Société – Ni salaire minimum ni
contrat : les conditions de travail en prison font polémique. Une action
en cours aux prud'hommes fera-t-elle changer les choses ? Bastien
Bonnefous
Les
détenus français n'ont pas attendu la crise économique pour connaître
le régime au pain sec. Dans son rapport annuel sur " Les conditions de
détention en France " rendu public le 7 décembre, l'Observatoire
international des prisons (OIP) assure que le travail en prison " s'exerce dans des conditions dignes du xixe siècle ".
Actuellement, les prisonniers exerçant une activité rémunérée derrière
les barreaux ne bénéficient d'aucun contrat de travail. Ils signent un
simple " contrat d'engagement " avec l'administration pénitentiaire qui
leur assure un revenu minimum de 4,03 € de l'heure. Le smic n'existe
pas, pas plus que les congés payés. Quant au droit de grève...
D'ailleurs, en prison, on n'embauche pas, on ne licencie pas, on "
classe " ou on " déclasse ", selon le jargon pénitentiaire. Des
décisions qui relèvent de la seule compétence - " du bon vouloir ", dixit l'OIP - des chefs d'établissement.
Ce
régime dérogatoire fait de plus en plus polémique, alors que le travail
et la formation sont officiellement présentés comme des facteurs de
réinsertion. En 2009, durant le débat sur la loi pénitentiaire, la
majorité s'était opposée à la reconnaissance d'un contrat de travail,
considérant que des " charges financières fortement dissuasives pour les entreprises " leur enlèveraient " tout intérêt à contracter avec l'administration pénitentiaire ".
Faux, répond le très libéral Institut Montaigne, lui aussi favorable au
contrat de travail, qui préconise la mise en place de crédits d'impôt
pour les sociétés implantées en milieu carcéral.
En 2010, un détenu sur
quatre bénéficie d'un emploi en prison, ce qui constitue un taux
d'emploi parmi les plus faibles depuis dix ans.
Au total, 7 461
prisonniers travaillent au service général des établissements (cuisine,
distribution des repas, nettoyage...), 1 047 au sein d'ateliers de
l'administration pénitentiaire et 6 428 pour des sociétés privées. Le
travail se limite souvent à du conditionnement à la chaîne (étiquetage
de bouteilles, empaquetage de prospectus, mise en boîte de produits...).
En 1994, la maison d'arrêt de Strasbourg avait tenté d'attirer les
entreprises locales en vantant dans un film publicitaire une "main-d'oeuvre payée au rendement, travaillant douze mois sur douze ", sans "absentéisme " ni " conflits sociaux "...
L'une
des clés du débat se trouve peut-être aux prud'hommes de Paris. Le 7
février 2012, le conseil doit examiner la plainte d'une détenue de la
maison d'arrêt de Versailles, " déclassée " par l'entreprise pour
laquelle elle travaille après avoir passé un appel personnel durant son
temps de travail. Estimant qu'il s'agit d'un licenciement abusif, elle
veut obtenir le versement d'indemnités. L'enjeu est de taille pour les
partisans de -l'application du droit du travail en détention, même si,
jusqu'à présent, les prud'hommes se sont toujours déclarés incompétents
en pareil cas.
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