. A l'intérieur de toi, t'es déjà mort.
Comme c'est l'argent qui fait tourner le monde, la prison n'échappe pas non plus à cette logique. Faire travailler les prisonniers, c'est un vrai business. Toutes sortes d'entreprises ont des contrats ici. Les camions vont et viennent toute la journée. De toutes les prisons que j'ai connues, faut dire que Bruges vole haut. Un peu comme aux États-Unis où règne le monde du fric. Sur les 800 prisonniers qu'il y a ici, une grande partie travaille. Pour une rémunération minable, dans des conditions indignes, mais pas de soucis avec la législation : profit garanti ! Comme pour les sans papiers dehors, l'exploitation n'a plus de limites. La directrice m'a aussi demandé de travailler. Ça, c'était une bonne blague. Moi, j'irais chipoter avec de petits pots en plastique à longueur de journée pour remplir leurs poches? Je ne pense pas.
Ici, un homme est maintenant attaché à une chaise, mains et pieds liés, c'est comme ça qu'ils le trimballent à la douche à 10 mètres de la cellule. Ses hurlements des dernières semaines ont cessé, il ne fait plus que pleurer, jour et nuit. Ils bourrent tout le monde de médicaments. Ils disent que ce sont des vitamines, je leur réponds que s'ils en ont quelque chose à foutre de notre santé, qu'ils nous donnent des fruits. Ou qu'ils nous libèrent tout court. Les infirmières passent trois fois par jour. Parfois plus, quand nécessaire, comme cette fois où ils avaient besoin de vraiment droguer les gens au point qu'ils ne pouvaient plus parler, ni bouger ; c'était quand la télé est passée il y a deux semaines, avec le souci de bien montrer comme tout va bien ici, bien selon les règles. Quand, évidemment, ils ne pouvaient pas parler avec ceux qui auraient peut-être eus quelque chose à dire. Mais on a largement dépassé le stade où il suffirait de dénoncer ce qui se passe. De toute façon, ça ne choque pas. Beaucoup plus qu'exercer la répression physique contre les gens, ils ont réussi à rentrer dans leur tête. À partir de ce moment-là, c'est perdu : les gens ne voient plus que le monstre que les médias ont créé, l'étranger. Ce genre de régimes ultra-répressifs tombent pas du ciel, il y a des personnes qui lui donnent forme, qui le perpétuent jour après jour. Ce sont eux les responsables. Comme monsieur Meurisse et sa bande de laquais, ce monsieur qui a dû se cacher dans un bunker avec sa famille quand un prisonnier a réussi à s'évader d'ici. Pendant que des flics armés jusqu'aux dents protégeaient la prison de Gand, sa résidence officielle. Tous les autres, tous ceux qui exécutent ses ordres, se cachent derrière lui, pour se déresponsabiliser, comme des lâches.
La question de la prison, c'est vraiment très simple. Dans cet environnement, il n'y a pas dix mille options. Pour être franc, il y en a trois. Soit tu deviens fou, soit tu te suicides, soit tu t'évades. Vraiment très simple. Tout ce que ces hypocrites font, c'est caqueter réinsertion ici, resocialisation là. Et entre-temps t'es enfermé ici, et c'est une vraie lutte de ne pas perdre tes sens, aussi bien la raison que les choses qui paraissent les plus simples. Toucher, voir, sentir, entendre. Penser la liberté, de presser pour l'atteindre, c'est ce qui te garde en vie".
Vreemdeling.
"Het is goed mogelijk dat het gewoon aan mij ligt, maar ik heb me altijd als een vreemdeling gevoeld. In welke omgeving ik me ook bevonden heb, ben ik een vreemdeling. Niets anders dan een allochtoon in mijn stad. Sinds mijn geboorte kreeg ik de stempel 'allochtoon'. Nu hebben ze het systeem veranderd, een beetje 'gemoderniseerd', maar het principe blijft hetzelfde. Ik zeg allochtoon, omdat ik teveel tijd heb doorgebracht in het land van Vlaanderen en nog hoger, bij hun Hollandse vrienden, diegenen die België koloniseerden voor het België was. Het land dat die kleine vlaamse ministertjes doet watertanden, het land dat hen als groot voorbeeld dient. Ik zou ook delinquent kunnen zeggen. Hier klein marokkaantje, ginder een berber – vuil en arm – niet meer dan een verdwaalde toerist in Marokko.
Ik blijf doof voor de taal van het moderne concentratiekamp dat die gevangenis in Vught in Nederland is, waar ik verschillende jaren levend werd begraven. Nu ben ik enkele kilometers verderop, maar het decor is weinig veranderd. Voor België was de EBI in Vught trouwens het grote voorbeeld voor haar eigen isolatiemodule. Opgesloten in een geïnstitutionaliseerd en permanent cachot in de gevangenis-fabriek Brugge, het verschil zit in de kleur van de muren. Met de cipiers is er geen sprake van elkaar te begrijpen, ik heb niets met hen te maken, ik moet hier niet zijn.
Vreemd van de mijnen ook. Keer na keer beland ik op de beklaagdenbank, ik kijk rond mij, er zit niemand, vreemd. Beschuldigd en veroordeeld in de eerste plaats door de media, met de rechters en de eerlijke burgers aan hun rokken. Toppunt van alles, door zogenaamde medeplichtigen. Het is zo bon ton en gemakkelijk geworden om met de politie mee te werken, om je eigen gat te redden. En diegenen die nooit iets geweten, gezien of gehoord hebben, incasseren natuurlijk. Maar ik zou er geen seconde aan denken om ook maar iets te veranderen. Onkruid vergaat niet, zoals ze zeggen. En ik wil zeker onkruid blijven in hun weiland van goede bedoelingen. In deze wereld, walgelijk als hij is, is je waardigheid het enige dat je hebt, of het nu hier is of buiten. Wanneer je ze verkoopt, en het doet er weinig toe of je goed geïnd hebt, ben je binnenin al dood.
Zoals het geld deze wereld doet draaien, ontsnapt ook de gevangenis niet aan deze logica. Gevangenen doen werken is een echte business. Allerhande bedrijven hebben hier contracten. De hele dag door rijden vrachtwagens af en aan. Van alle gevangenissen die ik gekend heb, moet ik zeggen dat Brugge hoge toppen scheert. Een beetje het Amerika van de wereld van de poen. Van de 800 gevangenen die hier zitten, werkt een groot deel. Voor een miezerige vergoeding, in onwaardige omstandigheden, geen problemen met de wetgeving, gegarandeerde winst. Zoals alle mensen zonder papieren buiten, heeft de uitbuiting hier binnen geen grenzen meer. De directrice heeft me ook gevraagd om te werken. Dat was een goede grap. Ik zou hele dagen lang gaan klooien met kleine plastieken potjes, om hun zakken te vullen? Ik denk het niet.
Hier wordt nu een man aan een stoel vastgemaakt, handen en voeten gebonden. Zo zeulen ze hem naar de douche die 10 meter verderop is. Zijn geschreeuw van de laatste weken is gestopt, nu huilt hij alleen nog maar, dag en nacht. Ze proppen iedereen hier vol met medicijnen. Ze zeggen dat het vitaminen zijn, ik antwoord dat, als ze iets geven om onze gezondheid, ze ons beter fruit kunnen geven. Of ons gewoon vrijlaten. De verpleegsters komen drie keer per dag langs. Soms vaker, als dat nodig is. Zoals toen ze de mensen hier echt moesten drogeren, tot op het punt dat ze niet meer konden bewegen noch praten; wanneer de tv hier is langsgeweest, twee weken geleden. Ze wilden tonen dat alles hier wel degelijk goed gaat, juist volgens de regels. Wanneer ze uiteraard niet mochten praten met diegenen die werkelijk iets te zeggen hebben. Maar we zijn het stadium waar het zou volstaan om wat hier gebeurt aan te klagen ver voorbij. Het choqueert sowieso niet. Veel meer dan fysieke repressie op gevangenen uit te oefenen, zijn ze erin geslaagd om zich in hun hoofden te nestelen. Dan is het verloren. De mensen zien enkel nog het monster dat de media gecreëerd hebben, de vreemdeling. Dergelijke ultra-repressieve regimes komen niet uit de lucht vallen, er zijn mensen die haar vorm geven, dag na dag verder zetten. Zij zijn verantwoordelijk. Zoals Meurisse en zijn bende, die meneer die met zijn familie is moeten gaan schuilen in een bunker, wanneer een gevangene erin sloeg om te ontsnappen van hier. Terwijl zwaargewapende flikken de gevangenis van Gent beschermden, zijn officieel adres. Alle anderen voeren zijn bevelen uit, en schuilen zich als lafaards achter hem, en proberen de verantwoordelijkheid van zich af te schuiven.
De kwestie van de gevangenis is zeer eenvoudig. In deze omgeving zijn er geen tienduizend opties. Om eerlijk te zijn, zijn er drie. Ofwel word je gek, ofwel pleeg je zelfmoord, ofwel ontsnap je. Echt heel simpel. En het enige wat die hypocrieten doen is kakelen over integratie hier en resocialisering daar. Ondertussen ben je opgesloten, en is het een echte strijd om je zinnen niet te verliezen. Zowel je verstand als de dingen die zo simpel lijken, aanraken, zien, ruiken, voelen, horen. Nadenken over vrijheid, dringen om haar te bereiken, dat is wat je in leven houdt".