mercredi 30 décembre 2020
“Les frites du naturiste” par Marcus, 20 janvier 2018
samedi 26 décembre 2020
Abdelkader Belliraj, définitivement innocenté en Belgique, le Maroc cassera-t-il sa condamnation à perpétuité ?
par Luk Vervaet
Le jeudi 24 décembre 2020 la Chambre de mise en accusation de Bruxelles a définitivement innocenté Abdelkader Belliraj.
Il y a douze ans, la nouvelle venant du Maroc avait fait l'effet d'une bombe : selon le Maroc, lors de son arrestation dans ce pays en 2008, Abdelkader Belliraj avait avoué six meurtres politiques commis en Belgique dans les années 1980, et jamais résolus ici jusqu'à ce jour. Ce que ni la justice ni la police belges n'avaient réussi à résoudre, les autorités marocaines s'en étaient montrées capables : à la consternation de tous, vingt ans après les faits, elles offraient sur un plateau la tête d'un coupable à la Belgique.
Pendant près de douze ans des recherches ont été poursuives par les services de la police belge pour trouver des preuves de cette accusation marocaine contre Belliraj.
Jeudi dernier, le tribunal belge y a mis un point final. En jugeant (1) qu'il n'y a aucune preuve, ni le moindre fait qui démontrent l'implication de Belliraj dans ces meurtres (2) que ces affaires qui datent des années 1980 sont prescrites (3) qu'il existe des indications selon lesquelles Abdelkader Belliraj a été torturé pour obtenir ses aveux.
Maintenant que les tribunaux belges ont définitivement rejetté la culpabilité de Belliraj dans ces affaires, le Maroc fera-t-il de même ? Organisera-t-il un nouveau procès ? Annulera-t-il la condamnation à perpétuité de Belliraj suite à un procès inique au Maroc ? Affaire à suivre.
Lire dans la presse sur le jugement du 24 décembre 2020:
De Morgen Douglas De Coninck
https://www.demorgen.be/nieuws/bekentenissen-topterrorist-belliraj-waren-nep~b18a1cf6/
Het Belang van Limburg
https://m.hbvl.be/cnt/dmf20201224_94636641
Het Nieuwsblad
https://m.nieuwsblad.be/cnt/dmf20201224_95911434
BXL1
De Standaard : https://www.standaard.be/cnt/dmf20201225_97442889
Autres articles sur le procès et les conditions de détention de Belliraj
WIKILEAKS ET L'AFFAIRE BELLIRAJ (ET ALI AARRASS)
http://lukvervaet.blogspot.com/2010/12/wikileaks-et-laffaire-belliraj-et-ali.html
18 janvier 2016 : Maroc: "Affaire Belliraj" − Alkarama appelle l'ONU à inviter les autorités marocaines à libérer Abdelkader Belliraj, condamné à vie sur la seule base d'aveux obtenus sous la torture
http://prisonnierseuropeensaumaroc.blogspot.com/2016/01/18-janvier-2016-maroc-affaire-belliraj.html?view=timeslide
MOROCCO: ABDELKADER BELLIRAJ, 3 YEARS IN ABUSIVE SOLITARY DETENTION, SENTENCED TO LIFE IN 2009 UNJUST MASS TRIAL
http://supermax.be/morocco-abdelkader-belliraj-3-years-in-abusive-solitary-detention-sentenced-to-life-in-2009-unjust-mass-trial
La famille Belliraj : la justice belge peine curieusement à statuer sur le cas Belliraj
http://familiesfriendsassociation.blogspot.com/search?q=Belliraj
Lettre ouverte de madame Belliraj a monsieur le ministre de la justice
http://familiesfriendsassociation.blogspot.com/search?q=Belliraj
Abdelkader Belliraj, l’enfermement à double tour à Toulal 2, Meknes, Maroc
http://familiesfriendsassociation.blogspot.com/2020/11/abdelkader-belliraj-lenfermement-double.html
Coronavirus ! Les Familles des détenus du dossier Belliraj lancent un appel urgent au Roi Mohammed VI (français/arabe)
http://familiesfriendsassociation.blogspot.com/2020/03/coronavirus-les-familles-des-detenus-du.html
« CIRCULEZ, IL N’Y A RIEN À VOIR » : LA RÉPONSE DE LA DIRECTION DES PRISONS AU MAROC À HUMAN RIGHTS WATCH CONCERNANT L’ISOLEMENT DE ABDELKADER BELLIRAJ. SON ÉPOUSE RÉAGIT.
http://supermax.be/circulez-il-ny-a-rien-a-voir-la-reponse-de-la-direction-des-prisons-au-maroc-a-human-rights-watch-concernant-lisolement-de-abdelkader-belliraj-son-epouse-reagit/
dimanche 29 novembre 2020
Devoir de mémoire : la violence carcérale en trois exemples, par Marcus
Il y a des moments que l'on ne peut oublier. Il m'est difficile à vous les décrire car je sais qu'inévitablement mes nuits seront courtes.
Pourtant, c'est un devoir de mémoire qu'il faut à tout prix divulguer pour ne plus voir de pareils comportements.
Le premier sujet démarre avec ce jeune mécontent parce qu'il est passé plus de seize heure et qu'il n'a pas reçu sa cantine, et nous sommes vendredi ! Il demande avec insistance à voir un chef de quartier. Pour toute réponse, on lui envoit l'équipe de choc ! Une dizaine d'hommes, matraque en main, débarquent sur le niveau, les autres gardiens des autres niveaux sont requis, non pas pour aider leurs collègues mais, pour se placer devant les œilletons pour cacher la scène qui s'ensuit.
Dans le deuxième exemple, c'est encore plus insignifiant. Il est sept heures, on amène le déjeuner. Deux gardiens ouvrent les portes, discutant entre eux. L'un dit à l'autre " aujourd'hui, on va saquer dedans! ". De fait, les fouilles de cellules commencent après le service déjeuner. Ce jour-là tous les cachots furent occupés, coïncidence me direz-vous.
Dans le troisième exemple, nous sombrons dans l'absolu ; un détenu de la tour pique une crise de nerf dans sa cellule. Il s'y trouve seul ne menaçant personne puisqu'il y est enfermé. Les gardiens décident de le calmer en vidant un extincteur par l'orifice servant à servir le courrier. Le résultat escompté est pire, la lance d'incendie remplacera l'extincteur. L'équipe de choc fera le reste, à savoir, une entrée en force et à étouffer le détenu. Les gardiens diront qu'ils sont intervenus parce que Henry Charlet démolissait sa cellule! Henry est mort pour cela. Pour ceux qui ne savent ce qu'est une cellule de Lantin, je vous envoie une photo.
Il me reste un fait à raconter. Ce fait se déroula au sein de la prison de Mons dans les années 2007. Des gardiens et une gardienne en proie d'ennui sans- doute, ne trouvèrent rien de mieux qu'à mettre des détenus attachés en laisse et à poil au milieu de l'aile puis à les obliger à manger des morceaux de sucres jetés au sol sans l'aide des mains. La scène fut filmée puis diffusée sur les réseaux sociaux, ce qui leurs valurent une comparution devant le tribunal de Mons le 26 juin 2008. L'indifférence aurait été d'ignorer toutes ces choses mais ma mémoire ressurgit avec mon enfance tumultueuse où personne ne voyait rien et laissait faire.
Ce 26 juin 2008, je me suis donc rendu devant le palais de justice traînant un mannequin ressemblant à un prisonnier pour ainsi montrer au peuple bienveillant, les dérives du système et ma désapprobation. La RTBF retransmit mon passage au journal du treize heures.
Contre la mort d'Evrard Chavez , dans le documentaire " Qui prier pour oublier ", vous verrez quatre "anciens "devant le palais de justice de Liège, face à quatre-vingt gardiens, afin que pareilles choses ne se reproduisent.
Ma nuit va être longue encore.
A+ Marcus
Post scriptum
Le temps fait son oeuvre des blessures passées. Ainsi, je ne suis pas rentré dans l'histoire de Sofie T ; une mère de deux enfants originaire de Quaregnon, décédée dans un des cachots de Lantin. Tout comme je n'ai abordé la mort par pendaison en 2001 d'un gamin de seize ans à la prison de Verviers.
J'ai évidemment tort d'écrire que le temps fait son oeuvre . Si j' y pense encore, avec vingt années écoulées, c'est une contradiction impardonnable. En t'écrivant ce vécu sur ces absurdités humaines, mes mains tremblent.
Je te disais dernièrement que jamais, jamais je ne me rendrais à Auschwitz. Parce que je sais que ses murs, après plus de quatre-vingts ans parlent encore et je n'en reviendrais vivant. Nous sommes dans ' l'insoutenable ", je m'arrête .
lundi 23 novembre 2020
Abdelkader Belliraj, l’enfermement à double tour à Toulal 2, Meknes, Maroc
dimanche 15 novembre 2020
La nuit de Noël en prison, je voudrais l'effacer de ma mémoire, par Marcus
Avec vingt années de prison derrière moi, la chose la plus troublante restera sans nul doute, les réveillons de Noël. Je voudrais effacer de ma mémoire cette nuit de fête.
Si pour vous, le réveillon commence dans la soirée, il en est tout autre à cet endroit. Je me souviens qu'à cette occasion, le souper avait été servi aux environs de dix-huit heures, dans le large couloir des cellules, sur les quatre tables servant à jouer aux cartes, sans nappe ni déco évidemment.
Toute l'aile pouvait, jusqu'à neuf heures, se distraire calmement. Une personne apporta sa radiocassette pour cette unique occasion. Pour seules boissons, nous n'avions que celles fournies par la cantine. Ambiance très froide me direz-vous ? C'est la prison et tout vous le rappelle.
La chose qui me troubla fut de voir des hommes danser seuls, ce qui réveilla chez moi le spectre d'un dictateur Chilien auquel Sting consacra une chanson" She dances alone ".
A huit heures quarante-cinq , les gardiens réapparurent, un gamin court vers moi avec une tasse vide; son trio n'a même pas du café en cette nuit. Ils sont nombreux à chercher dans cette dernière minute, une aide matérielle si infime soit-elle. Un autre me demande si je n'ai pas un peu de tabac car le service social débordé, il n'a pu fournir que des demis paquets.
La nuit la plus longue de l'année peut maintenant commencer, loin de tous ceux que l'on aime, accroché aux programmes TV de celui qui en a payé la location.
A minuit pile, il se passe quelque chose qui n'arrive nulle part ailleurs : le concert des exclus de notre société peut commencer. Chacun prend son plateau ou sa cafetière métallique et attend derrière sa porte le coup d'envois, on frappe alors de toutes ses forces et le plus longtemps possible sur cette porte fermée ou sur les barreaux pour rappeler à ceux qui nous auraient oublié, que nous sommes encore là, encore vivant. C'est un délire de quelques minutes auquel évidemment je ne déroge. Ce rituel, je l'ai vécu à maintes reprises sauf une fois ; c'était à la prison de Tournai, j'étais parvenu à soudoyer un gardien qui m'apporta un litre de vodka. Je me rappelle surtout du réveil, au cachot, et à poil, le lendemain du 25 décembre.
Noël, c'est aussi le colis que l'on peut recevoir. Comme dans les champs de batailles ou encore dans les camps sauf que l'administration y met son nez. Pas de parfum, pas de boîtes, pas de pralines, pas de plats préparés, pas de gâteaux! Que reste t-il me demanderez-vous? Demandez-leurs, je ne suis pas devin.
De toute façon, pour avoir un colis, il faut avoir de la visite.
Pour avoir un colis , il faut d'abord exister pour quelqu'un ! "
vendredi 6 novembre 2020
"Pourquoi, Madame la directrice, plus de quarante détenus se sont suicidés ou morts par overdose au long de ces dix années ?", par Marcus
Je pense, pour situer l'époque que l'événement à dû se produire en 2008 car j'habitais comme Jean-Marc à Liège.
Celui-ci me demande si je ne pourrais le conduire à Huy pour assister à un congrès de directeurs de prisons ainsi qu'une rencontre avec les hautes personnalités locales pour les dix ans de la prison de Seille ( Andenne ). Des ateliers puis un sandwich étaient prévus à cette occasion . Je n'avais pas trop envie d'y aller, n'aimant guère ces rencontres. Devant son insistance, je finis par céder; ce n'est pas pour rien si un jour, un journaliste a écrit un article sur moi ayant pour titre " L'homme qui ne savait pas dire NON ".
Nous nous trouvons dans une salle jouxtant la piscine de Huy. Cette salle est bondée, il y a une grosse caméra devant la scène pour rediffuser cette mémorable rencontre.
Pour la matinée, c'est une directrice de la prison qui présente les projets élaborés au cours de ces dix années. Elle n'est pas " peu fière " de ce qui a été amené au sein de son établissement et le prouve d'une vidéo où l'on ressent une harmonie entre le personnel pénitentiaire et ses locataires.
Lorsque le reportage se termine, toute la salle applaudit. La directrice quitte son siège, signale que Monsieur Delchevalerie ne viendra pas parce que tenu par d'autres impératifs. " Le public peut poser les questions qu'il souhaite sur le sujet, je me ferais une joie d'y répondre ", lance t-elle. Quelques intervenants lancent le débat, puis vint le moment où " Personne n'a plus de question ? ".
Je ne sais le pourquoi Luk, je me lève et on m'apporte immédiatement un micro, je vois la caméra sur pied s'orienter sur moi, ainsi que tout le public présent dans la salle. Je sens Jean-Marc inquiet sur ce que je vais dire, il me faut assurer.
Je prends la parole et signale à Madame la directrice que c'est un très beau reportage qu'elle nous a offert à tous, on y découvre une relation complice entre le personnel et les détenus. " Puis-je vous poser une question à mon tour ? Pourriez-vous nous dire, Madame la Directrice, pourquoi au long de ces dix années, plus de quarante, je dis bien, plus de quarante détenus se sont suicidés ou morts par overdose au sein de votre établissement pénitentiaire ?"
Un grondement se fait entendre dans la salle, moi, je regarde la réaction de l'interpelée déstabilisée par cette question inattendue, dans ce lieu où évidemment elle attendait la consécration. Elle reste sans voix, je découvre à ce moment-là, la signification de l'éternité. La suite ne m'intéresse plus car elle bégaie une réponse qui n'a plus rien à voir avec ma question, puisqu'elle me répond que c'est à Monsieur Delchevalrie, directeur principal à y répondre.
Voilà pour l'histoire, il y eut une suite car lors du lunch, un homme vint à ma rencontre se présenta comme étant un des directeur de Lantin et me demanda si j'avais quelque chose à dire sur sa personne ?
Le fait qu'il me pose cette question est déjà un signe qu'il a quelque chose à se reprocher. Je le regarde droit dans les yeux et lui dit de me laisser manger, que l'on verra dans l'après-midi.
J'aurais dû me taire, car il disparut.
samedi 31 octobre 2020
Mon carnet de libération conditionnelle, par Marcus
Je me souviens très bien de ma première demande de conditionnelle.
Elle se situe dans les années quatre-vingt et n'a plus rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd'hui, sauf évidemment pour la longueur de la procédure. A cette époque, avant d'introduire cette requête, il fallait au préalable, passer par les congés pénitentiaires.
Avec mon caractère trempé et l'absence de famille où me rendre, je crus bon de signaler que je ne regrettais rien de mes délits, sinon je ne les aurais pas commis. Que donc, si on me donnait un congé, je ne reviendrais pas ! Mais que j'étais preneur pour une conditionnelle ! L'art de se mettre dans le pétrin. Les mois puis les années s'écoulèrent sans que rien ne bougea.
Je pris donc la décision de mentir pour sortir de ce trou pourri qu'était la prison de Tournai.
On m'octroya un congé et évidemment, je pris la tangente en allant passer des vacances aux Canaries. Quelques semaines plus tard ; retour à la case départ ! Cette prison était à l'époque considérée comme le dépotoir de la Belgique, on y mettait tous les " gros problèmes " des autres prisons, les conditionnelles se faisant rares il arriva ce qu'il devait arriver " une mutinerie ". On a tout fait péter, mis le feu, jeter tout par-dessus les galeries, les seaux de merdes suivirent le même chemin puis, nous sommes allés sur les toits de la prison ! Quelle nuit euphorique nous avons vécu, quelle délivrance aussi ! A l'aube, la brigade spéciale d'intervention débarque, les meneurs sont immédiatement transférés, on me renvoie à Lantin, la prison qui ne voulait plus de ma présence suite à une tentative d'évasion.
Les semaines passent, je n'ai plus rien à attendre sauf que l'assistante sociale m'appelle. " C'est la procédure " me dit-elle. Je la regarde en train de compulser mon dossier tout en buvant sa tasse de café. Elle finit par me demander si j'ai quelqu'un qui serait prêt à m'engager si j'étais libéré ? " Pour lui répondre, il faudrait d'abord savoir " quand je serais libéré ? " . La veille de mon passage devant " la commission ", on me signale que l'on ne retrouve plus mon dossier !! Deux mois se passent, sans doute plus, la bonne femme me rappelle et me demande si j'ai d'autres perspectives d'avenir ? Je lui répond que j'ai un frère qui est directeur à l'académie des beaux-arts, que celui pourrait se rendre répondant. La comédie a assez duré. Elle ne me croit pas, se met à rire et décroche le téléphone et joint l'intéressé qui lui dit ne pas me connaître. Elle raccroche et jubile car elle croit qu'elle a raison, termine à retranscrire ces éléments dans le dossier ; je suis remis aux calendriers Grecques alors qu'il n'y a pas une goutte de sang sur mes mains. " Comment les autres parviennent-ils à obtenir une condi alors ? "
Il me reste six mois à faire sur une peine de sept ans. Leur conditionnelle, ils peuvent se la carrer, je vais à fond de peine. Eh bien non ! Une circulaire oblige les moins de six mois à prendre une conditionnelle immédiatement ! On me fout dehors tout en m'obligeant à me rendre tous les mois pendant quatre ans au commissariat du quartier et ensuite chez l'assistante de probation. J'accepte évidemment ce marché. Il faudrait être fou pour refuser. Je pense que j'aurais pris ces mêmes conditions pour huit jours, pour ne plus rester huit jours dans cet univers sordide. Ne jugez pas, il faut y passer pour savoir. Le pire allait arriver. A part les agences intérim, pour nettoyer les fours ou charger les camions, il y a très peu de bras ouverts dans l'industrie. Mon assistante de probation, voyant que je n'ai pas de travail régulier, me menace de retour à la case prison. La tension est telle que je finis par lui dire qu'elle peut me révoquer et elle me fixe un rendez-vous devant la commission, à la prison de Lantin. Sachant que j'allais être révoqué je prends quelques affaires. Devant la commission, je parle des difficultés à trouver un emplois stable à notre époque, quand à prendre une formation en langues étrangères demandée par mon assistante de probation, cela m'est impossible car il faut pour moi, être bien dans sa tête ou avoir une famille. Ce sont les arguments que j'expose en sachant que je parle à un mur, que toute bataille est inutile, parce que je les connais ces juges, en fait, je ne connais qu'eux. Tu sais quoi Luk, ils m'ont LIBERÉ !!! Sur la photo, la photocopie de mon carnet de conditionnelle avec les cachets du commissariat et les attestations de passage chez l'assistante de probation.
Réflexions sur un gâchis
En réfléchissant un peu sur ce texte , on se rend vite compte que l'on se trouve devant l'absurdité de l'administration. Dans un premier temps, on me refuse à cette commission parce que je dois obligatoirement passer par des congés. Pour prendre ces congés , c'est facile lorsqu'il y a la famille ou de l'argent. Avec le nombre d'années effectuées , je t'affirme que neuf détenus sur dix n'ont pas cinquante euros pour prendre ce congé. Voir venir l'incitation au délit n'est pas du domaine du visionnaire mais un fait inéluctable, au grand dam de ces fonctionnaires moralisateurs !
Nous venons ensuite à cette fameuse conditionnelle où l'assistante te demande un certificat d'embauche alors qu'il n'y a pas de date de sortie. L'administration te répondra que les congés ont été créés pour cela. Comme si l'employeur t'attendait depuis toujours !
Tu as ensuite remarqué qu'à quelques mois de ta libération, cette administration se rend compte que si elle ne fait rien, tu leur échappes et, en quelques jours, voire quelques heures elle trouve des solutions.
Dernier élément, l'assistante de probation qui doit fournir des résultats ou du moins justifier sa présence et son salaire, je regrette de revenir à mon cas mais, je te pose la question: " Est-il possible d'apprendre une langue et de suivre un cours de langue alors que l'on se trouve sans travail, sans famille, chez des amis qui vous ont tendu la main ? " Je t'ai écrit que, lors de la révocation, la commission avait remanié mes obligations, ce que je n'ai pas abordé, c'est que cela c'est déroulé des années après cette sortie et toutes ces contraintes pour une peine de sept mois sur sept ans !
Aujourd'hui , tu sais ce que je fais. Je ne pense pas un seul instant que toute cette administration m'a amené à cette place. Je suis cependant certain qu'elle aurait pu le faire si elle s'était prise tout autrement, avec un peu d'humanité. C'est là, qu'il doit y avoir du changement, tu le sais. J'arrête car je m'énerve devant tout ce gâchis et ces années perdues.
dimanche 25 octobre 2020
"Garde à vue", par Marcus
Vous vous souvenez sans doute de la prise d'otages de Tilff dans les années 1989, selon Wikipedia "La prise d'otages de Tilff est une des plus spectaculaires affaires judiciaires belges du XX siècle" ?
Pendant cette prise d'otages, j'étais emprisonné et un beau jour, la gendarmerie débarque à Lantin. Motif ; on vient me chercher sur ordre du procureur du Roi (Léon Giet) pour convaincre Philippe et consort d'en finir avec cette prise d'otage !
Je n'ai évidemment aucune compétence en ce domaine et , malgré les menaces , renvois mes pandores à leurs fonctions . J'ai en mémoire leur avoir signifié qu'ils auraient quelques difficultés à me tenir les bras et les jambes devant les dizaines de caméras plantées sur le site ! " On t'aura " m'ont-ils dit pour toute conclusion . Et c'est vrai, ils m'ont eu. Je dois avoir à cette époque écopé une peine de trois ans pour le recel de Philippe après son évasion .
Dix ans plus tard, ces mêmes pandores reviennent ; un évadé de la prison de Jamioulx sème le trouble dans tout le pays, les braquages se multiplient, pendant des semaines puis des mois, son visage fait la une de la presse puis au journal télévisé. Je n'ai évidemment rien à voir ni à dire sur cet homme. Les interrogatoires se suivent tout comme les menaces, c'est devenu une habitude en cet endroit. Ce que mes pandores oublient, c'est que je suis né en prison, ce que mes pandores ignorent, c'est la force de caractère que j'ai accumulé tout au long de ces années de solitude. Par contre, ce qu'ils savent, c'est que je les emmerde. Je suis donc conduit au cachot en attente du passage chez le juge d'instruction. Il n'y a rien d'anormal dans tout cela me diras-tu.
Le lendemain matin, après la tartine de confiture et le gobelet de café, les interrogatoires reprennent puis, dans l'après-midi on me conduit à Eupen au palais de justice. Devant la chambre du juge se trouve une salle garnie de bancs. Les gendarmes me disent qu'ils vont d'abord rencontrer le juge et que dans cette attente ils sont obligés de m'attacher à un anneau devant son bureau. Ils entrent dans ce bureau me laissant seul au clou, sans doute pour réfléchir au sort qui m'attend, le temps passe. Je suis assis sur ce banc dans une position inconfortable puisque je suis attaché. Mon bras s'ankylose et je finis par peser de tout mon poids sur cet anneau qui cède. Merde ! me voilà avec une infraction en plus ! Et si je prenais la tangente pour leur apprendre, après tout ce qu'ils m'ont fait subir ? Il se fait tard, j'aurais vite disparu dans cette nuit noire. Je descends l'escalier, sors du porche et me retrouve dans la rue. " Je suis libre, je suis libre ". Il faut être dans cette situation pour connaître la valeur de ce mot LIBRE . A peine avoir fait quelques pas dans cette rue et par reflex de survie sans doute, je tâte les portières des voitures et, à la troisième, la porte s'ouvre, "C'est mon jour ". Bingo, les clés sont sur le tableau de bord, j'exulte, c'est incroyable, quelle baraka ! Et puis je réfléchis enfin ; tout cela est anormal, seul dans la salle des pas perdus, l'anneau, la voiture et maintenant les clés. Je prends peur, oui j'ai peur . Qu'est-ce que ces flics m'ont fait comme travail, que va-t-il m'arriver ? Je les imagine en nombre caché derrière les voitures ou m'attendant sûrement plus loin.
Il n'y a qu'une solution à prendre en pareil cas, c'est de revenir au point de départ, à la salle des pas perdu, devant chez le juge et au plus vite pour pouvoir à nouveau maitriser mon destin. Je retourne et vais me rassoir sur ce banc en m'imaginant ce qu'aurait été cette cavale improvisée et du pourquoi de cette mise en scène. Avec le retrait, on comprend le pourquoi, sur le moment, c'est autre chose. Après quelques minutes, la porte s'ouvre, on me fait passer devant madame la juge qui comme si de rien était me menace aussi si je ne suis coopérant. Devant mon mutisme elle se sent forcée de passer aux actes et rédige le mandat d'arrêt sous ma désapprobation évidemment.
lundi 19 octobre 2020
Le vendredi 27 mars 2020, un incident s’est produit à la prison de Lantin, par Marcus
Le message de Belga : « Le front commun syndical des gardiens de la prison de Lantin (Juprelle) a déposé, ce vendredi soir, un préavis de grève à la suite des incidents qui se sont déroulés à la prison dans la soirée. Trois membres du personnel pénitentiaire ont été transportés en ambulance vendredi en fin de journée, après avoir été molestés par plusieurs détenus. Ils ont pu quitter l’hôpital dans la soirée. De vendredi 22 heures à samedi 22 heures, la prison tournera donc avec un service minimum. Vendredi, à la sortie du préau, plusieurs détenus ont tenté d’escalader un mur. L’un d’eux est tombé et s’est blessé. Lorsque les membres du personnel pénitentiaire sont venus lui porter secours, plusieurs détenus s’en sont pris à eux et les ont molestés. Trois de ces agents ont été transportés en ambulance à l’hôpital, a expliqué le délégué syndical. Ils ont pu rentrer chez eux dans la soirée. Six autres détenus se sont retranchés sur le toit de la prison. À 19h30, les détenus étaient toujours présents sur le toit. Un renfort policier était attendu sur place. Avec l’épidémie de Coronavirus, la prison de Lantin, comme d’autres, fait face à une tension grandissante ces derniers jours. Les détenus sont confinés 23 heures sur 24 en cellule, les visites ont été supprimées ainsi que toutes activités proposées au sein de la prison ».
Pour l'administration pénitentiaire, il s'agit d'une mutinerie.
Je sais qu'à cet endroit, c'est la seule solution pour rester en vie, pour ne pas crever comme des rats. Ce qui va se passer maintenant nul ne le sait ! Ayant vécu pareil cas, je me souviens d'avoir été mis dans un des cachots se trouvant au sous-sol de la tour pour une période de neuf jours, ensuite une peine de trois mois au huitième étage de cette tour pour ensuite être transféré dans une autre prison au fin fond de la Belgique (Tournai).
L'administration pénitentiaire est débordante d'idées pour les sanctions ! Toute cette mise en scène était effectuée à mon insu, sans avocat, sans PV, sur ordre d'un seul homme au mépris des lois qui régissent notre pays. Je pense que les cachots sous la tour n'existent plus, car cette même tour se serait enfoncée dans le sol. Je ne vous ai pas décrit ces cachots, tout comme je ne vous ai pas expliqué comment se déroulait la mise en scène. Si je ne l'ai pas fait, c'est parce que je sais que des enfants lisent mes commentaires. Il est trop tôt pour certains de connaître ce côté sordide de l'être humain. Dans un article du Soir, je raconte y avoir un jour découvert le bonheur dans ce sous-sol de la prison de Lantin. Vous n'allez évidemment pas le croire parce que dans ce contexte" absolu ", il est impossible d'y trouver de l'Humanité. Si vous tenez à revivre cet instant unique, l'article se trouve dans Le Soir du 10 octobre 2003. A lire ICI.
Mes écrits m'amènent à penser que je sombre dans le péché d'orgueil. Que vous soyez d'accord ou pas, sachez qu'un jour tous ces murs de prison finiront par tomber, c'est une certitude. Des sceptiques vous diront qu'il est impossible de vivre sans prison ! A ceux-là je répondrai qu'avant 1844 , elles n'existaient pas sur notre territoire !
A+ Marcus
Un article dans Le Soir du 10 octobre 2003 :
samedi 3 octobre 2020
Zoom sur "Face au juge": l'émission qui cartonne sur RTL, par Marcus
(photo RTL play) Durant six semaines, chaque dimanche, Julie Denayer s'est invitée sur nos petits écrans pour nous présenter la troisième saison de "Face au juge" sur RTL, nous plongeant au coeur des tribunaux de Bruxelles, Charleroi et Visé. Cette nouvelle saison, qui s'est terminée dimanche dernier, a battu tous les records ..
L'émission que vous animiez est maintenant bien loin, ce qui me permet ce soir de donner mon avis .
Je ne vous cacherai pas que souvent, je me sentais mal à l'aise au vu des protagonistes mis sur la sellette . Mal à l'aise, par l'inculture qu'ils affichaient face aux juges érudits appelés à les condamner. Le spectacle était omniprésent, l'affaire était dans la boîte ou plutôt emprisonné, le public peut maintenant dormir sur ses deux oreilles.
Je suppose, compte tenu du succès, qu'on recommencera l'année prochaine !
Je pense qu'avant d'être présentatrice, vous êtes avant tout une journaliste et je me dis que ce petit bout de femme va aller plus loin, beaucoup plus loin pour voir les choses enfin changées.
Je me dois de vous dire que j'ai fait plus de vingt ans de prison, mes délits n'intéresseront personne et ce n'est donc pas le sujet.
Non, le sujet, se sont les personnages que j'y ai rencontrés; je me souviens du patron d'Interagri, du directeur de la SMAP, des deux patrons du recyclage d'Herstal, du patron des thermes de Chaudfontaine ... La liste est évidemment très, très longue. Ces personnages n'ont fait que quelques mois, voire quelques jours de prison. Il y en eut d'autres, beaucoup plus nombreux, qui, grâce à des procédures et de bon avocats évitèrent ce passage.
A côté de chez moi vivait une personne qui détourna plus d'un milliard aux handicapés. Vivait, car aujourd'hui parti, laissant à ses héritiers les sommes colossales détournées. Dans les gros œuvres on n'oubliera pas le milliardaire qui dévalisa la sidérurgie Wallonne et qui fit des ravages jusqu'en Amazonie, également parti vers l'enfer j'espère.
Vous avez développé la partie de l'iceberg ou siégeaient les pingouins et les otaries ; les ours auraient-ils droit au repos éternel ? Serait-il possible pour vous de demander aux juges que vous avez rencontrés, les motivations qui les poussent vers ces hommes perdus et souvent incultes plutôt qu'à ces monstres adulés de notre société ?
Sur le site " écrire à Christophe Barratier " se trouve une nouvelle qui s'intitule " Le monstre de la cathédrale ". Il y a d'autres nouvelles que je vous invite à lire sur ce site car, on est ardemment occupé à construire de nouvelles prisons , " qui ira " ne fait pas de doute .
Avec abnégation je vais devoir continuer à témoigner dans vos écoles et vos universités, des congrès, je sais qu'un jour les choses changeront .
A+ Marcus
lundi 7 septembre 2020
L' ostracisme dans toute sa splendeur, par Marcus
" Ostracisme ", ce mot figure en bonne place au " Larousse " mais, est-il possible que cela puisse encore exister de nos jours ?
Pour avoir vécu cette aventure, je vous répondrais que c'est possible et vais vous donner quelques exemples qui demeurent encore vérifiables aujourd'hui.
Dans le premier exemple, je vous dirais que je n'avais pas imaginé l'ampleur que l'affaire allait prendre, mais abordons d'abord l'histoire ; elle se déroule dans les années quatre-vingt, je suis sous mandat d'arrêt pour avoir fourni de l'aide à des personnes en cavales. Rien d'étonnant dès lors, qu'un détenu vienne me voir à la promenade sauf peut-être qu'il me demande à s'évader de la prison de Lantin où nous nous trouvons tous les deux.
Je vous passe les détails, toujours est-il qu'un dimanche matin, je le frappe dans l'escalier du préau, les gardiens l'emmènent à l'hôpital, cependant que je suis pris à parti des autres détenus ainsi que des gardiens pour cet acte odieux perpétré. Je sens que ma vie à ce moment est en grave danger, les insultes viennent de toutes parts. Je reste muet devant toute cette haine à mon encontre, ne pensant qu'à une chose " A-t-il réussi, a-t-il réussi ", car vous l'aurez deviné, il s'agissait d'un plan.... Une heure plus tard, je suis sous bonne garde dans le bureau du directeur. L'homme a été repris et, après quelques gifles, s'est mis à table et m'accuse !!! Dans sa déclaration, c'est tout juste si ce n'est pas moi qui l'ai obligé à s'évader.
Après quelques années, mon dossier vient sur la table en vue d'une libération sous conditions. Devant cette commission je déclare ne rien regretté et prêt à recommencer car, avec toutes ces années (orphelinat, prison...) ma vie a pris un sens. Le dossier est mis de côté, j'apprends aussi qu'il a disparu, puis vient une rencontre mémorable avec une assistante sociale à qui je confie que mon frère m'aidera à ma sortie car il est directeur à l'académie des beaux-arts de Liège. L'assistante sociale ne croit pas du tout à cette version et téléphone devant moi à mon frère.
Celui-ci lui rétorque qu'il ne me connaît pas. Je suis encore remis à six mois !
L' " ostracisme " s'est aussi invité dans une salle d'audience de Liège. Cette fois-là je comparaissais pour avoir aidé des personnes évadées des Beaumettes ( Delaire, Lacotte, ). Je me suis présenté seul devant la cour, je ne voulais pas d'avocat car je pensais que personne ne me comprendrais et puis, à quoi bon se défendre tout en sachant que cela allait continuer ?
Vous ne voyez pas de l'ostracisme dans tout cela. Je puis même vous certifier que le juge s'est montré compréhensif. Non, l'ostracisme vint le lendemain, car en lisant la dépêche de la ville, j'y étais décrit par des mots que l'ont emplois pour des bêtes. La phase qui me reste marquée à jamais sera " Marcus toujours prêt à mordre quand on lui pose une question ". Il va de soi que cela détermina le verdict.
Bonsoir et peut-être à + ( Si Dieu me prête vie )
Auteur: Marc Sluse, dimanche 30 août 2020, publié dans Lettres à Christophe Barratier https://acteurs.publi-contact.net/p5736-christophe-barratier/lettre-38