mercredi 14 mars 2012

REVIVRE : un livre à commander !

Source

Auteur de crime et victime témoignent, côte à côte

Un ex-détenu et un père endeuillé racontent le long chemin de la « résilience » après le meurtre. Des deux côtés du drame, les deux Belges se sont reconstruits en s’engageant pour la justice.
Jean-Pierre Malmendier a perdu sa fille dans un meurtre tragique.

Jean-Marc Mahy a ôté la vie par deux fois et passé 19 ans derrière les barreaux. Opposés par un drame similaire, les deux hommes se lient pourtant d’amitié après leur rencontre, en 2006, lors d’un débat télévisé sur une chaine luxembourgeoise (RTL-TVI). Dans Après le meurtre, revivre, Anne-Marie Pirard retranscrit, à leur demande, le témoignage croisé de ces deux hommes qui cherchent à se « reconstruire » dans un combat commun pour une justice « restauratrice ».

Perpétuité

Jean-Marc Mahy est emprisonné à 17 ans pour « vol avec violence ayant entrainé la mort sans intention de la donner ». Le 24 novembre 1984, au cours d’un cambriolage à Waterloo, en Belgique, il porte des coups à un vieil homme qui décède quelques jours plus tard. Rongé par les remords, l’adolescent supporte mal la violence de sa détention provisoire où il est placé à l’isolement. Condamné à 18 ans de travaux forcés deux ans après les faits, il s’évade avec deux complices. Mais sa virée s’achève dans le sang, le 14 avril 1987. Reconnus dans un café du Luxembourg, les trois co-détenus en fuite sont appréhendés par deux gendarmes, mais tentent de s’échapper en saisissant, sous la menace, l’arme de service d’un des deux fonctionnaires. Un coup part dans la panique et touche mortellement l’officier. À 19 ans, Jean-Marc Mahy est condamné à la prison à perpétuité le 19 décembre 1988.
En détention, il tente de se donner la mort à maintes reprises, « puis lentement, difficilement, il choisira la vie » et le témoignage, pour se reconstruire avec le souvenir pesant de ses deux victimes.
Jean-Pierre Malmendier, aujourd’hui décédé depuis un an, était employé d’une concession de véhicules utilitaires à Montzen (Belgique) lorsque sa fille de 17 ans disparaît, le 15 juillet 1992. Avec son petit ami, l’adolescente est abattue froidement par deux ex-détenus en liberté conditionnelle et en congés pénitentiaire [1]. Avec sa « douleur atroce », Jean-Pierre Malmendier prend la plume et dénonce les régimes de libération conditionnelle. Il lance une pétition pour demander des peines incompressibles qui recueille 260 000 signatures et connaît un fort retentissement dans le débat public belge.

Revivre

Les deux hommes racontent l’enfermement et le long chemin qui les fait « réexister ». Malgré « l’angoisse indicible » et la profonde solitude du père désenfanté, Jean-Pierre Malmendier tente de surmonter ses « mouvements de haine ». Il rend visite aux parents du meurtrier de sa fille, eux aussi détruits et isolés. Puis s’engage dans une « médiation extra judiciaire » pour rencontrer directement le meurtrier à la prison d’Arlon (Wallonie), comme le permet la justice belge. Il lui faut trois ans « pour reconnaître le droit d’exister à l’être humain que je poursuivais de ma haine la plus féroce depuis 15 ans », raconte-t-il. Il devient sénateur coopté du Mouvement réformateur [2] (libéral) et s’engage pour faire avancer le droits des victimes. À mesure qu’il découvre l’univers carcéral, cet ancien éducateur adoucit ses positions sur les peines incompressibles et demande des sanctions pédagogiques.
Jean-Marc Mahy passe ses trois premières années de détention à l’isolement dans un bloc du centre pénitentiaire de Schrassig, au Luxembourg, fermé depuis pour conditions de détention dégradantes et inhumaines [3]. Trois ans sans voir personne, avec une « cuve » de deux mètres sur trois comme seule cours de promenade dans laquelle il ne se rend que deux ou trois fois.
Jean-Marc Mahy refait surface grâce à la radio, la lecture, puis l’écriture et avec le soutien des visiteurs de prison. Depuis sa sortie en liberté conditionnelle, en septembre 2006, il témoigne pour « s’acquitter du solde de sa dette » et mettre son expérience à profit : un film documentaire [4], des débats publics puis une pièce de théâtre, Un homme debout, dans laquelle il retrace, seul sur scène, son parcours carcéral.

Justice « restauratrice »

Jusqu’au décès de Jean-Pierre Malmendier, les deux amis prêchent côte à côte pour « repenser totalement les systèmes judiciaires » afin de lutter contre la récidive. Une « écoute respectueuse et des échanges intenses » accompagnent la tournée d’Un homme debout. Jean-Pierre Malmendier prône toujours « une justice sévère où le détenu purge une partie suffisante de sa peine ». Il veut faire des victimes des « acteurs de la justice ». Mais il milite aussi pour une action « d’apaisement » et un accompagnement de la parole des auteurs de crimes, chez qui, dit-il, « l’acte violent cause [aussi] un traumatisme ». Jean-Marc Mahy devient éducateur et milite pour améliorer les conditions de détention et de réinsertion pour que la sanction « contribue à rendre l’homme meilleur ». Ensemble, ils créent une association, Re-Vivre, et multiplient les interventions en faveur d’une justice « restauratrice » qu’il préfèrent à la justice « réparatrice ».
Anne-Marie Pirard présente le vécu de ces deux hommes dans un récit simple au service de leur message. Les deux textes parallèles, qui reproduisent des extraits de la pièce Un homme debout et d’autres témoignages, dessinent une réflexion sur la justice, fondée sur la reconnaissance de l’autre. « Le meurtre, écrit l’auteure, fait toujours de nombreuses victimes. »
Nota Bene :

Après le meurtre, revivre, Jean-Marc Mahy et Jean-Pierre Malmendier, témoignages recueillis par Anne-Marie Pirard, couleurs livres, 136 pages, 14€

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire