mercredi 29 février 2012

Adlène Hicheur : message de la prison de Fresnes

photo prison de Fresnes

Une Mise au point d'Adlène Hicheur

Je publie intégralement ci-dessous cette mise au point d'Adlène hicheur au sujet des informations parues récemment dans la presse à son sujet. Rappelons que pour avoir échangé sur des forums internets qualifiés "d'islamistes" par les fonctionnaires de la DCRI, M.Hicheur, chercheur en physique des particules et enseignant à l'EPFL de Lausanne, est maintenu depuis deux ans et demi en détention provisoire à la maison d'arrêt de Fresnes, et sera jugé les 29 et 30 Mars à Paris.

Fresnes, le 15 février 2012

Je me sens obligé de sortir de ma réserve pour dénoncer l’exposition hystérique de ma personne, et la pression qui s’en suit sur mes proches, après avoir déjà subi une campagne acharnée de destruction parallèle à une incarcération injuste basée sur un dossier traficoté de toutes parts et qui sera débattu en temps voulu.
Il s’agit aussi de marquer le coup face aux prétentions de certains organes d’information à vouloir défricher de manière simpliste une intrigue riche en subterfuges. Ces tentatives d’explication avant l’heure, qu’elles soient de bonne ou de mauvaise foi, sont de toute façon au minimum maladroites, préjudiciables à mes intérêts et faussent complètement l’image de la réalité.
Ainsi, je dénonce le saupoudrage d’éléments non débattus, présentés comme des vérités établies, et la tentation générale de faire un procès dans la rue, sur la seule base de la matière accusatoire. Cette situation m’est d’autant plus pénible que je suis éprouvé par une détention très longue, effectuée dans des conditions difficiles, et que je suis dans l’incapacité de préparer convenablement ma défense, une énième demande de mise en liberté ayant été rejeté récemment.
Je dénonce plus particulièrement certains quotidiens français à grand tirage, qui n’hésitent pas à se faire porte-voix, exégètes et pédagogues de la mouture de l’accusation, faisant montre d’une volonté manifeste de me nuire, d’atteindre à ma dignité, voire même de préparer l’opinion au couronnement d’une injustice en cours depuis bientôt 28 mois. 
Deux ans après la campagne de lynchage de la fin 2009, le bal est ré-ouvert depuis quelques semaines comme par exemple dans le quotidien Libération (un article du 10 janvier 2012), dont je n’ai pu prendre connaissance que ces dernier jours. En effet (dans cet article et dans d’autres plus récents, me dit-on), la présentation de l’intrigue suit exactement le script de l’accusation relatant des éléments à prendre avec de grosses pincettes. Si je ne conteste pas aux journalistes le devoir de présenter les deux versions de l’affaire me concernant, je proteste contre des procédés et autres expressions me décrivant de manière assez tendancieuse.
 Ainsi, faute de vouloir aborder la question (principale !) du vide pénal d’une affaire instrumentalisée, on joue sur la représentation symbolique, la psychologie, voire la para-psychologie, pour s’en prendre à ma personne sous différents angles, non sans maintes contradictions. Je découvre ainsi que je serais « Musulman pratiquant … mais avec des flottements dans la foi», phrase recomposée à des fins évidentes et que je n’ai jamais prononcée telle qu’elle est écrite. A contrario, je suis accablé d’un certain nombre de « ismes » et de « istes » disponibles dans le magasin de l’action psychologique. Le dénigrement se parachève par la mention de certains passages supposés de dépositions qui, pris isolément, ne veulent rien dire et qui ne sont utilisés que pour construire un état d’esprit, des traits de « personnalité ».
Viennent ensuite les fameux passages incriminés, extirpés de leur contexte, très approximativement traduits de l’arabe, et montés en épingle comme étant le cœur de l’accusation, qui justifierait tout ce festival et le fait d’enterrer vivante une personne pendant des années, compromettant ainsi même l’idée de procès équitable.
Enfin, puisqu’il faut toujours avoir plusieurs flèches dans le même carquois, il est fait mention de reproches relatifs à une prétendue contribution à un organe médiatique d’une organisation armée. Or, il faudrait prendre le temps de vérifier la crédibilité des énormités et confusions entretenues dans le scénario accusatoire, éléments qui seront dévoilés en un temps et un lieu appropriés.
Aucune précaution n’est prise, aucune remise en cause des contradictions, des excès et des incohérences n’est faite. La connivence journalistique est quasi-totale. Le fait de laisser moisir quelqu’un pendant plus de deux ans sans jugement sur la base d’éléments aussi insignifiants et retravaillés ne semble pas choquer certaines plumes. Quel spectacle lamentable offert sans pudeur !
Il n’est bien sur pas question ici de développer les réfutations de la défense qui mettront en lumière des pratiques détestables et iniques. Il est surtout question d’exprimer un raz le bol car il est à craindre que d’autres adeptes du lynchage et de la chasse aux sorcières emboitent le pas.
Dans tous les cas, on peut espérer que les gens se posent la question sur les raisons profondes pour lesquelles on en arrive à un tel engrenage frénétique qui démontre ‘absence d’un sens minimal de raison, de lucidité, et de responsabilité chez des personnes qui utilisent les moyens de l’état et un pouvoir discrétionnaire quasi illimité pour servir des intérêts qui sont avant tout particuliers

Adlène Hicheur, Maison d’arrêt de Fresnes, 15 février 2012

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